DECRET PLASTIQUES – LES ELUS URBAINS ATTENTIFS AUX SIGNAUX ADRESSES AU SECTEUR DE LA RESTAURATION COLLECTIVE PUBLIQUE
La semaine dernière, les élus avaient exprimé leurs réflexions, leur étonnement et leur déception face à un éventuel retour du plastique dans les cantines. En début de semaine, la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Agnès Pannier-Runacher, a affirmé que le message adressé au gouvernement était clair : aussi la vaisselle en plastique réutilisable restera interdite dans les cantines scolaires.

Depuis plusieurs années, la restauration collective publique connaît une profonde transformation soutenue par les dispositions des lois anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite « AGEC ») de 2020 et loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (dite « EGALIM ») de 2018. La suppression progressive des plastiques en restauration collective accompagne une tendance de fond. L’implication des villes est croissante, soutenues par la demande des familles, dans une politique de santé globale visant, d’une part, à lutter contre les perturbateurs endocriniens dès l’enfance, et, d’autre part, à réduire le volume global des pollutions plastiques et de matériaux dont le recyclage reste énergivore et améliorable.
La restauration collective, fer de lance d’une politique de prévention dès l’enfance
Un projet de décret soumis à la consultation du public entendait modifier la définition des ustensiles interdits dans les services de restauration scolaire, universitaire et dans les établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans à compter du 1er janvier 2025, excluant la vaisselle et les couverts en matière plastique.
Ce faisant, elle revient sur les orientations ayant guidé l’action des collectivités territoriales depuis plusieurs années et brouille les signaux en matière de restauration collective. Très largement engagés dans la suppression des plastiques dans les cantines scolaires, certains territoires ont également assumé un travail de fond sur la mutation, bien que parfois plus complexe, des matériaux utilisés au sein des crèches.
Le législateur posant des orientations ambitieuses a ainsi permis aux collectivités de faire la démonstration de leur agilité mais également d’accompagner un travail renforcé autour de la santé de l’enfant et de la lutte contre les perturbateurs endocriniens.
Une politique du temps long nécessitant cohérence et constance
En matière de restauration collective, les travaux menés par différents réseaux soulignaient l’importance d’une stratégie constante et lisible, au vu, en particulier, des enjeux d’accompagnement des professionnels. Dans son livre blanc de 2022, le réseau Agores représentant la restauration publique territoriale rappelait ainsi :
« Ce type de vaisselle est aussi réputé moins lourd et plus facile à manipuler pour les enfants, notamment les plus jeunes qui apprennent l’autonomie. Il est préconisé de revenir à une vaisselle “classique” : gobelets en verre, couverts en inox, assiettes en céramique, raviers et ramequins en verre, porcelaine ou arcopal. La taille des contenants pourra être adaptée aux portions servies – donc à l’âge des convives. Les carafes peuvent être en verre ou en inox. Dans cette optique, il sera indispensable de repenser l’ensemble des opérations effectuées par les agents pour limiter au maximum les ports de charge : service, débarrassage, travail en laverie, stockage de la vaisselle, rangement. Exemple : pour les assiettes, l’usage de chariots à niveau constant est une solution pertinente qui limite les manipulations quotidiennes (qui, jusque-là, relevaient de l’habitude). Réfléchir à la limitation du bruit pour le bien-être des agents et des usagers sera aussi indispensable. »
Depuis les annonces gouvernementales, les réactions d’incompréhension se multipliaient de la part des élus locaux et du secteur de la restauration collective
Maxime Cordier, président de l’AGORES représentant les professionnels de la restauration publique territoriale déplore ainsi sur Linkedin « Un décret qui vient brouiller le message de l’article 28 et freiner l’action des collectivités territoriales engagées dans la transition.(…) AGORES est en opposition à ce décret et espère que les contributions massives et univoques en ce sens, recueillies lors de la consultation, feront bouger la ligne. »
Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux et co-président du groupe de travail Restauration scolaire à l’AMF, contacté par Maire info le 12 mars rappelait ainsi « C’est incompréhensible et assez ubuesque. On travaille depuis des années pour retirer le plastique des cantines, dans un contexte difficile, et voilà que le gouvernement fait marche arrière. C’est une prime à ceux qui ne font rien. »
De même, les élus de France urbaine interrogés, présidant les commissions de l’association, concernant notamment les travaux autour de l’alimentation, la santé, l’éducation et la petite enfance, soulignent l’importance dans les politiques menées d’une trajectoire cohérente et lisible garantissant une véritable action de prévention en matière de santé de l’enfant et font part de leurs préoccupations face à ce qui pourrait s’apparenter à un revirement en la matière.
Une mobilisation se poursuit dans un contexte de tensions autour de la “fausse consigne”
Un tel projet de décret intervient dans un contexte qui n’est en effet pas neutre pour France urbaine. Selon les acteurs du plastique, cités dans Le Monde du 11 mars, les dispositions du décret actuel transposant la loi EGALIM constitueraient « une entrave au marché intérieur et à la liberté de commerce, ainsi qu’une surtransposition du nouveau règlement européen sur les emballages qui vient d’être publié. »
Un tel raisonnement résonnait particulièrement au sein du réseau France urbaine engagé depuis plusieurs années dans une démarche de réduction des déchets et pollutions plastiques en agissant à la source, et notamment dans un bras de fer contre la “fausse consigne” pour recyclage des bouteilles pour boisson en plastique, et pour l’application de l’objectif de la loi AGEC de réduction de mise en marché de 50% d’ici 2030, aux côtés de plusieurs associations du bloc local, qui soutiennent au contraire, la consigne pour réemploi, et avait présenté un plan alternatif ambitieux.
Dans un tel contexte, les territoires urbains restent attentifs à ce sujet.