Actualité Enseignement supérieur & recherche

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS ÉTUDIANTS : ATTRACTIVITÉ, CAPTATION, SPÉCIALISATION, CONCURRENCE… : OÙ IRONT LES ÉTUDIANTS EN 2030 ?

Le séminaire annuel du réseau des collectivités territoriales pour l’enseignement supérieur s’est penché en avril sur la manière dont les coopérations entre territoires peuvent améliorer l’accès des jeunes à l’enseignement supérieur. Animée par France urbaine, l’une des séquences du séminaire a été l’occasion d’évoquer la tension croissante entre besoins de recrutement des entreprises, diminution potentielle des effectifs étudiants et coordination de l’offre de formation.

pexels-photo-1438072

Depuis près d’un siècle, l’enseignement supérieur en France a en effet connu une progression continue des effectifs étudiants, devenue un véritable paradigme de l’action publique. Toutefois, cette dynamique est aujourd’hui remise en question par des perspectives démographiques défavorables et des défis territoriaux spécifiques, la localisation des jeunes et celle de l’offre de formation connaissant d’importantes évolutions. La question centrale qui se pose désormais pour les territoires, réinterrogeant les stratégies d’attractivité étudiantes, est donc : où iront les étudiants en 2030 et au-delà ?

Constat unanime : face aux mutations démographiques d’ores et déjà engagées, les collectivités doivent s’organiser et s’équiper pour d’une part appréhender l’impact de ces tendances sur l’offre de formation et d’autre part renforcer les coopérations territoriales. Ces coopérations sont en effet indispensables pour éviter l’exacerbation des concurrences entre territoires dans la quête d’attractivité universitaire. Il s’agit de garantir un accès équitable à l’enseignement supérieur tout en répondant aux évolutions de l’économie et de l’emploi. La capacité des collectivités à construire une vision partagée sur l’aménagement universitaire du territoire devient ainsi cruciale.

Certaines villes comme Nice, Le Mans et Saint-Étienne continuent d’investir afin de susciter et encadrer la croissance des effectifs étudiants sur leurs territoires. Mais les tendances démographiques présentées par l’INSEE et les services du ministère (SIES) révèlent des signes d’essoufflement depuis 2010, déjà nettement sensibles dans les lycées. Selon les dernières projections du SIES, le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur devrait atteindre 3 millions en 2028, avant de connaître une baisse progressive pour s’établir autour de 2,2 millions en 2050. Cet affaissement de 800 000 étudiants concerne particulièrement les filières universitaires, alors que les formations en apprentissage et certaines filières professionnalisantes pourraient se stabiliser ou même légèrement progresser. Par ailleurs, les effectifs dans les universités (y compris les IUT) se basent sur une estimation de 1,66 million d’étudiants en 2028, avec une diminution lente mais continue jusqu’en 2031.

Les dynamiques régionales : l’exemple des Hauts-de-France

La région Hauts-de-France illustre bien ces défis démographiques. Avec 251 000 étudiants, dont 70 000 à l’Université de Lille, elle se positionne comme la quatrième région de France pour l’enseignement supérieur. La région est également la première en matière de formation d’ingénieurs et en management commerce avec plus de 30 000 étudiants et 600 diplômes de doctorat délivrés par an. Cependant, elle fait face à un défi démographique majeur avec une prévision de baisse de 4,6 % de sa population d’ici 2050, en particulier parmi les 15-39 ans (-12 %).

Pour répondre à ces défis, la région s’appuie sur un réseau dense de partenariats avec les acteurs de l’ESR, en intégrant notamment les établissements dans les instances régionales comme le SRESRI et le SRDEII. Elle développe également des initiatives pour aligner l’offre de formation avec les besoins territoriaux, notamment en créant des instances locales de gouvernance de l’enseignement supérieur, les GT Territoire. En parallèle, la région valorise son attractivité en tant que pôle européen pour les investissements dans la transition climatique, avec des projets d’envergure comme la Vallée de la Batterie.

Dunkerque : un exemple d’anticipation et de coopération

Illustration de cette évolution, la communauté urbaine de Dunkerque est (re)devenue un pôle industriel majeur avec des perspectives d’emploi particulièrement dynamiques. À l’horizon 2029, la communauté urbaine prévoit la création de 12 000 emplois directs, dont 6 611 dans l’industrie et 2 200 dans le projet EPR2. Les investissements massifs dans les gigafactories, comme Prologium (3 000 emplois d’ici 2030), Neomat (1 300 emplois) et Verkor (1 200 emplois), illustrent la volonté de faire de Dunkerque un hub européen de l’électromobilité.

Attirer et accueillir ces nouveaux emplois représente un défi majeur pour la collectivité. La stratégie locale, construite en plusieurs étapes ces dernières années et adaptée aux dernières annonces d’implantation, repose sur la coopération entre les acteurs économiques, les universités et les collectivités pour former les compétences nécessaires. Le Pacte éducatif de 2022 a permis de créer un cadre collaboratif impliquant la CUD, le rectorat et l’Université du Littoral, afin d’anticiper les besoins du marché du travail. Cette approche pragmatique a également permis de renforcer l’image du territoire, notamment en lien avec les objectifs de neutralité carbone et de transformation de l’industrie.

Seule collectivité à ne pas avoir de compétence “officielle” en matière d’organisation de l’offre de formation, la communauté urbaine se positionne comme “tiers de confiance” entre entreprises, acteurs académiques et institutions qui lui reconnaissent un rôle d’animation et de coordination inédit. La CUD s’est ainsi doté d’un service dédié à cette dynamique.

Vers une stratégie nationale territorialisée

Que retenir des expériences locales ? À l’évidence, il devient urgent de repenser les politiques d’enseignement supérieur en intégrant les dimensions territoriales et démographiques pour anticiper les mutations du marché de l’emploi et les besoins en compétences.

Enfin, au-delà de la simple gestion des effectifs, il s’agit de proposer une offre éducative innovante, adaptée aux réalités économiques et aux aspirations des jeunes. L’enseignement supérieur doit ainsi devenir un levier de revitalisation des territoires, en assumant des choix politiques clairs et en évitant l’entre-soi académique.

La démographie ne doit pas dicter la stratégie de l’enseignement supérieur. Il est essentiel d’anticiper les changements par des politiques cohérentes, adaptées aux réalités locales, et de transformer les défis en opportunités pour renforcer l’attractivité et la qualité de l’enseignement sur tout le territoire.

Aller au contenu principal