A LA FAVEUR DES VINGT ANS DE LA LOI DU 11 FEVRIER 2005, LES GRANDES VILLES AFFICHENT LEUR PETIT TRUC EN PLUS, FOCUS SUR MARSEILLE ET VERSAILLES
A la faveur des vingt ans de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le Conseil national consultatif des personnes en situation de handicap (CNCPH), lance une grande concertation nationale en vue de considérer d’éventuelles mises à jour. Concertations débats et visites de terrain s’organisent dans différentes grandes villes en présence de Jérémie Boroy, président du CNCPH, l’occasion de dresser un bilan et de mettre en avant les marges de progression. Retour sur les visites organisées à Marseille, le 24 janvier 2025 et Versailles le 27 janvier 2025.
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De l’incitation à la judiciarisation : la fin des agendas d’accessibilité programmée constituera-t-elle un tournant ?
“On a longtemps considéré que l’accessibilité n’était qu’une option. En réalité, il s’agit d’une obligation et les obligations ne sont pas négociables“. Selon Jérémie Boroy introduisant en ces termes les tables rondes organisées à Versailles ce 27 janvier, le virage culturel et juridique ne semble pas effectif. La loi de 2005 n’est pas alignée avec les dispositions de la Convention des nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Cette dernière va plus loin et souligne la priorité donnée à l’accessibilité du milieu ordinaire et des outils de droit commun. Dans le cadre des concertations en cours, l’accessibilité et l’école pour tous sont pointées de manière récurrente comme un point de préoccupation. Pour le président du CNCPH, il y a certes un enjeu financier mais au-delà un enjeu de compréhension. « Nous continuons à lancer des services des commerces des politiques publiques qui ne sont pas accessibles. Il y a quelque chose qui ne va pas ». La mise en œuvre de sanctions dans un tel cadre pourrait dès lors à ses yeux, constituer un outil à vocation pédagogique.
Les territoires urbains, quels leviers, quels enjeux ?
La mise en accessibilité du patrimoine municipal et intercommunal : Le premier rôle des villes et intercommunalités est de garantir la mise en accessibilité de leur propre patrimoine et de leurs équipements. Cette dernière est planifiée dans les agendas d’accessibilité programmée (ADAP). A l’occasion d’une enquête flash menée début 2023, France urbaine relevait parmi les territoires urbains une augmentation importante du coût des opérations liées aux dynamiques haussières dans le secteur du bâtiment ainsi qu’une perturbation du calendrier des travaux du fait de la crise sanitaire.
D’autres points d’amélioration avaient également été notés : la nécessité de former l’ensemble de la chaîne d’acteurs et d’impliquer les usagers dans les démarches de mise en accessibilité afin de couvrir tout type de handicap, la simplification des attestations de fin de travaux, la mobilisation des services déconcentrés de l’Etat comme facilitateurs pour garantir une coopération fluide dans des territoires marqués par une forte présence de patrimoine historique, avec les DRAC ou les architectes des bâtiments de France et enfin la clarification des financements mobilisables en soutien.
Un accent renforcé sur les programmations culturelles et sportives : les Jeux olympiques et paralympiques ont particulièrement mis en lumière le handicap au cœur des villes, au travers des disciplines présentées d’une part mais également via une réflexion approfondie sur les conditions de mise en accessibilité des événements. A l’image d’équipements comme le PRISME, France urbaine souhaite pouvoir approfondir la capacité à porter les pratiques parasportives au plus près des pratiquants, en particulier dans la requalification des équipements sportifs dans les métropoles et en cohérence avec les associations parasportives. A l’occasion de sa venue à Marseille, le président du CNCPH a ainsi été à la rencontre du Pôle France de voile et a pu visiter la base nautique en compagnie d’Isabelle Laussine Adjointe au Maire de Marseille en charge des personnes en situation de handicap. Les tables rondes menées à Versailles sont aussi l’occasion de mettre en lumière le travail approfondi réalisé par le château de Versailles. D’autres initiatives comme la labellisation “pôle sourd” dans les bibliothèques de la ville de Paris ou le travail réalisé sur les événements par la ville de Toulouse peuvent également être citées.
Le soutien à l’accessibilité globale du territoire – au-delà de leur patrimoine propre, les territoires urbains favorisent l’implication des acteurs privés et institutions. Il en est ainsi dans le cadre du label Destination pour Tous ou de l’implication des ambassadeurs de l’accessibilité, contribuant à la diffusion du fonds territorial d’accessibilité et de la réglementation auprès des commerçants –retrouvez ici l’expérience de Toulouse présentée lors d’un de nos derniers webinaires France urbaine / Cerema. Une telle approche peut toutefois être entravée par une faculté de contrôle limitée : comme le rappelle Isabelle Laussine, l’ouverture de certains commerces peut être autorisée en dépit de l’avis défavorable donné par la commission consultative. L’élue marseillaise se dit prête à assumer une fonction plus coercitive sous réserve que la législation ouvre cette latitude aux collectivités qui le souhaitent.
Former la population : la ville “CAA-accessible” : ces démarches de mise en accessibilité globale favorisent la diffusion à l’échelle d’un territoire d’une culture commune. A l’invitation d’Annick Bouquet, maire adjointe déléguée à la petite enfance à la ville de Versailles assurant le suivi de la délégation Territoires du CNCPH pour le compte de France urbaine et impliquée de longue date sur les politiques du handicap, la fondation Anne de Gaulle a ainsi présenté au président du CNCPH village Agorha, village inclusif dont la sortie prochaine a été précédée d’un travail de coopération approfondi avec le maire de Montigny les Bretonneux en vue de garantir une complète intégration de ces logements au sein de la commune : une méthode de mise en réseau et de formation citoyenne qui pourrait s’avérer particulièrement inspirante dans d’autres territoires.
Comme le rappelle la directrice de la structure, invoquant le message de sa fondatrice : bien accompagner une personne sur six en situation de handicap, c’est bien accompagner les cinq personnes sur six qui ne le sont pas. La diffusion au sein de la population de la communication alternative et améliorée (CAA) vise à favoriser l’autonomie en facilitant le dialogue au quotidien. Cet ensemble d’outils et de techniques permettent en effet aux personnes ayant des difficultés à communiquer de s’exprimer autrement via l’utilisation de gestes, d’images, de symboles ou de dispositifs technologiques (portes clés, QR code).
Petite enfance, périscolaire et école pour tous : l’accompagnement sur tous les temps de l’enfant est également un enjeu des municipalités comme nous le rappelions dans un précédent article. Nombreuses sont les initiatives visant ainsi à créer des dispositifs de détection et d’accompagnement précoce (Limoges, Versailles), des passerelles entre crèche et premier degré ou à déployer des initiatives visant à favoriser l’accessibilité des écoles en travaillant sur le bâti, l’accompagnement humain et la mise en réseau.
Références
Le programme “SolYmusées” – Conseil départemental des Yvelines
Les pôles sourds – Bibliothèques de la Ville de Paris
MOOC du conseil de l’Europe sur le droit des personnes en situation de handicap
Présentation du dispositif CAA – communication alternative améliorée
Retour en vidéo sur l’accessibilité des places de stationnement équipées de bornes IRVE (Art. L2224 du code général des Collectivités territoriales) – Délégation ministérielle à l’accessibilité
Nouveaux livrables 2024 du CEREMA issus du Groupe des référents accessibilités (GT-RAVI)
Initier la création d’un observatoire de l’accessibilité de son territoire
Comment améliorer l’accessibilité des bibliothèques et médiathèques ?
Comment améliorer l’accessibilité des bibliothèques et des médiathèques ? (Ateliers 2024 du GT-Ravi)
La présentation de ces livrables et des sujets des ateliers 2025 se fera lors d’un webinaire le 6 février 2025 de 10h à 12h, pour plus d’informations et inscription, rendez-vous en ligne : Référent Accessibilité (GT-Ravi)