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COLLOQUE – PLANS (INTER)COMMUNAUX DE SAUVEGARDE : COMMENT LES TERRITOIRES SE PRÉPARENT FACE AUX RISQUES ? 

Le 15 mai 2025, le CrisisLab et l’École urbaine de Sciences Po Paris ont accueilli une journée de séminaire de retour d’expérience sur la mise en œuvre des Plans Intercommunaux de Sauvegarde (PICS), dans le cadre de l’application de la loi Matras du 25 novembre 2021. Organisé en partenariat avec l’UTT, la Croix-Rouge française, le Cerema, l’UNCCAS et France urbaine, l’événement a rassemblé une centaine d’élus, techniciens, chercheurs et acteurs de terrain pour dresser un état des lieux à mi-parcours de cette réforme majeure de la sécurité civile. Retour sur une journée riche en réflexions et échanges d’expériences locales.

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Un tournant institutionnel : l’émergence de l’intercommunalité dans la gestion de crise

La loi Matras marque une évolution décisive dans l’architecture de la sécurité civile en France. Elle introduit un nouveau trio d’acteurs dans la gestion des crises : au traditionnel couple maire-préfet s’ajoute désormais le président d’intercommunalité. Ce changement impose aux 22 métropoles françaises l’élaboration, d’ici novembre 2026, d’un PICS structurant leur capacité de prévention et de réponse face aux risques majeurs, sans nécessairement se substituer aux plans communaux de sauvegarde, en vigueur depuis 2004

Si la majeure partie des intercommunalités n’ont pas attendu la loi pour agir notamment lors de la pandémie de la covid-19, la mise en œuvre de ces plans révèle, cependant, de nombreuses disparités entre territoires. Ces différences tiennent autant aux configurations administratives locales qu’aux moyens disponibles, à la nature des risques ou aux dynamiques de coopération intercommunale avec des niveaux de préparation parfois très hétérogènes

Un temps d’échange précieux entre praticiens et experts

La journée s’est ouverte par des interventions institutionnelles de haut niveau, notamment celle dde Nicolas Regny (DGSCGC), de Cyrille Morel (Ville de Rennes), d’Olivier Borraz et Hripsimé Torossian (CrisisLab) et de Xavier Niel (CEREMA), qui ont dressé les premiers constats sur l’état d’avancement des PICS et sur le rôle central des métropoles ainsi que des agglomérations dans la gestion de crises

Les tables rondes ont permis un dialogue entre métropoles (Bordeaux, Lille, Rennes, Strasbourg…), avec des retours d’expériences riches en enseignements : mise en commun de l’analyse des risques, organisation et utilisation des moyens, créations de réserves intercommunales de sécurité civile etc. Plusieurs points de consensus ont émergé : la nécessité d’une coordination étroite avec les communes (en termes de sensibilisation, de formation, de mise en commun de moyens, de référents identifiés), le développement de cadres de coopération (groupes de travail, clubs PICS, conférences territoriales…), l’importance des exercices de simulation pour tester les dispositifs, et l’indispensable appropriation politique du sujet à l’échelle intercommunale.

Un atelier a notamment mis en lumière le cas de La Rochelle Agglomération, où un exercice de simulation de crise suite à une submersion marine a mobilisé plus de 500 personnes (dont des citoyens mobilisés par certaines communes), testant à la fois le PICS intercommunal et les PCS communaux. L’expérience a révélé la difficulté de faire coopérer tous les acteurs, mais aussi la capacité du territoire à expérimenter des formes innovantes de gouvernance de crise.

Les enjeux sociaux et humains au cœur de la résilience

Les interventions de Jean-Christophe Erard (SGDSN), Hélène-Sophie Mesnage (UNCCAS) et Florent Vallée (Croix-Rouge) ont rappelé que la résilience ne se limite pas à une bonne organisation technique. Elle repose aussi sur une mobilisation sociale large et inclusive de la population et des acteurs agréés de sécurité civile.

Jean-Christophe Erard a souligné que la Stratégie Nationale de Résilience (SNR), adoptée en 2022, engage l’ensemble de la nation à anticiper et absorber les chocs – climatiques, sanitaires, cyber, etc. Il a insisté sur l’importance d’une culture partagée du risque et de la continuité d’activités.

Hélène-Sophie Mesnage a plaidé pour une meilleure prise en compte des publics vulnérables via les Centres Communaux et Intercommunaux d’Action Sociale (CCAS/CIAS), acteurs de terrain essentiels mais encore trop peu associés aux plans de sauvegarde.

Florent Vallée a, quant à lui, mis en lumière le rôle crucial des Associations Agréées de Sécurité Civile, comme la Croix-Rouge, dont l’expertise, l’implantation locale et les moyens humains sont souvent sous-utilisés, faute de coordination suffisante avec les EPCI.

Des leviers pour accélérer la dynamique

Les ateliers de l’après-midi ont dégagé plusieurs recommandations concrètes tel le besoin de clarifier les rôles entre préfecture, intercommunalité et communes pour éviter les chevauchements ou les flous de responsabilité ; la mutualisation des moyens et compétences, notamment autour de l’animation de réseaux locaux et de l’ingénierie de crise ; le soutien des petites communes dans l’élaboration de leur PCS, en s’appuyant sur les EPCI comme structures facilitatrices ; ou encore des dispositifs de mise à jour régulière des PICS, dès leur première version.

L’intervention de Maître Éric Landot a rappelé les limites juridiques de l’intercommunalité en matière de pouvoirs de police, mais aussi la responsabilité potentielle en cas d’inaction ou de plan insuffisant.

Bâtir une culture partagée de la crise

Ce séminaire a confirmé que la réussite de la réforme repose sur la capacité des territoires à coopérer, à apprendre les uns des autres, et à intégrer l’ensemble des acteurs – publics, associatifs, académiques et citoyens – dans une démarche continue d’amélioration.

Les PICS ne doivent pas être une simple obligation réglementaire : ils incarnent une nouvelle manière d’envisager la sécurité civile, plus horizontale, plus inclusive, et surtout mieux adaptée à la complexité des crises contemporaines.

Dans la continuité de cet évènement et en étroite collaboration partenariale, France urbaine continuera de placer cet enjeu de la résilience et de la gestion de crises au sein de ses travaux, à l’image de sa participation active lors du Sommet internationale sur la Résilience urbaine et la Réunion des maires Urban 7 à Kobe (Japon), les 28 et 29 avril derniers.

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