Actualité Culture

APRÈS L’ANNONCE DE RÉDUCTION DE 100 MILLIONS D’EUROS À LA CRÉATION, QUELLES SUITES POUR LE PLAN “MIEUX PRODUIRE, MIEUX DIFFUSER” ?

La Commission Culture de France urbaine s’est réunie mardi 20 février dernier, dédiée au Plan “Mieux produire, Mieux diffuser” (MPMD) de la Direction générale à la création artistique (DGCA).

Théâtre Graslin, Nantes

Le Plan « MPMD » : quel périmètre ?

Piloté par la Direction générale à la création artistique (DGCA), le Plan “Mieux produire, Mieux diffuser” vise à dessiner ce que pourrait être le futur de l’écosystème de la création artistique (spectacle vivant et arts visuels) dans les prochaines années.

Parmi les observations qui justifient cette inflexion :

  • une diversité exceptionnelle des projets artistiques en France, qui se construisent parfois dans des conditions précaires : faute de temps, faute d’argent, au regard de la fragmentation de plus en plus importante des apports financiers pour la création,
  • un effet d’embouteillage qui conduit à une diffusion insuffisante. Cette situation conduit à une concurrence exacerbée entre les artistes, et entre les structures qui les accompagnent,
  • une mue écologique du secteur culturel à accompagner dans la création et la diffusion.

Le Plan, qui sera présenté dans une version aboutie au second semestre 2024, dispose de plusieurs axes de travail précisés par Sophie Zeller, directrice adjointe de la création artistique (DGCA), à l’instar du soutien aux formes de coopération et de mutualisation, de la priorité donnée aux productions et diffusions sur des temps longs, dans un souci d’irrigation artistique des territoires et de conquête des publics, ou encore du renforcement du partenariat avec les collectivités locales. Il s’agit, sur ce dernier point, d’approfondir la coordination entre l’État et les collectivités en souscrivant à des partages de priorité et pérennisant le système de financement croisé.

Pour quelles collaborations ?

L’esprit du Plan “Mieux produire, Mieux diffuser” s’incarne déjà dans plusieurs territoires, en soutien massif à la production et la diffusion, et aux bonnes pratiques en matière de partenariats territoriaux et d’ensembles culturels.

Matthieu Rietzler, directeur de l’Opéra de Rennes, a présenté la collaboration avec Angers Nantes Opéra, versée dans un syndicat mixte reposant sur une présidence tournante des trois collectivités. Elle est assurée cette année par Nicolas Dufetel, adjoint au maire d’Angers délégué à la culture, qui a témoigné de l’importance des co-productions de ces grands ensembles, une économie d’échelle et un partage de projets qui génèrent une diffusion sur le bassin régional, tout en garantissant les propres productions et lignes artistiques de chacun des opéras.

Chaque année, 4 projets sont mis en commun, avec un rôle de producteur délégué tournant. En ce moment, la co-production de l’opéra la Chauve-souris permet une programmation de 5 dates à Rennes, 5 à Nantes et 2 à Angers. Ce modèle génère un effet de troupe, les artistes se sentent impliqués dans des projets qui les mobilisent pendant 3 mois. Depuis 6 ans, 18 productions ont été programmées 206 fois dans les 3 villes, une dynamique sur laquelle s’agrège des partenariats nationaux et internationaux, prolongeant la création artistique et la diffusion. Matthieu Rietzler a, par ailleurs, précisé que cette collaboration permet des économies d’échelle sans pour autant épargner financièrement les maisons d’opéras, bien qu’aucun lever de rideau n’est à déplorer.

Estelle Sicard, directrice adjointe des affaires culturelles de la Ville de Paris, a présenté la refonte du dispositif de soutien aux artistes. Cette “aide pour la création, la diffusion et la diversité artistique de Paris” consiste à des aides directes aux équipes artistiques, fléchées sur la diffusion et les résidences de création, réalisées sous forme d’AAP dans les secteurs de la musique, des arts visuels et du spectacle vivant. Le dispositif est conçu pour pouvoir répondre à des enjeux spécifiques au territoire parisien, avec quelques spécificités : soutenir le risque de création à Paris, avec l’enjeu de maintenir la création afin que la ville ne soit pas principalement et surtout un territoire de diffusion. Outre la mise à disposition de moyens et d’outils de travail, la ville a pour objectif dans le soutien à la création de favoriser une diversité et une exigence artistiques. Une enveloppe d’un million d’euros est allouée aux AAP, soit 200 équipes artistiques soutenues chaque année dans le cadre de ces dispositifs. Enfin, la Ville de Paris réfléchit à la généralisation de conventions pluriannuels d’objectif et de moyens pour les mutualisations et coopérations, tandis qu’elle travaille à d’autres leviers pour une complémentarité des aides, avec notamment le Centre national de la musique (CNM) et l’Office national de la diffusion artistique (ONDA).

Et quel avenir ?

Villes et métropoles ont déjà engagé des inflexions fortes qui épousent les contours du Plan : coopération entre équipements culturels sur un échelon régional et extrarégional, mise en œuvre et en visibilité de réseaux de production et de diffusion territoriaux, concertation locale et mise en œuvre d’aides, aux côtés de l’État, pour la rénovation énergétique des bâtiments culturels les plus énergivores afin d’amortir les dépenses énergétiques aux dépens des ressources d’investissement des ensembles culturels.

Les exécutifs urbains partagent également les expressions des professionnels de la culture concernant la ligne de crète que dessine le Plan entre mutualisation bénéfique et effet de réseaux. Des réserves émergent, par ailleurs, sur le principe du versement “1 euro État, 1 euro collectivité”, une philosophie qui semble peu équitable pour les villes et métropoles qui, pour beaucoup, “plafonnent” en matière de financement de la culture avec un investissement constant.

Nul doute que ce Plan, qui peut être appréhendé comme un outil d’aide à la décision, peut repositionner l’État dans sa fonction à pouvoir mettre en place des dispositifs et des leviers invitant à une plus grande coopération territoriale. D’autres commentaires ont permis de relever l’importance de mieux coopérer en matière d’accompagnement à la transition écologique et à la décarbonation de la culture, avec le besoin de disposer de socles et outils communs.

L’esprit du Plan coïncide avec le Printemps de la Ruralité, qui peut vraisemblablement apporter des gages de coopérations entre territoires. Une philosophie appuyée par France urbaine, pour qui la culture doit s’inscrire dans une logique de continuité territoriale, sans compartimentation stérile. 

France urbaine s’interroge désormais sur l’avenir du Plan, qui questionne de manière pertinente le soutien à la création et la diffusion, dont des inflexions sont souhaitables pour mieux correspondre aux réalités écologiques et sociales – dont celle de la précarité des artistes – mais avec des gages financiers considérablement réduits après l’annonce du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, d’une baisse de 100 millions d’euros pour le soutien à la création, soit 10 % du programme 131 qui lui est dédié.

En résumé

  • Le contexte et les objectifs du Plan “Mieux produire, Mieux diffuser: le Plan, piloté par la Direction générale à la création artistique (DGCA), vise à renforcer l’écosystème de la création artistique en France, en soutenant la diversité, la diffusion et la transition écologique des projets. Il s’agit aussi de renforcer le partenariat avec les collectivités locales et de coordonner les financements croisés.
  • Les exemples de coopération et de mutualisation entre les structures culturelles : la Commission Culture de France urbaine a présenté des exemples de collaboration entre les équipements culturels sur un échelon régional et extrarégional, comme le syndicat mixte commun Angers Nantes Opéra, l’Opéra de Rennes ou encore le dispositif de soutien aux artistes de la Ville de Paris. Ces exemples illustrent l’esprit du Plan en matière de production, de diffusion et de diversité artistiques.
  • Les interrogations sur l’avenir du Plan : les exécutifs urbains ont exprimé des réserves sur le principe du versement « 1 euro État, 1 euro collectivité », qui semble peu équitable pour les villes et métropoles qui investissent déjà beaucoup dans la culture. Ils se sont également interrogés sur l’impact de la baisse de 100 millions d’euros annoncée par le ministre de l’Économie et des Finances pour le soutien à la création, qui représente 10 % du programme 131 dédié à ce secteur.
Sébastien Tison
s.tison@franceurbaine.org
Skip to content