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DE L’EFFET D’OPPORTUNITÉ À L’EFFET-LEVIER : « FNDATiser » LES DOTATIONS D’INVESTISSEMENT ?

France urbaine auditionnée au Sénat sur le Fonds national d’aménagement du territoire.

Représentée par Frédérique Bonnard Le Floc’h, vice-présidente de Brest métropole et co-présidente de sa commission Alliance des territoires, France urbaine a eu la chance d’être entendue le 30 avril dernier par Bernard Delcros, sénateur du Cantal, président de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire de la commission des Finances sur le Fonds national d’aménagement du territoire (FNADT).

Un échange fructueux qui a permis de rappeler que la force du FNDAT réside moins dans ses volumes, en baisse et peu compatibles avec la marche d’investissement que doivent gravir les collectivités, que dans la « capacité d’infusion » de ses principes fondateurs dans toutes les subventions de l’Etat aux territoires : pluriannualité, prévisibilité, souplesse d’engagement, soutien à l’autofinancement…

Autant de conditions essentielles pour un dialogue contractuel rénové, mature et protecteur des ambitions de coopérations à long terme entre territoires. Alors le moment n’est-il pas venu, à l’heure où chaque euro d’argent public doit emporter avec lui le maximum d’effet-levier, de « FNDATiser » les subventions d’investissement qui lient l’Etat et les territoires autour de projets communs ?

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L’Institut I4CE (« Institute for Climate Economics ») a objectivé la pente du mur d’investissement qui est devant nous pour tenir les engagements climatiques du pays : 100 milliards d’euros à investir chaque année d’ici 2030 (pour le seul volet atténuation, et donc sans intégrer les dépenses nécessaires d’adaptation qui font l’objet du cycle 2 des COP Climat – SGPE) et un effort de 11 milliards supplémentaires par an, d’ici 2030 également, pour les seules collectivités.

Dans le contexte budgétaire actuel, chaque euro doit compter. Et à ce titre, le FNADT (vecteur notamment des volets territoriaux des CPER) s’est historiquement construit autour de principes d’actions inspirants :

  • Une logique pluriannuelle donnant sécurité et prévisibilité aux grandes agglomérations et métropoles pour enclencher des investissements de long terme ;
  • La possibilité d’accès de tous types de porteurs de projets, publics comme privés (entreprises, associations, écosystème de l’économie mixte…), à l’heure où les grandes agglomérations et métropoles organisent des mobilisations collectives ambitieuses ;
  • Une possibilité de soutenir l’autofinancement des collectivités, et le déploiement de l’ingénierie.

Plus que comme ligne budgétaire à sanctuariser, France urbaine voit donc dans le FNADT une philosophie à raviver : celle de contrats au service d’une vision d’aménagement du territoire partagée.

Du projet partagé au contrat qui engage : vers un nouveau modèle contractuel ?

France urbaine, qui rassemble 110 adhérents, représentant plus de 2000 communes et 30 millions de Françaises et Français, porte historiquement la nécessité d’une nouvelle relation contractuelle entre l’Etat et les territoires, fondée sur les principes de confiance, de pluriannualité et de solidarité entre territoires. Principes dont les résonnances avec le FNADT ont pu être présentées au Sénateur Bernard DELCROS… et qui étaient déjà au cœur de la Charte interministérielle de la contractualisation qui reste encore à concrétiser.

Prévisibilité des ressources, concrétiser le Fonds territorial climat : aux termes de la circulaire du 28 mars 2025 , 150 millions de Fonds vert devraient être fléchés vers les PCAET suivant une logique en partie démographique. Un volume qui reste modeste, mais qui devra évoluer à la hausse dans le PLF 26 en ce qu’il garantit une ressource prévisible à ceux qui font (PCAET), seule véritable condition pour passer d’un effet d’opportunité (logique d’appels à projets) à un effet de levier (connaître ex ante la contribution de l’Etat sur la base de critères transparents et non pas, in fine, à l’instruction du dossier) :

  • PLANIFICATION ECOLOGIQUE : OSONS LE FONDS TERRITORIAL CLIMAT ! – France urbaine
  • « FONDS TERRITORIAL CLIMAT » : TRANSFORMER L’ESSAI – France urbaine
  • Un volet systématique de coopération interterritoriale sur le modèle des contrats de coopération métropolitains du Pacte Etat-métropole signé en 2016, et qui alliait prévisibilité de la ressources (des enveloppes connues à l’avance) et volet obligatoire de coopération interterritoriale : là encore, cette expérience avait nourri la Charte interministérielle qui prévoit que « le contrat intègre, obligatoirement pour les métropoles, un volet relatif à la coopération interterritoriale, dans une logique d’alliance entre le territoire signataire et ceux avec lesquels il interagit. » ;
  • Contribuer à soutenir l’autofinancement : ce que l’expérience du FNADT permet, c’est d’envisager de manière concrète le passage d’une logique de DSIL à une logique de DSAL (dotation de soutien à l’autofinancement local) : un principe qui là encore figurait dans la Charte interministérielle de la contractualisation : « L’aide de l’Etat aux porteurs de projets contractualisés n’est pas exclusivement financière et peut également consister, dans le respect du droit de la concurrence, en un appui en ingénierie (assistance à maîtrise d’ouvrage, aide au montage de projet, assistance technique, mécénat de compétences, échanges d’expériences et formation notamment au travers de la future Agence Nationale de Cohésion des Territoires), subventions en fonctionnement et en investissement, participations en fonds propres, avances… »

« One put » : les crédits européens doivent aussi trouver à s’intégrer dans des logiques contractuelles globales, porteurs d’une stratégie intégrée qui garantit l’efficacité des politiques publiques déployées. C’est pourquoi, dans le cadre des discussions en cours sur l’avenir de la politique de cohésion, France urbaine rappelle son caractère essentiel et la nécessité de lui donner toute sa puissance par une territorialisation aboutie, notamment grâce à des outils du type « investissements territoriaux intégrés » (ITI). Là encore, la Charte interministérielle reste une boussole d’actualité : « En lien avec les autorités de gestion, le contrat intègre les différentes sources de financement proposées par les politiques européennes de cohésion et de développement rural et leurs programmes (INTERREG, LEADER, etc…) en faveur des projets locaux».

Dans les suites du rapport de Boris Ravignon sur « Le coût du millefeuille territorial », (page 69, Rapport de Boris Ravignon sur le coût du millefeuille administratif – Presse – Ministère des Finances), France urbaine est prête à travailler au rapprochement de la DSIL et du Fonds vert autour des principes de prévisibilité et de pluriannualité du FNADT et du Fonds territorial climat (circulaire du 28 mars 2025), pour construire une nouvelle génération de contrats Etat-territoires, comme le préconisait la Charte interministérielle de 2019, que France urbaine avait contribué à élaborer et qu’il est urgent de concrétiser.

Jean Deysson
Conseiller Cohésion des territoires, réforme territoriale, santé, solidarités et Europe
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