ALLIANCE DES TERRITOIRES : COMMENT LES AGENCES DE DÉVELOPPEMENT RÉINVENTENT LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE
À l’occasion du Forum annuel du CNER, France urbaine et Intercommunalités de France ont co-animé un atelier consacré au rôle des agences de développement dans le déploiement de l’inter-territorialité. Les échanges entre élus, directeurs d’agences et responsables économiques ont mis en lumière une dynamique de fond : les coopérations entre intercommunalités s’imposent comme un levier stratégique pour répondre aux transitions, aux besoins des entreprises et aux contraintes imposées à l’accès aux ressources.
Montpellier : une stratégie fondée sur le bassin de vie
L’exemple montpelliérain a ouvert les débats. Jean-Michel Giraud, directeur de l’économie à Montpellier Méditerranée Métropole, a rappelé le décalage structurel entre l’aire urbaine (800 000 à 900 000 habitants) et le périmètre de l’intercommunalité métropolitaine (500 000 habitants) et la nécessité de « travailler à l’échelle de la vie réelle des habitants et des entreprises » . La création récente de l’Agence des transitions – réunissant 9 EPCI et la Région autour d’un bassin de vie d’un million d’habitants – illustre cette volonté de dépasser les logiques de concurrence locale.
Le choix assumé a été de mettre la gouvernance entre les mains du monde économique afin de « dépolitiser le projet » et d’en faire un outil opérationnel au service des entreprises . L’agence porte aujourd’hui plusieurs programmes structurants (décarbonation, RSE, entreprises à mission, achats responsables) et mobilise des financements privés significatifs. Elle prépare la mise en place d’une coopérative carbone à l’image de celle déployée à La Rochelle.
Sète Agglopôle : la coopération comme levier d’efficacité
Depuis Sète Agglopôle, partie prenante de cette agence des transitions, Bruno Bedos a apporté un regard complémentaire : malgré des identités locales fortes, « l’avenir, c’est la coopération » et les outils interterritoriaux permettent de répondre à des besoins que les collectivités ne peuvent assumer seules . L’agence des transitions apporte notamment une ingénierie indispensable pour structurer des programmes RSE ou organiser des opérations comme des hackathons thématiques.
Au-delà du cas montpelliérain, les coopérations déjà anciennes autour du label Territoires d’industrie ou de filières partagées (économie bleue, ICC) renforcent les logiques de réseau et facilitent la diffusion des programmes vers les entreprises locales.
Nantes Saint-Nazaire : dix ans d’inter-territorialité structurée
Avec l’agence Nantes Saint-Nazaire Développement, Aspasia Nanaki a décrit une coopération installée depuis une décennie entre deux pôles économiques très différenciés mais profondément interdépendants. Créée d’emblée comme un « trait d’union » entre deux EPCI non contigus, l’agence a progressivement évolué d’un rôle d’attractivité vers une approche intégrant davantage les enjeux de transition, de responsabilité et de soutien aux filières locales .
La gouvernance y reste politique, mais s’est ouverte à de nouveaux acteurs (clusters, ESS, université, port) et s’est dotée d’un comité de mission. Les coopérations se diffusent désormais au-delà des périmètres statutaires, au gré d’opportunités économiques et de besoins identifiés par les territoires voisins.
OnlyLyon : l’évolution des modèles d’attractivité
L’atelier a également permis un retour d’expérience de l’agence OnlyLyon & Co, confrontée dès 2020 à une remise en question du modèle classique d’attractivité. L’agence a alors engagé une stratégie de ciblage (« de plus à mieux ») et une transformation interne afin d’intégrer les transitions et les nouvelles attentes des exécutifs locaux. Ce travail, co-construit avec les acteurs économiques et syndicaux, a permis de maintenir la confiance et de stabiliser un modèle capable d’articuler rayonnement métropolitain et coopérations territoriales .
Des coopérations opportunistes, mais de plus en plus structurelles
Plusieurs interventions, notamment de représentants de la Métropole Nice Côte d’Azur, ont montré que les alliances émergent souvent d’opportunités (Territoires d’industrie, candidatures européennes, foncier rare, projets ICC) qui obligent à dépasser les logiques de marque ou les rivalités locales. L’enjeu commun est d’offrir aux entreprises des solutions adaptées à l’échelle pertinente.
Un mouvement porté par les transitions et les contraintes de ressources
En conclusion, les intervenants ont souligné que la raréfaction du foncier, la transition écologique, les tensions sur les ressources humaines et financières, mais aussi l’évolution des attentes des entreprises, poussent à intensifier les coopérations interterritoriales. Les agences deviennent des espaces privilégiés pour expérimenter, mutualiser, créer des programmes communs et construire une vision économique à l’échelle des bassins de vie.
Comme l’a résumé Philippe Boulet, directeur de l’Agence des transitions : « travailler ensemble à l’échelle du bassin de vie, c’est développer des projets que personne ne pourrait porter seul »