ADOPTION DE LA LOI SUR LA PSC DANS LA TERRITORIALE : VERS UNE PRÉVOYANCE UNIVERSELLE POUR LES AGENTS
Le 11 décembre, les députés ont adopté définitivement, par un vote conforme, la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics territoriaux. Transposant le premier accord collectif national conclu dans l’histoire du dialogue social à l’échelle de la fonction publique territoriale, cette loi introduit un nouveau droit, universel, à la prévoyance, quels que soient le statut ou la catégorie des agents. Une avancée qui s’appuie sur un modèle économique protecteur et responsable, éprouvé dans le secteur privé et dont la mise en œuvre locale devra intervenir avant 2029.
Un accord, une loi, deux avancées historiques
Après avoir été adoptée à l’unanimité le 2 juillet par les sénateurs, la proposition de loi relative à la protection sociale des agents publics territoriaux et déposée en février dernier la sénatrice Isabelle Florennes (UC – Hauts-de-Seine) a été définitivement entérinée par l’Assemblée nationale, par 106 voix pour et 17 contre, le vote conforme des députés mettant fin immédiatement aux navettes parlementaires qui auraient pu encore en retarder l’adoption.
Après plus de deux ans d’attente, cette adoption marque un double aboutissement :
- une première historique : la transposition du premier accord collectif conclu à l’échelle du versant territorial et sans la présence de l’État autour de la table, au terme d’un processus exemplaire et unanimement salué de négociation entre syndicats et employeurs piloté par Emmanuelle Rousset, conseillère déléguée de Rennes, vice-présidente de Rennes Métropole et co-présidente de la commission FPT de France urbaine ;
- l’aboutissement d’un processus législatif tout d’abord retardé du fait de l’embouteillage du calendrier parlementaire puis finalement mené dans des délais enviables au regard du contexte politique grâce à l’implication de la sénatrice autrice du texte et du député Stéphane Delautrette (PS – Haute-Vienne) mais aussi à la mobilisation constante des signataires l’accord, dont la dernière manifestation aura été l’adoption d’un vœu lors de la plénière du CSFPT le 20 novembre dernier.
Sur le fond du texte, dans un communiqué commun, l’ensemble des signataires de l’accord de 2023 – syndicats comme représentants des employeurs – saluent une « avancée historique pour la protection des agents ». Les auteurs du communiqué rappellent que « en généralisant les contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance et en portant à 50% de la cotisation la participation minimale de l’employeur, la loi permettra aux employeurs publics territoriaux d’apporter une protection efficace face aux risques d’incapacité et d’invalidité aux 2 millions d’agents qui servent au quotidien l’action publique locale ».
Au travers de l’adhésion obligatoire, le texte introduit un nouveau droit : une véritable couverture prévoyance universelle des agents, quels que soient leur statut – contractuels comme titulaires – et leur grade.
Un acte d’affirmation des particularités du versant territorial
L’universalité de la couverture de agents en prévoyance constitue un enjeu particulièrement fort dans un versant de la fonction publique marqué par la part prépondérante des agents de catégories C (76 %) et un âge moyen élevé (47 ans), caractérisant une exposition plus élevée des agents, de surcroît sur fond d’allongement des carrières. Et alors que moins de la moitié de agents territoriaux ont une couverture prévoyance, avec un risque de basculement en demi-traitement extrêmement préjudiciable.
Deuxième singularité : la FPT présente, à la différence majeure de l’État, du fait de ses 38 000 employeurs, une structure comparable à celle d’une branche d’activité dans le secteur privé.
Ainsi la solution assurantielle au cœur de l’accord de 2023, et que consacre le texte adopté, constitue-t-elle aussi une affirmation des spécificités de la FPT par rapport à la fonction publique d’État. En effet, sans cet accord, auraient été imposés unilatéralement à la territoriale les effets de l’accord que l’État était sur le point de conclure à l’été 2023 et, partant, un modèle économique inadapté à la FPT : l’auto-assurance statutaire. On soulignera que les termes de cet accord, dont les deux autres versants n’ont pas été associés à la négociation, auraient été particulièrement dommageables pour les collectivités :
- sur plan assurantiel car, en relevant le niveau des garanties statutaires alors que le marché de l’assurance du risque statutaire est déjà particulièrement critique dans la FPT, de nombreux employeurs se seraient trouvés en défaut de couverture et donc directement exposés à leur sinistralité car contraints de s’auto-assurer ;
- sur le plan budgétaire car le coût induit pour les collectivités et nécessaire au financement de ces garanties – qui sont, pour mémoire, prises à 100% en charge par l’employeur – aurait été nettement supérieur à celui de l’accord conclu le 11 juillet 2023, de l’ordre de plus de 2 % de la masse salariale.
On rappellera donc que c’est la signature de l’accord de juillet 2023 et l’engagement décisif, la veille, du ministre en charge de la fonction publique à l’époque, Stanislas Guerini, à ne pas étendre l’accord prévu dans la FPE, qui aura permis d’éviter une transposition aussi unilatérale qu’inadaptée et coûteuse du protocole que l’État était sur le point de conclure.
Mutualisation du risque et efficacité de la dépense
Pour autant, l’effort financier qu’impliquera cette avancée peut légitimement interroger, en particulier dans un environnement extrêmement – et de plus en plus – contraint pour nos finances publiques.
Aussi la mise en œuvre de l’accord aboutira-t-elle à un taux moyen de cotisation d’équilibre des contrats estimé à 1,8 % de la rémunération de l’agent, et donc à un effort de l’employeur – à raison d’une prise en charge de 50 % de la cotisation ou prime individuelle prévue de contrat – de 0,9 % de la masse salariale, soit un montant moyen entre 20 et 25 € par agent et par mois. Pour apprécier réellement l’impact budgétaire net, il conviendrait toutefois d’en déduire les efforts – aujourd’hui non documentés par les rapports sociaux uniques – déjà réalisés par les employeurs, en rappelant que ces derniers sont soumis, en matière de prévoyance, à une participation minimale obligatoire de 7 € par agent et par mois depuis le 1er janvier 2025.
Plus fondamentalement, la réforme améliorera significativement l’efficacité de la dépense publique en matière de PSC, du fait de l’adhésion obligatoire qui présente – selon un modèle économique assurantiel largement éprouvé dans le secteur privé – un bien meilleur rapport entre les prestations versées et les cotisations payées que les actuels contrats individuels labellisés ou collectifs à adhésion facultative grâce à trois réalités :
- elle évite l’antisélection – c’est-à-dire le refus d’adhésion – et garantit l’adhésion de tous, quels que soient l’âge, la catégorie, la rémunération ou le statut. Les assureurs proposent ainsi des offres optimisées grâce à une connaissance exhaustive de la population couverte et à un risque partagé ;
- elle permet une mutualisation du risque plus forte à la fois à l’échelle de la collectivité ou du territoire et par les « portefeuilles » de contrats des opérateurs ;
- elle a également un fort effet modérateur sur les évolutions tarifaires en cours de contrat, du fait d’une connaissance complète et stabilisée des besoins, contrairement aux contrats collectifs à adhésion facultative dont certaines dérives ont été notoires.
Cette optimisation implique cependant un « palier d’entrée » : elle ne peut s’envisager sans une participation financière de l’employeur d’au moins 50 % de la cotisation, sans quoi l’adhésion obligatoire soulèverait un problème d’acceptabilité sociale pour l’agent, le reste à sa charge pouvant être vécu comme une réduction de rémunération imposée.
C’est donc à une cohérence et une économie d’ensemble que répondait l’accord du 11 juillet 2023 et que la loi adoptée traduit fidèlement.
C’est aussi un vecteur de responsabilisation, dans la mesure où le partage de la cotisation incitera employeurs et syndicats à porter des politiques conjointes de réduction de la sinistralité, au travers de la prévention, dans le cadre du pilotage paritaire du contrat.
Promulgation et décrets d’application
La loi devrait être rapidement promulguée. On soulignera que son article 6 prévoit trois régimes distincts quant au délai de mise en conformité pour les employeurs et que l’idée, parfois véhiculée, que la réforme aurait été reportée à 2029 est particulièrement trompeuse :
- Si la collectivité ne dispose d’aucune convention de participation à la date de publication de la loi, la collectivité aura jusqu’au 1er janvier 2029 pour se conformer aux dispositions de la loi ;
- Lorsque la collectivité dispose au contraire d’une convention de participation, deux hypothèses se présenteront : soit son terme est antérieur au 1er janvier 2029 et le collectivité devra se conformer dès l’échéance de la convention ; soit son terme est postérieur et la collectivité qui l’a conclue devra mettre cette convention en conformité avec la loi, « dans le respect du code de la commande publique », ce qui, dans les faits aboutira à une résiliation anticipée, sauf à ce que la convention ait expressément prévu, au travers d’une clause de réexamen au sens du code de la commande publique, que cette modification puisse donner lieu à un avenant.
Les employeurs ont évidemment la faculté d’anticiper ces échéances, conçues pour éviter une saturation du marché – des AMO comme des assureurs – à l’approche de 2029, comme l’ont déjà fait au moins 18 villes et agglomérations, 3 départements, 2 régions et 11 centres de gestion.
Il n’en demeure pas moins que les décrets d’application seront particulièrement cruciaux et qu’il incombera à la DGCL de les prendre dans les meilleurs délais. Et, au-delà des seuls décrets d’application au sens strict, prévu par la loi votée, il devra être procédé à un toilettage et une révision du décret « fondateur » de la participation à la PSC dans la FPT, le décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011, ainsi que du décret n° 2022-581 du 20 avril 2022, en particulier au sujet des garanties minimales.
Dans la continuité de son rôle moteur dans le processus ayant abouti à l’accord de 2023 et à la loi nouvellement adoptée, France urbaine prendra toute sa part à ce travail réglementaire.