COMITÉS LOCAUX DE L’EMPLOI – D’ANGERS À STRASBOURG, DU NUCLÉAIRE À LA PETITE ENFANCE – PREMIERS RETOURS TERRAIN
La loi pour le plein emploi du 18 décembre 2023 modifie la gouvernance des politiques de l’emploi. Le 10 avril, les réseaux France urbaine, Alliance ville emploi, Intercommunalités de France organisaient leur 5e webinaire de suivi de la déclinaison des comités locaux de l’emploi. L’occasion de rentrer dans l’analyse concrète de ces écosystèmes notamment sur les territoires d’Angers Loire métropole et de l’Eurométropole de Strasbourg en présence de Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle et Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail.

Un bilan en demi-teinte des premiers comités locaux
Mathieu Klein, coprésident de la Commission Solidarité de France Urbaine, maire de Nancy, président de la Métropole du Grand Nancy, Bernadette Abiven, représentante de France urbaine au Conseil national de l’emploi, membre du bureau d’Alliance Ville emploi, vice-Présidente de Brest métropole, et Yohan David, président d’Alliance Ville emploi ont relayé certaines alertes.
Le bloc communal a un rôle éminent en matière d’emploi, trop souvent méconnu sur trois volets :
- l’accompagnement des publics : jeunes, publics en précarité (ex. expérimentation territoire zéro non recours, territoire zéro chômage de longue durée, mobilisation des missions locales, PLIE, actions menées en politique de la ville),
- l’accompagnement des entreprises, en particulier TPE et PME, et structuration de filières : territoires d’industrie, schémas enseignement supérieur et formation…,
- l’offre de service : mobilité, santé, logement, garde d’enfant constituent d’importants freins à l’emploi.
Plus d’un an après la promulgation de la loi plein emploi, l’esprit de la loi n’a pas pleinement pris en compte. Les comités locaux sont ainsi le plus souvent à l’échelle des arrondissements avec parfois 5 coprésidences. Le périmètre des sous-préfectures a le plus souvent primé au détriment des réflexions sur les compétences mobilisées et les territoires de projet, à rebours du travail mené sur territoires d’industrie ou encore territoire zéro chômage de longue durée. Cette erreur peut peser sur la faculté de ces comités à entrer dans une dynamique opérationnelle.
Pourtant, le défi social et économique est d’importance qui nécessite de répondre aux tensions au recrutement sur le territoire dans de très nombreux secteurs, d’engager la décarbonation des filières en déployant de nouveaux métiers et d’accompagner des publics en insertion avec des moyens contraints.
Dans ce contexte, la prise en compte des dynamiques existantes et outils locaux est un impératif pour garantir l’efficience des politiques de l’emploi mais également la continuité des parcours. Yohan David invite ainsi à pleinement prendre en compte les PLIE et les maisons de l’emploi et à intégrer leur activité d’accompagnement dans le calcul des 15/20h inscrites au contrat d’engagement des demandeurs d’emploi. Bernadette Abiven souligne, quant à elle, le risque de rupture d’accompagnement et de décrochage de certains publics.
4 principes clés pour une déclinaison réussie
La déclinaison des comités locaux de l’emploi s’accompagne d’une comitologie parfois vécue comme complexe et d’une mutation des modes d’accompagnement. Pour assurer une mise en œuvre cohérente, plusieurs principes sont dégagés. De tels principes sont utilement rappelés dans un contexte où règne le sentiment d’un resserrement sur certains dispositifs ou certains acteurs d’un côté et celui d’une rotation inefficace des dispositifs de l’autre au détriment de la continuité d’action :
- la coopération : une approche collégiale des appels à projet, une fonction de mise en contact avec les entreprises du territoire (task-force entreprise) mobilisant les services de l’intercommunalité, intégration des PLIE et maisons de l’emploi comme acteurs de premier plan…,
- la subsidiarité et la territorialisation : prise en compte des périmètres et actions déjà existants notamment en quartier prioritaire de la politique de la ville, intégration au sein des comités départementaux des intercommunalités locomotives notamment les métropoles,
- l’accessibilité : préservation de l’accompagnement humain, design pertinent des systèmes d’information constituent des briques indispensables pour garantir un vrai recours au droit,
- l’opérationnalité : objectifs territorialisés concrets à chaque échelle ciblant certains publics et filières, mobilisant les branches.
De tels principes s’observent d’ores et déjà dans certains territoires. Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail, met ainsi en avant le travail engagé sur la filière nucléaire au comité de Châlons sur Saône, l’approche mobilisée sur le territoire de Châteauroux en vue de garantir l’accès à un dispositif d’accompagnement de proximité pour tout habitant, ou encore les enjeux massifs de structuration de l’emploi dans le Dunkerquois confronté à un besoin de main d’œuvre de plus de 20 000 personnes.
Benjamin Maurice, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle souligne l’enjeu de coordination des dispositifs. La déclinaison des comités locaux et actions afférente doit ainsi constituer le levier d’une analyse collégiale des fonds mobilisables notamment le FSE+ reconnaissant qu’un travail peut être mené si nécessaire pour faciliter l’articulation des échelles notamment lors de l’ouverture d’appels à projet.
Angers Loire Métropole et l’Eurométropole de Strasbourg, focus sur les réalités locales en matière d’emploi
À l’occasion d’une intervention à trois voix, Anne-Marie Jean, vice-présidente à l’Eurométropole de Strasbourg, Marilyne Poulain, préfète déléguée à l’égalité des chances dans le Bas Rhin, et Philippe Weisseldinger, directeur territorial de France Travail dans le Bas-Rhin, décrivent l’installation du nouveau comité local au sein de l’Eurométropole. Du fait d’un historique de coopération déjà existant, le modèle mis en place prend en compte les contractualisations existantes (schémas des service aux familles, contrats locaux de solidarité), sur ce territoire à fort enjeu. L’Eurométropole est l’un des territoires les plus pauvres et comprend un nombre important de quartiers prioritaires de la politique de la ville. La métropole est territoire d’expérimentation pour l’accompagnement rénové des bénéficiaires du RSA. L’affluence importante (69 participants) lors de la première tenue du comité local traduit ce travail de coordination : CAF, OPCO, OFII, Education nationale, syndicats s’engagent à travailler de concert. Sur ce territoire d’immigration, la formation et notamment le français langue étrangère constitue un enjeu clé du point de vue des entreprises. Le logement, la santé physique et mentale reviennent également comme un leitmotiv ainsi que les actions susceptibles de mieux cibler les familles monoparentales. Anne-Marie Jean appelle ainsi à une certaine vigilance au vu de la complexité des freins à l’emploi, des enjeux de formation et de la diversité des publics, et appelle à éviter les logiques d’adéquation simpliste qui voudraient qu’offre et demande puissent aisément coïncider sur un territoire donné. De tels processus prennent du temps exigent un travail fin de coordination locale.
Sur le territoire d’Angers Loire métropole représenté par Francis Guiteau, conseiller délégué rénovation urbaine, emploi et insertion à Angers Loire Métropole, Wilfrid Pelissier, directeur départemental de l’emploi, du travail et des solidarités dans le Maine et Loire, et Fabienne Picardat, directrice départementale de France Travail, Maine et Loire, l’accent est notamment porté sur l’emploi des femmes et les saisonniers. Une action vise à expérimenter un parcours d’emploi dédié. Dans ce cadre la mobilisation collective de la CAF, de l’agence Loire Développement et des cités de l’emploi a permis pour certains profils de débloquer une proposition de garde en moins de trois semaines en vue de démarrer l’accompagnement. Cette facilité de coordination est également le fruit d’un contexte de coopération historique. Les quatre comités locaux s’efforcent en Maine et Loire d’être en adéquation avec les bassins de vie et d’emploi et de mobiliser la totalité des coprésidences pour avancer. Chaque fiche action est copilotée avec les intercommunalités du territoire. Le travail mené sur les freins à l’emploi, le lien à l’entreprise et l’attractivité territoriale mobilisent ainsi les compétences du bloc communal particulièrement engagé sur ces sujets.
Du local au national : quelle articulation de ces modèles locaux avec la trajectoire économique et budgétaire de la France ?
L’actualité a aussi été marquée par la présentation du rapport d’avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme et l’installation du comité d’alerte des finances publiques le 15 avril. Alors que l’articulation entre les objectifs nationaux et les effets locaux constituent aujourd’hui un écueil méthodologique non résolu, le présent webinaire a pu donner à voir la complexité des écosystèmes locaux et l’articulation étroite entre retour à l’emploi et mobilisation du bloc communal.