COMMENT SURMONTER LA CRISE DU LOGEMENT ?
En 2024, à la faveur du Projet de loi sur le logement abordable, les solutions à apporter aux tensions sur l’offre de logement, croissantes ces dernières années en France, ont été remises au cœur d’une actualité parlementaire déjà riche sur ces questions.
Financement du logement social, décentralisation du logement, montée en puissance des actions de rénovation du parc existant ont en effet donné lieu à une activité intense au niveau législatif et réglementaire, ainsi qu’à des débats complexes sur le juste modèle économique d’une part, sur la juste répartition des responsabilités entre public et privés et entre acteurs publics eux-mêmes d’autre part.
L’atelier logement qui s’est déroulé lors des Journées Nationales de France urbaine le 10 octobre dernier à Lyon, a été l’occasion de revenir sur les causes de ces tensions et d’ouvrir le débat sur les réponses à cette crise, réponses locales et nationales.
Pour échanger sur ces questions, l’atelier a réuni les intervenants suivants :
- Nathalie Appéré, maire de Rennes, présidente de Rennes Métropole,
- Alain Couchot, adjoint à la maire de Mulhouse,
- Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon, délégué à l’habitat, la politique de la ville, le logement social et l’inclusion par le logement,
- Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat,
- Patrick Lyonnet, directeur régional d’Enedis Auvergne Rhône Alpes.
État des lieux de la demande de logement en France et conséquences sociales
L’atelier s’est ouvert sur un constat alarmant de la crise du logement, particulièrement dans le secteur du logement social.
Marianne Louis a évoqué une demande record de plus de 2,7 millions de demandeurs de logements sociaux en 2023. Cette forte demande est exacerbée par une pénurie d’offres, en raison de la faible mobilité des locataires dans le parc social et de l’insuffisance de logements disponibles, notamment des petites surfaces adaptées aux familles monoparentales et aux personnes seules.
De fait, le parcours résidentiel des locataires est “grippé” : les locataires HLM restent plus longtemps dans le parc social, faute de pouvoir accéder à des logements dans le secteur privé ou d’envisager une accession à la propriété en raison de la crise qui touche le marché de l’accession du marché de l’ancien et du neuf. En conséquence, les attributions de logements sociaux connaissent une baisse continue, avec moins de 370 000 attributions en 2023, contre 500 000 il y a dix ans.
Nathalie Appéré a rappelé les conséquences de cette crise qu’elle observe sur son territoire : saturation du parc social, blocage des parcours résidentiels et montée du sans-abrisme. Même si des efforts ont été faits localement, la production de logements reste largement insuffisante pour répondre à la demande croissante, tant dans le secteur public que privé. Les niveaux de loyers dans le parc privé atteignent des sommets, rendant l’accès au logement encore plus difficile pour les ménages modestes.
Ces premières interventions ont permis d’aborder la question de la crise du logement sous le prisme de la production et de l’offre. Une deuxième séquence s’est ouverte sur des échanges autour des problématiques sociales et énergétiques, notamment sur le patrimoine existant avec le défi de la résorption de l’habitat indigne.
Enjeux du traitement de l’habitat indigne comme réponse à la crise du logement
Alain Couchot a apporté l’expertise de la Ville de Mulhouse sur les problématiques de l’habitat indigne. En 2023, Michèle Lutz, maire de Mulhouse, a en effet co rédigé avec Mathieu Hanotin, maire de Saint Denis et président de Plaine Commune, le rapport relatif aux outils de lutte contre l’habitat indigne.
À Mulhouse, 16 % des logements sont vacants, et 18 % du parc est constitué de copropriétés dégradées. Ce chiffre s’inscrit dans le cadre d’une problématique nationale plus large, où 400 à 420 000 logements sont potentiellement indignes. Cette situation montre l’ampleur du problème, qui requiert une action à l’échelle nationale. À l’heure des débats sur le Projet de loi de finances 2025, la durée des engagements financiers de l’État et leur pérennisation est une attente forte des collectivités locales.
Le rapport rendu en 2023 propose à ce titre 24 mesures pour favoriser l’innovation et renforcer le pouvoir des maires, en particulier à travers des procédures adaptées à la réalité locale.
Également présents dans l’assistance, Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne et Adrien Delacroix, adjoint au maire de Saint-Denis ont tour à tour souligné l’importance de la maîtrise foncière et le renforcement des outils tels que les déclarations d’utilité publique afin de freiner l’augmentation des prix mais également de permettre des expropriations dans les cas les plus complexes. Au delà des promesses d’un choc de l’offre, le traitement du bâti existant doit permettre de remettre des logements existants sur le marché.
Logement d’abord, l’expertise de la Métropole de Lyon et perspectives à l’échelle européenne
Renaud Payre a exprimé son inquiétude face à l’épuisement des ressources locales face à une politique nationale du logement qui n’a pas fait l’objet d’engagements à la hauteur de la crise.
Tout comme Nathalie Appéré, il a rappelé la crise sociale latente qu’il perçoit sur son territoire. Plusieurs exemples ont ainsi pu être cités pour souligner les difficultés d’accès au logement qui peuvent entraîner une forme de renoncement notamment sur le marché de l’emploi.
Il a ainsi regretté la perception purement budgétaire de la politique du logement, sans considération pour son potentiel d’investissement à long terme.
Au niveau local, la Métropole de Lyon a mis en place plusieurs dispositifs “d’hospitalité” pour répondre à la crise du sans-abrisme, notamment pour les mères isolées avec des enfants en bas âge. Sur cette thématique, l’importance de la coopération entre les villes pour échanger sur les bonnes pratiques a pu être rappelé.
À l’échelle européenne, il a mentionné un plaidoyer commun au niveau européen pour obtenir des financements et un soutien plus fort, tout en se félicitant de certaines initiatives européennes en matière de lutte contre le sans-abrisme, comme la plateforme européenne initiée par l’ancien Premier ministre belge.
Cependant, il a exprimé une certaine prudence concernant l’orientation future de la politique européenne en matière de logement, en particulier avec la nomination d’un commissaire européen, chargé du logement et de l’énergie. Bien que cette nouvelle ait été accueillie de manière unanime par les acteurs du logement, les actions devront suivre.
Exemple d’un dispositif innovant en partenariat entre la Métropole de Lyon et Enedis
Patrick Lyonnet est revenu sur le programme “EcoRenov” qui vise à repérer les passoires thermiques et à évaluer l’efficacité des rénovations énergétiques. Enedis fournit ainsi des données sur la consommation énergétique, permettant de cibler les zones où les efforts de rénovation doivent être priorisés.
Des outils numériques ont ainsi été cités afin de permettre de localiser les foyers en difficulté, facilitant ainsi une intervention ciblée des collectivités.