CNRACL : LES DÉPUTÉS CONVERGENT AVEC FRANCE URBAINE ET LA COORDINATION DES EMPLOYEURS TERRITORIAUX (CET)
Alors que la situation de la CNRACL a donné lieu, en ce début d’année, à une augmentation aussi brutale et massive qu’injuste du taux de cotisation des collectivités territoriales, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale (DCTD) a publié le 13 mai un rapport qui rejoint les propositions portées par France urbaine, au sein de la Coordination des employeurs territoriaux (CET), avec la Fédération hospitalière de France (FHF). Il est désormais à espérer que ce rapport contribue, dans le cadre du dialogue avec le Gouvernement, à déverrouiller une approche exclusivement paramétrique du dossier…

Un rapport faisant suite à un premier positionnement dans le cadre du PLF/PLFSS
Le rapport d’information sur le financement de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) publié le 13 mai par la Délégation aux collectivités territoriales et la décentralisation (DCTD) de l’Assemblée nationale intervient à l’issue d’un cycle de tables rondes conduites sous la houlette de Stéphane Delautrette (PS – Haute-Vienne), président de la DCTD. L’une d’elles, organisée le 26 mars, avait accueilli la Coordination des employeurs territoriaux (CET), dont France urbaine est membre. Cette dernière était représentée à cette occasion par Emmanuelle Rousset, vice-présidente de Rennes Métropole, conseillère municipale déléguée de Rennes et co-présidente de la commission Fonction publique territoriale (FPT) de France urbaine.
Ce n’est toutefois pas la première fois que les députés de la DCTD se saisissent de la question de la situation de la caisse de retraites des agents territoriaux et hospitaliers : à l’occasion d’un rapport des députés Tristan Lahais (EELV – Ille-et-Vilaine) et Nicolas Ray (Droite républicaine – Allier), rendu dans le cadre d’un avis sur le PLF et le PLFSS 2025, et publié le 18 décembre 2024, la DCTD a déjà pu prendre position. France urbaine avait pu contribuer à ce premier rapport en étant auditionnée le 27 novembre.
Dix recommandations
Le rapport publié le 13 mai, dédié intégralement à la situation de la CNRACL, formule les dix préconisations suivantes :
- Adopter, dès cette année, une loi autorisant la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) « à reprendre de manière permanente l’intégralité des déficits cumulés de la CNRACL », et une loi organique « prolongeant de dix ans l’existence de la CADES ». Cette préconisation figurait dans le rapport des inspections générales publié le 27 septembre 2024 et vise à sortir de l’engrenage d’un « déficit auto-entretenu ». Cependant, il y aura fort à faire pour convaincre l’État et le Gouvernement, alors que la Cour des comptes tire par ailleurs le signal d’alarme s’agissant de la situation de la Sécurité sociale en général et du portage de sa (très lourde) dette ;
- Intégrer « sans délai », par voie règlementaire, les titulaires d’une pension de droit direct âgés de moins de 65 ans dans le calcul de la compensation démographique inter-régimes. Cette exclusion constituait, outre la non prise en compte – aberrante – des durées d’affiliation, une lacune majeure du mode de calcul de la compensation démographique, que le rapport précité des inspections générales renvoyait à un travail du Conseil d’orientation des retraites (COR) ;
- Instaurer, en loi de financement de la sécurité sociale, un remboursement par la CNAF à la CNRACL de la charge financière représentée par la majoration pour enfants appliquée aux pensions de ses affilié Là aussi, il s’agissait d’une préconisation du rapport des inspections générales qui pointait l’incongruité d’un financement exclusif par la caisse des avantages dits « non-contributifs », alors que le régime général ne finance que partiellement les avantages équivalents dans le secteur privé ;
- Selon la même approche qu’au point précédent, faire financer par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) (par la CNAV à compter du 1er janvier 2026) la part des pensions d’invalidité et de retraite résultant de la garantie de pension minimale équivalente à la moitié du dernier traitement brut perçu pour les pensionnés dont le taux d’invalidité est au moins égal à 60 % ;
- De même, instaurer, en loi de financement de la sécurité sociale, une compensation financière du FSV (puis à compter de 2026, par la CNAV) à la CNRACL pour la charge financière représentée par la validation des trimestres partiellement cotisés par les affiliés pendant les périodes de congé de maladie ;
- Conformément à une préconisation du rapport des inspections générales qui, lui non plus, n’allait pas jusqu’à l’hypothèse d’une affiliation des agents contractuels, affilier tous les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet à la CNRACL, en supprimant la condition liée à la durée de travail hebdomadaire et « étudier l’éventualité d’une affiliation rétroactive de ces fonctionnaires à la Caisse pour ceux qui le souhaitent » ;
- « Affecter à la CNRACL une fraction de fiscalité transférée à hauteur du besoin de financement prévisible, déduction faite des mesures proposées par les cinq précédentes recommandations », les rapporteurs précisant que « ce transfert de fiscalité devra mettre un terme à toute nouvelle augmentation du taux de la cotisation employeurs au-delà de 2028″. Cette préconisation est sans doute la piste la plus « disruptive » du rapport qui rappelle à juste titre que, en l’état de la situation, l’augmentation de 12 points de la cotisation ne serait pas suffisante, toutes choses égales par ailleurs, et que l’enjeu est bien de dégager des alternatives à une augmentation de 18 points, conformément aux projections des inspections générales et de la Cour des comptes ;
- Améliorer la connaissance du coût du risque invalidité en procédant à l’individualisation des cotisations vieillesse et invalidité, de façon à pouvoir adapter le financement de l’invalidité pour les affiliés à la CNRACL. Il s’agit d’une mesure de cohérence alors que le financement des risques est conjoint – pour ne pas dire indistinct – pour la caisse, à la différence du régime général ;
- Mettre en place sans délai le fonds de prévention de l’usure professionnelle, du maintien dans l’emploi et de l’accompagnement des transitions professionnelles dans la fonction publique territoriale et « créer un compte pénibilité spécifique aux métiers de la fonction publique territoriale ». Il s’agit de propositions qui reprennent des positions de la CET. Concernant le fonds, les députés partagent la nécessité de débloquer un chantier aujourd’hui largement documenté grâce aux travaux de la mission « Hiriart ». Pour ce qui est du « compte pénibilité », telle était la demande des employeurs territoriaux en décembre 2022, à l’occasion des concertations sur la réforme des retraites, faisant le constat des limites d’une approche purement binaire et statutaire de la prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique (bonification dite « du cinquième », catégories actives, etc.), loin d’une approche fonctionnelle prenant en compte plus finement les sujétions liées aux métiers, nonobstant les limite du compte professionnel de prévention (C2P) dans le secteur privé ;
- Rappeler aux collectivités territoriales et leurs établissements concernés, par circulaire préfectorale, l’obligation d’établir un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Face à l’usure professionnelle et à la lumière des enjeux de prévention, et alors que le taux de mise en place du document plafonne plus de vingt ans après sa mise en place pourtant censée être obligatoire, cette recommandation fera écho au rapport en auto-saisine de la formation spécialisée du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) présidée par Emmanuelle Rousset, adopté le 28 février 2024.
Une convergence totale
France urbaine, au sein de la CET et avec la FHF, avec laquelle elles portent des positions communes dans ce dossier, se féliciteront que l’ensemble des recommandations issues du rapport des inspecteurs généraux aient été appréhendées comme elles l’appelaient de leurs vœux depuis la publication de ce dernier.
En effet, on rappellera qu’une unique mesure paramétrique d’augmentation de la cotisation des employeurs, telle que décidée par le Gouvernement en janvier 2025, au-delà de contenir des effets pervers non mesurés et d’accroitre les difficultés financières d’un certain nombre de structures, ne répond pas à l’enjeu même de viabilité de la caisse.
Les députés ne font pas un autre constat en évoquant à cet égard une « charge excessive » qui « ne résoudra pas pour autant les problèmes financiers de la CNRACL ».
Elles ne peuvent que partager la vision d’ensemble que démontrent les différentes préconisations et l’équilibre visé entre mesures d’urgence comme la reprise de la dette par la CADES et des mesures préventives telles que la mise en œuvre du fonds d’usure professionnelle, mais aussi des mesures financières et mesures non financières notamment avec la réforme indispensable du calcul de la compensation démographique inter-régimes.
Par ailleurs, elles ne peuvent que saluer l’objectif visé d’une plus grande équité avec le régime général notamment, en demandant que les avantages non contributifs soient financés par la CNAF et par le FSV, comme c’est le cas pour les affiliés au régime général. Cela répond par ailleurs aux attentes de simplification et de transparence voulues par tous.
On relèvera enfin avec intérêt que ces trois dernières mesures, combinées à l’intégration des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers travaillant à temps non complet et affiliés à l’IRCANTEC, permettraient de réaliser un gain « supérieur à celui correspondant à un nouveau relèvement de trois points du taux cotisation employeur, soit 1 Mds€ », offrant un argument pour revendiquer que cette mesure soit reconsidérée dans son amplitude.
Une mission complémentaire confiée aux inspections générales
Si ce rapport est à saluer et va dans la bonne direction, il y a urgence à poursuivre et à intensifier le travail dans le sens d’une remise à plat de l’ensemble du système de retraite des agents territoriaux et hospitaliers dans le cadre d’une mission complémentaire confiée aux inspections générales que France urbaine, avec la CET et la FHF, a réclamée au Gouvernement.
Celle-ci a été obtenue et a donné lieu à une lettre de mission signée le 2 mai dernier par le Premier ministre, François Bayrou. Objectif : une remise des conclusions fin octobre 2025.
Si la lettre de mission mentionne, entre autres, « l’identification de nouvelles mesures pour rétablir la situation financière de la CNRACL », le Gouvernement n’a pas renoncé totalement à en préempter les conclusions puisqu’il s’empresse d’ajouter « en complément de la hausse des taux de cotisations des employeurs qui n’a pas vocation à être remise en cause » (sic).
Il n’en demeure pas moins que le travail qui sera conduit permettra notamment d’identifier les différentes interactions financières et leviers d’action, là où le rapport initial des inspections générales – car telle était leur mission – était centré sur la CNRACL, comme l’est, du reste, le rapport de la DCTD. C’est pourquoi ces travaux complémentaires sont un préalable indispensable, condition sine qua non de la pertinence des mesures correctrices qui seront prises, en cohérence avec les travaux conduits dans le cadre de la conférence sur le système de retraire (privé et public) voulue par le Premier ministre.
Gageons que ces éléments, ainsi que ces préconisations dont on soulignera la totale convergence permettront – enfin – de déverrouiller le dialogue avec le Gouvernement, pour le faire porter sur des mesures qui ne soient pas exclusivement paramétriques.
À cet égard, c’est avec un optimisme prudent qu’on abordera la perspective ouverte par cette mission complémentaire, certes obtenue mais après plusieurs mois de mobilisation autour d’une revendication aussi modeste que méthodologique…