DEBUT DE L’EXAMEN DE LA PPL TRACE AU SENAT : FRANCE URBAINE VIGILANTE A NE PAS RENONCER A L’AMBITION DU ZAN
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a fixé un objectif de sobriété foncière visant à réduire dans un premier temps de moitié le rythme de l’artificialisation des sols à l’horizon 2031, en vue d’atteindre, d’ici 2050, un objectif final de zéro artificialisation nette des sols.
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Cette loi a fait l’objet de premières modifications par la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, introduisant notamment une surface minimale de consommation d’un hectare pour chaque commune.
Dans le prolongement des travaux du groupe de suivi des dispositions relatives à la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols au Sénat, une nouvelle proposition de loi a été déposée « visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux » par les sénateurs Guislain cambrer et Jean-Baptiste Blanc. Elle sera examinée au Sénat le 19 février prochain en commission, puis les 12 et 13 mars en séance publique.
Cette proposition de loi, composée de 5 articles, propose d’assouplir à nouveau l’ambition initiale au profit d’une “trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux”.
La consommation des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers comme unité de mesure de l’artificialisation au-delà de 2031
La proposition de loi envisage de refondre et de restreindre la définition d’artificialisation qui avait été instaurée par la loi Climat et Résilience. L’artificialisation serait définie comme « la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers », résultant de « la création ou l’extension des espaces urbanisés ». La renaturation ou désartificialisation d’un sol se définirait alors comme « la transformation effective d’espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers ». Cette proposition pourrait participer à une meilleure appropriation par les collectivités.
Une suppression de l’objectif intermédiaire de diminution par deux de la consommation de terres d’ici à 2031 et le remplacement par des objectifs différenciés définies par la région.
L’article 191 de la loi Climat et Résilience fixait un objectif intermédiaire visant à réduire de moitié la consommation des sols sur la décennie 2021-2031 par rapport à celle observée sur les dix années précédant la promulgation du texte.
La proposition de loi supprimerait cet objectif intermédiaire au profit d’une « trajectoire nationale de sobriété foncière » se traduisant par une « diminution tendancielle de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers », au risque de remettre en cause l’atteinte du ZAN pour 2050. A ce titre, France urbaine soutient la préservation de l’ambition initiale du texte et de l’objectif intermédiaire de -50%, y compris pour ne pas pénaliser les territoires, notamment urbains, s’étant déjà fortement engagés dans cette voie.
Le report du calendrier de révision des SCOT et PLU pour y intégrer le ZAN
L’article 194 de la loi Climat et Résilience a fixé un calendrier ambitieux au terme duquel les différents documents d’urbanisme doivent être modifiés pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation.
La proposition de loi vient notablement retarder ces échéances, dans l’objectif de desserrer l’étau sur les collectivités et de leur permettre « de mieux anticiper la baisse de leurs possibilités d’artificialisation ».
Ce nouvel assouplissement repousse ainsi les dates butoirs de 2027 et 2028 à respectivement 2031 pour les Scot et 2036 pour les PLUi.
France urbaine défend le maintien des calendriers existants : la plupart des territoires ont lancé leurs travaux pour respecter l’échéance de 2028, souvent en parallèle des SCOT, adoptant une approche itérative sans attendre leur mise en conformité. Un report compromettrait la dynamique en cours ainsi que les engagements déjà pris et freinerait les efforts engagés pour atteindre les objectifs fixés par la loi.
Néanmoins, France urbaine n’ignore pas que certains territoires puissent être en difficulté au regard du respect de ces délais, avec à la clé la sanction, si les documents ne sont pas modifiés selon les dispositions de la loi Climat et résilience, consistant en l’impossibilité de délivrer des permis de construire dans les zones AU. Pour ces territoires, il convient sans doute d’introduire certaines souplesses tout en garantissant leur véritable engagement dans cette politique nationale de sobriété foncière à fort enjeu.
L’exclusion du décompte du ZAN des PENE – projets d’envergure nationale et européenne
La proposition de loi prévoit d’exclure les projets d’envergure nationale et européenne (PENE) des enveloppes de consommation d’ENAF fixées au niveau local. Cette exclusion vise à garantir que les objectifs définis au niveau local « ne seront pas grevés par des projets ne relevant pas de l’initiative de la région ou des collectivités locales ».
Cela ne signifie toutefois pas que ces projets seront dispensés de tout objectif de sobriété foncière : en pratique, il est prévu que la consommation d’ENAF résultant des PENE suivra également « une trajectoire » caractérisée par une « diminution tendancielle » de la consommation d’ENAF.
France urbaine souligne ici la nécessité de définir une trajectoire de diminution de la consommation d’Enaf pour les PENE sous maîtrise d’ouvrage de l’État ou de ses établissements publics, laquelle pourrait être calquée, comme pour les territoires, sur le calendrier défini par la loi Climat et résilience.
La modification de la gouvernance régionale du ZAN avec une plus grande place laissée aux départements mais aussi aux communes
Enfin, le texte modifie le fonctionnement de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols, rebaptisée conférence régionale de gouvernance de la politique de la “sobriété foncière”.
Il lui reviendrait entre autres de répartir en concertation avec l’ensemble des collectivités et de leurs groupements, et sur la base des remontées de besoins et projets faites par ces derniers, l’enveloppe foncière régionale, lorsque la région a déterminé un objectif chiffré de réduction de consommation d’Enaf dans son document de planification. Les formations départementales de la conférence seraient en outre obligatoirement consultées sur la détermination de l’enveloppe foncière.
France urbaine émet des réserves sur ce dispositif qui paraît complexe dans sa gouvernance et sa capacité à être opérationnelle.
France urbaine s’oppose à ces modifications de la loi, qui souffrent notamment d’un manque de clarté dans la reconnaissance et la prise en compte du fait intercommunal, et saisira par ailleurs l’occasion de ce texte pour proposer à nouveau que la garantie communale soit supprimée ou conditionnée au respect d’objectifs de préservation de l’environnement et de participation à l’effort national de construction de logements dans le contexte de crise que nous traversons.
France urbaine regrette par ailleurs que la proposition de loi n’aborde pas la question essentielle pour les territoires de l’accompagnement économique et fiscal de la sobriété foncière, qui reste un enjeu primordial pour cette réussite collective.