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3 QUESTIONS À Stéphane Delautrette, Député de Haute-Vienne et Président de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale

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Les lois NOTRe et MAPTAM avaient permis de mieux reconnaître renforcer la place des métropoles et intercommunalités dans le paysage institutionnel. Cependant, ces dernières années ont vu fleurir, par touches successives et dans différents domaines des remises en cause de l’intercommunalité, pourtant l’échelle du bassin de vie est souvent la plus pertinent pour la conception et la mise en œuvre de politiques publiques. Quelle est votre analyse ?

On aurait tort d’opposer l’intercommunalité avec d’autres échelons de décision locale comme la commune, ou d’autres collectivités. J’ai toujours considéré l’intercommunalité comme étant le prolongement de l’action communale. Lorsque j’étais maire et président d’une intercommunalité, j’ai pu faire l’expérience de cette échelle de mutualisation nécessaire pour exercer certaines compétences pour des raisons techniques mais aussi bien souvent financières.

Mais quel est le bon périmètre et quelles sont les bonnes compétences ? Je ne crois pas qu’il y ait une seule bonne réponse, celle-ci pouvant très fortement varier d’un territoire à l’autre, en fonction de sa géographie, de son histoire, de sa démographie ou encore tout simplement de la volonté locale.

À ce propos la question des grandes villes et des métropoles est singulière. Nos concitoyens qui y résident ont un fort sentiment d’appartenance, qui justifie à mon sens l’intégration plus forte dont elles bénéficient.

Si je suis plutôt de ceux qui considèrent que le fait intercommunal est arrivé à maturité, je pense toutefois que le bon thermomètre pour le mesurer est celui de l’intention démocratique. A partir du moment où les maires, leurs conseils municipaux et les habitants souhaitent voir l’intercommunalité se renforcer, pourquoi le leur refuser ? La loi doit laisser plus de souplesse en matière de différenciation, faire confiance aux territoires c’est pour moi une exigence démocratique.

À rebours des discours simplistes visant à opposer territoires ruraux et urbains, France urbaine prône l’alliance des territoires, sur la base des réalités territoriales, des interdépendances et réciprocités existantes, en prenant en compte les spécificités de chacun dans une logique de dialogue et de contractualisation. Comment appréhendez-vous cet aspect dans vos travaux ?

Venant d’un territoire rural et ayant sur ma circonscription la ville de Limoges je pratique au quotidien la complémentarité entre rural et urbain ! Et je dirais même que cette alliance des territoires est devenue une nécessité aujourd’hui, quand le premier partenaire des collectivités, l’État, entretient avec elles des rapports toujours plus ambigus.

Je m’explique. D’un côté nous assistons au retrait de l’État en matière de moyens, qu’ils soient financiers ou tout simplement humains, laissant les collectivités souvent bien seules pour assumer des champs de compétences qui dépassent parfois leurs strictes attributions. De l’autre elles subissent le retour d’une forme de tutelle, par le levier financier, avec pour conséquences de juguler leurs recettes et d’influencer leurs dépenses.

Dans ce contexte la solidarité entre les collectivités peut prendre le relai, et être un mode alternatif de développement de nos territoires, à conditions toutefois d’en avoir les moyens et de ne laisser personne sur le bord du chemin. Mais l’affaiblissement de la libre administration dont nous faisons toutes et tous le constat risque de constituer à terme un frein à ces initiatives pourtant vertueuses.

Il est indispensable que l’État reprenne toute sa place pour accompagner la cohésion des territoires, qui ne saurait être de la seule responsabilité des collectivités.

Les territoires urbains – qui concentrent 2/3 des émissions de gaz à effet de serre –  sont prêts aujourd’hui à aller plus loin dans leur action en faveur de la transition écologique mais ont besoin de capacités d’action à la hauteur des enjeux et autour d’une véritable décentralisation. C’est la raison pour laquelle France urbaine plaide en faveur de la création d’une Autorité organisatrice de la transition écologique solidaire (AOTES) qui s’appuierait sur nos intercommunalités. Quelle est votre perception du sujet ?

Dans sa dernière étude, l’Institute for climate economics (I4CE) estime à 11 milliards d’euros les besoins annuels des collectivités en matière d’investissement, dans la mesure où nous souhaitons encore respecter nos engagements climatiques… mais est-ce encore le cas ? Avec seulement 1,35 milliards d’euros de « fonds vert » inscrits dans le budget 2025, résultat d’une baisse de 40%, on peut sérieusement se poser la question.

Bien sûr j’ai conscience que le contexte international ne nous aide pas, la course à l’armement s’étant substituée à la lutte contre le dérèglement climatique. Mais pour ma part c’est un combat de longue haleine que je ne lâcherai pas, et que je sais vertueux pour nos économies. Investir dans l’adaptation au changement climatique et dans son atténuation conduit à dynamiser de nombreuses filières locales, pourvoyeuses d’emplois non délocalisables.

Dans le monde de nombreuses villes sont à l’avant-garde en matière de transitions, et pas seulement écologiques. Cela plaide peut-être en faveur de nouveaux modèles de gouvernance. Mais je ne vous cache pas qu’aujourd’hui ma principale préoccupation concerne les financements que nous pouvons mobiliser. On ne peut pas persévérer dans ce qui s’apparente à une impasse financière face à un mur d’investissement devenant chaque jour plus haut quand en plus, comme on peut le voir dans les débats, les collectivités sont confrontées à des problèmes d’assurabilité face au bouleversement des risques.

C’est pourquoi je vais conduire, avec la délégation aux collectivités, une mission d’information sur les recettes des collectivités, notamment au service de la transition écologique et de la réindustrialisation de notre pays.

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