Fonction publique territoriale

FINANCEMENT DE L’APPRENTISSAGE DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE : LES INQUIÉTUDES PERSISTENT

Si le Gouvernement a rétabli les crédits de l’Etat jusqu’en 2025, France urbaine estime que la situation est loin de constituer un retour aux termes des accords intervenus en 2021.

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Après avoir unilatéralement remis en cause la pérennité du financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale, le Gouvernement a finalement rétabli les crédits de l’Etat jusqu’en 2025 face à l’opposition déterminée des employeurs territoriaux. Mais cette décision demeure une bonne nouvelle très relative car elle est loin de constituer un retour aux termes des accords intervenus en 2021 et fait peser une menace persistante sur le financement, à contre-courant du discours affiché par le Gouvernement sur l’apprentissage…

Une remise en cause unilatérale

La loi « Avenir professionnel » a conduit, en 2019, à réorienter la taxe d’apprentissage vers les opérateurs de compétences (OPCO), ce qui a eu pour effet de priver de ressources le système d’apprentissage pour les employeurs territoriaux.

Après une période transitoire caractérisée par des solutions provisoires et insatisfaisantes, une solution plus stable a été trouvée au terme de longues discussions ayant abouti en 2021 à un dispositif dont le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est le pivot opérationnel, sur la base d’un financement structuré autour d’une cotisation additionnelle de 0,1% de la masse salariale payée par les collectivités au CNFPT, d’un financement de France Compétences de 15 M€ par an et d’un financement de l’Etat sur ses crédits propres de 15 M€ par an également.

A l’époque, dans un courrier du 27 août 2021 officialisant leur accord de principe sur le dispositif, les ministres Amélie de Montchalin et Elisabeth Borne saluaient une solution s’inscrivant dans « un système de financement soutenable et incitatif » et mettaient en avant la vocation « pérenne » de ce financement. Malgré le caractère engageant de cet accord, les employeurs territoriaux ont appris dans un premier temps, par Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, que le financement de l’Etat serait reconduit pour 2023 au travers du projet de loi de finances 2023 mais qu’il ferait l’objet, au-delà de 2023, d’une dégressivité jusqu’à s’éteindre en 2026.

A leur plus grande surprise, les employeurs territoriaux ont pris tardivement connaissance d’un amendement au projet de loi de finances 2023 remettant également en cause la pérennité du financement de France Compétences, qui aurait vocation à connaître le même sort que celui de l’Etat, laissant donc à terme les employeurs territoriaux seuls financeurs du système et menaçant directement les efforts et l’ambition des collectivités territoriales en matière d’apprentissage.
Une mobilisation déterminée des employeurs territoriaux

Les employeurs territoriaux, réunis au sein de la Coordination des employeurs publics territoriaux (CET), dont fait partie France urbaine, ont vivement dénoncé ces mesures, tant sur le fond que sur la méthode. Dans un courrier du 21 novembre dernier, adressé à Stanislas Guerini, ils ont dénoncé une décision « inexplicable au vu d’une part, des résultats obtenus par les collectivités locales dans cette politique de soutien à l’intégration des jeunes au sein de la fonction publique territoriale et, d’autre part, de l’enjeu réel sur le budget de l’Etat et de France Compétences » ainsi que des pratiques qui « interrogent sur le respect réel accordé à nos institutions locales, que l’Etat ne cesse pourtant d’interpeller sur tous les enjeux de politique publique. » Devant l’absence de réponse, cette expression a été réitérée le 12 décembre auprès de la Première ministre.

Une bonne nouvelle (très) relative

Lors d’une rencontre qui s’est tenue le 13 janvier dernier, les ministres Stanislas Guerini et Dominique Faure ont annoncé à la CET avoir obtenu un arbitrage qui consiste à rétablir les crédits propres de l’Etat dédiés au financement de l’apprentissage, soit 15 millions d’euros par an, jusqu’en 2025.

Dans un courrier aux associations d’élus en date du 27 janvier dernier, Stanislas Guerini a confirmé le maintien sur les quatre prochaines années de ce financement. Pour autant, cette avancée obtenue par les employeurs territoriaux doit être tempérée, d’une part, par le fait qu’elle ne revient pas sur la remise en cause de la pérennité du financement mais qu’elle constitue une garantie de financement jusqu’en 2025 et, d’autre part et surtout, car elle ne concerne que le financement de l’Etat et non celui de France Compétences.

Un dispositif qui demeurerait amputé par la disparition progressive du soutien de France Compétences ne dispenserait malheureusement pas les employeurs territoriaux de reconsidérer sensiblement à la baisse le dimensionnement de l’accompagnement actuel – qui porte sur un total de 12 000 apprentis au sein des collectivités territoriales – à contre-courant du discours du Gouvernement sur cette voie et des mesures de soutien qu’il promeut par ailleurs auprès des employeurs privés.

Vers une voie d’accès dédiée aux apprentis

La mise en place d’une voie d’accès à la fonction publique dédiée aux apprentis constitue une revendication de longue date des employeurs territoriaux. Celle-ci figurait en bonne place des préconisations du rapport Icard-Laurent-Desforges remis en février 2022 sur l’attractivité de la fonction publique territoriale. Dans son courrier du 27 janvier dernier et comme il a eu l’occasion de l’évoquer lors de son intervention à l’Institut régional d’administration (IRA) de Nantes le 1er février dernier, Stanislas GUERINI a annoncé l’intention du Gouvernement d’aller vers la mise en place d’une telle voie, qui consacrerait l’apprentissage comme un vecteur de pré-recrutement.

Si cette annonce va dans le bon sens, elle ne saurait évidemment être perçue comme « la » solution aux enjeux de fidélisation et de capitalisation des talents des jeunes comme France urbaine avait eu l’occasion de le souligner dans sa contribution remise en décembre 2021 au rapport Icard-Laurent-Desforges. De surcroît, elle ne saurait davantage constituer la justification d’un retrait progressif de l’Etat de tout financement.

Une justification à l’appui du retrait progressif de l’Etat ?

Or les propos du Gouvernement à cet égard sont de nature à faire craindre un tel rapprochement. En effet, dans son courrier, Stanislas Guerini s’inscrit explicitement dans une approche transitoire : « C’est dans cette perspective [NDLR : celle de créer une voie d’accès dédiée aux apprentis] qu’il [le Gouvernement] lui paraît légitime de maintenir inchangé son soutien financier jusqu’en 2025, de sorte de rendre possible tant l’adaptation du cadre juridique nécessaire que l’anticipation et l’intégration par la fonction publique territoriale de ce nouveau levier de recrutement et de pourvoi de leurs emplois permanents. »

La vigilance est d’autant plus de mise que telle n’est pas la première fois que le Gouvernement établit un lien entre la légitimité du maintien de son financement de l’apprentissage et le fait que ce dernier constituerait déjà une voie de pré-recrutement dans les collectivités, sans pour autant pouvoir appuyer cette affirmation sur la moindre statistique.
Or, non seulement opérer ce lien est contestable mais c’est surtout faire fi du rôle très positif des employeurs territoriaux, qui contribuent aussi à former des jeunes au bénéfice des entreprises, par-delà leurs seuls besoins de recrutement.

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