ÉCHANGES INSTRUCTIFS À MATIGNON
Le 24 octobre dernier, le Premier ministre Michel Barnier a reçu France urbaine (représentée par Arnaud Robinet, maire de Reims, président de la communauté urbaine de Reims et co-président de la Commission Finances de l’Association), aux côtés de Villes de France et d’Intercommunalités de France (Jean-François Debat, maire de Bourg–en–Bresse et président de la communauté d’agglomération du bassin de Bourg-en-Bresse, Boris Ravignon, maire de Charleville–Mézières et président de la communauté d’agglomération Ardenne Métropole, Jérôme Baloge, maire de Niort et président de la communauté d’agglomération du Niortait).
L’objectif de cette rencontre
Expliquer au Premier ministre qu’en l’état actuel du Projet de loi de finances (PLF 2025) et du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2025), ces textes auront des conséquences désastreuses non seulement pour les services publics locaux et l’investissement local mais seront indiscutablement récessifs pour l’activité des entreprises (notamment des travaux publics) et au-delà pour l’économie du pays, eu égard au rôle prééminant des collectivités dans l’investissement public.
Effort démesuré, répartition injuste
On le sait désormais, l’effort demandé aux collectivités n’est pas de 5 Md€ mais d’au moins 8,5 Md€ (car aux 5 Md€ annoncés, il convient notamment d’ajouter l’augmentation de la cotisation employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), l’amputation du Fonds vert, les ponctions sur la Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et le Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), ainsi que le gel de la Dotation globale de fonctionnement (DGF)).
Ainsi, ce qui est infligé aux collectivités pour 2026 serait de près de trois fois supérieur à ce qui avait été exigé en 2015. En d’autres termes, il est demandé sur une seule année un niveau d’effort qui avait été lissé sur 3 ans lors de la baisse de la DGF (3,7 M€ en 2015, 3,7 M€ en 2016 et 2,6 Md€ en 2017).
De plus, le Gouvernement choisit de faire porter la plus grande partie de l’effort sur un nombre limité de collectivités, les 450 “plus grosses” (450 des 600 régions, départements, villes et EPCI dont les dépenses de fonctionnement dépassent 40 M€). Peu importe, s’agissant des villes, que celles-ci concentrent les pauvretés, subissent les charges de centralité, ou soient en première ligne pour faire face aux effets du réchauffement climatique : leur taille est une présomption de richesse qui les rend coupables.
Les élus ont donc rappeler que le sujet n’était pas de refuser la participation des collectivités au redressement des finances globales, mais de s’élever contre des modalités qui ne sont “ni supportables ni justes”.
Des mesures douloureuses au service de la crédibilité de la France auprès de nos partenaires
Alors que les élus ont expliqué les conséquences très concrètes qu’un tel scénario budgétaire serait susceptible d’avoir sur leur territoire, le Premier ministre a mis en avant le fait que l’État ne pouvait pas, seul, supporter la charge des mesures de redressement qui s’imposent.
Plus précisément, la somme des dispositions conduisant à cet effort excessif résulte de la concomitance de 3 préoccupations gouvernementales :
- ce qui relève du déséquilibre d’une caisse de retraite (hausse des cotisations employeurs à la CNRACL),
- ce qui concourt directement à diminuer les dépenses de l’État (confiscation de la croissance de la TVA, amputation du FCTVA, facturation des variables d’ajustement, gel de la DGF),
- ce qui correspond au gage apporté à Bruxelles comme preuve de la capacité de l’État à endiguer la dépense locale (tel est la raison d’être de l’article 64 du PLF conduisant à une ponction de 2 % des recettes de fonctionnement).
Et c’est d’ailleurs parce que ce dernier objectif est en haut de l’agenda (l’État devant convaincre la Commission européenne du fait que la France redescendra en deçà du seuil de 3 % de déficit en 2029), que la discussion est si complexe.
Ainsi, alors que les élus expliquent que du fait de l’impact dévastateur des mesures envisagées sur la capacité d’autofinancement des collectivités, un recours supplémentaire à l’emprunt sera inéluctable (en contradiction même avec les objectifs de redressement des comptes publics), le Gouvernement répond qu’il lui faut avant tout démontrer qu’il se donne les moyens de juguler les dépenses de fonctionnement des collectivités.
Une indéniable qualité d’écoute a caractérisé les échanges du 24 octobre dernier. Ce n’est certes pas une fin en soi, mais cela est précieux dans la perspective des suites d’un dialogue qu’il est indispensable de poursuivre et d’amplifier.