CRISE ASSURANTIELLE : GÉRER DES RISQUES CROISSANTS POUR LES TERRITOIRES DANS UN CONTEXTE DE FORTE DÉGRADATION DU MARCHÉ
Alors que la résilience des territoires est mise à l’épreuve face aux grandes crises, la problématique pour la quasi-totalité des adhérents de France urbaine est de pouvoir s’assurer.
L’assurance est une réponse essentielle à la maîtrise des risques qui s’intensifient, notamment avec l’accélération des dérèglements climatiques. Le sujet vient ainsi percuter une série de défis transversaux auxquels ont à faire face les collectivités. Par ailleurs, la difficulté à trouver des assureurs n’est ni un phénomène totalement nouveau, ni propre à tel ou tel territoire. En revanche, l’intensité de la crise, ainsi que sa rapidité apparaissent inédites, ce qui tend à rendre la situation préoccupante.
Une fragilisation générale et très rapide de l’assurabilité des collectivités, tout particulièrement en matière de dommages aux biens
Consciente de l’impasse dans laquelle se trouvent aujourd’hui de nombreux adhérents, France urbaine a réuni une trentaine de services “assurances” et/ou juridiques de collectivités membres le 11 mars dernier, faisant suite à une première réunion organisée fin 2023. Cette dynamique de travail et d’échange a été l’occasion de recenser et d’identifier les grandes tendances à l’œuvre, sur la base d’une enquête flash adressée en amont, venant confirmer le diagnostic initial.
Les différents témoignages de collectivités, la présentation d’un benchmark réalisé par les services mutualisés de la ville et de la métropole de Nancy, ainsi que les interventions de Stéphanie Chauvet et Julie Boilley, représentant la SMACL Assurances, ont permis de mieux appréhender le phénomène.
Les retours des collectivités confirment ainsi un changement profond des conditions du marché depuis environ 3 ans, avec une forte augmentation des niveaux de cotisation, des majorations des primes annuelles et, plus globalement, une dégradation généralisée des conditions contractuelles. Les risques d’infructuosité ou d’offres uniques se multiplient, là où les territoires qui parviennent encore à contractualiser restent sous la menace constante de hausses de primes ou de résiliations. Seul élément positif dans ce contexte difficile : le Conseil d’État a récemment encadré l’usage de la résiliation unilatérale à l’initiative de l’assureur dans le cadre d’un marché public.
La recherche de solutions face à une forte exposition des acteurs publics
Ce nouveau contexte du marché assurantiel des collectivités oblige souvent celles-ci à réagir dans l’urgence et à développer une culture du risque au sein des services, avec une vision plus fine de la sinistralité. Mais la rapidité du retournement du marché n’apparaît pas nécessairement compatible avec le temps indispensable à la mutation de ces pratiques.
En octobre 2023, le gouvernement annonçait le lancement d’une mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales, confiée à Alain Chrétien, maire de Vesoul et Jean-Yves Dagès, ancien dirigeant de Groupama, dont les travaux doivent aboutir à des propositions de solutions pérennes et de long terme. France urbaine a d’ailleurs été auditionnée dans ce contexte.
En outre, Paul Simondon, adjoint à la maire de Paris, chargé des finances et du budget, a également porté la voix des territoires urbains lors d’une autre audition le 27 février dernier, dans le cadre d’une mission d’information du Sénat, confiée à Jean-François Husson, sénateur de Meurthe-et-Moselle. La mission s’est fixée comme objectif de dresser un état des lieux et de “proposer des solutions à même de garantir des conditions d’assurance acceptables pour toutes les collectivités et soutenables financièrement pour l’ensemble des acteurs concernés”.
Des évolutions de pratiques qui peuvent constituer de nouveaux repères face au durcissement des exigences du marché
Certains adhérents de France urbaine se voient aujourd’hui contraints de basculer en auto-assurance, ce qui induit, pour eux, deux conséquences majeures : l’exposition directe aux aléas, l’internalisation de l’expertise juridique en assurances et la coordination des opérations d’expertise en cas de sinistre.
L’auto-assurance tend aujourd’hui à s’imposer comme un mode de gestion inévitable
Les premières réflexions qui se sont tenues au sein de France urbaine ont démontré que le sujet n’était pas aussi binaire qu’il n’y paraît. Dans plusieurs cas d’espèce, des solutions mixtes prévalent en fonction du seuil des franchises que les organismes d’assurance fixent avec les personnes publiques.
Au-delà de ces adaptations des pratiques, les grands risques émergents constituent un défi majeur pour le modèle assurantiel
Il est cependant permis de douter que ces ajustements des pratiques puissent constituer une solution durable : ils constituent des optimisations bienvenues et sans doute un alignement sur les standards assurantiels du secteur privé. Mais si les grands risques, notamment climatiques, technologiques et industriels devaient conduire à la poursuite de la dégradation du marché, c’est le modèle assurantiel actuel qui serait remis en question.
La multiplication de l’auto-assurance, si elle devait advenir, conduirait vraisemblablement à devoir s’interroger sur la mise en place, d’une part, de mécanismes nationaux sous la forme de fonds pour ne pas exposer directement les collectivités à un risque d’insolvabilité et, d’autre part, d’une ingénierie mutualisée.
Au regard des nombreux témoignages, il reste donc impératif tant pour les pouvoirs publics, les collectivités locales que les assureurs, de pouvoir répondre aux attentes des assurés et débloquer le marché qui souffre d’une dégradation du niveau de concurrence, afin d’éviter que les collectivités se retrouvent dans des situations inconfortables, voire insoutenables, tant juridiquement que financièrement – d’autant plus lorsqu’il s’agit de grosses structures/services mutualisés qui ont un volume important de biens à assurer.
Si des solutions à droit constant existent déjà, France urbaine compte porter dans le débat public une contribution faisant état des insuffisances et des besoins relevés par ses adhérents.