Lutte contre les discriminations

LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS – QUELS LEVIERS LOCAUX EN MATIÈRE D’URBANISME ET D’EMPLOI ? RETOUR SUR LE SÉMINAIRE DU 21 NOVEMBRE

Le 21 novembre, France urbaine et l’Association française des managers de la diversité organisaient un séminaire en ligne en vue de croiser les regards du secteur public et du secteur privé en matière de lutte contre les discriminations, l’occasion de mettre en avant quelques actions mises au travail dans les territoires urbains

 

Design sans titre (6)
L’espace public n’est pas neutre – de la conception à la mise en œuvre, comment repenser le projet urbain ? 
  • Repenser la composition des équipes et le design utilisateur pour repenser l’aménagement urbain, une démarche émergente au sein du groupe Bouygues : la stratégie de Bouygues pour intégrer la diversité et l’inclusion dans les projets urbains, passe par le recrutement de profils variés (anthropologues, urbanistes) et issus de cultures diverses, et une démarche de co-conception détaille Nadou Lawson, Directrice Adjointe Diversité et Inclusion. L’expérimentation de passages piétons lumineux pour la sécurité des seniors, ou le déploiement d’applications pour les personnes non-voyantes sont issus d’une approche utilisateur inclusive. 
  • De l’égalité en droit à l’égalité réelle, une mutation du rapport aux espaces publics : Édith Maruéjouls, directrice de l’Atelier Recherche Observatoire Égalité, coauteure de l’ouvrage Faire société égale, Des outils pour agir, invite à analyser les espaces vécus. Le diagnostic de terrains et les balades commentées conduisent à déceler des interdits implicites, ainsi pour les femmes amenées à considérer que la circulation sur l’espace public n’est autorisée qu’à certaines conditions. Le city stade peut être capté par un public qui « sait jouer ». Une interdiction peut de fait s’installer pour les publics débutants ou ressentis comme non compétents, notamment les jeunes femmes. Face au développement de créneaux en non-mixité, la géographe invite à la prudence : ces approches contribuent à une forme de pouvoir d’agir mais peuvent aussi entraver la déconstruction des stéréotypes de genre qui nécessite le maintien d’espaces mixtes. 

 Agathe Fort, adjointe à Villeurbanne en charge de la Ville inclusive, de la lutte contre les discriminations et de la santé et co-animatrice du groupe Lutte contre les discriminations de France urbaine souligne le bénéfice d’une démarche dite « intersectionnelle » qui prenne en compte l’ensemble des motifs de discrimination. Penser en profondeur l’égalité d’accès à l’espace public constitue dans ce cadre une démarche d’aller vers particulièrement exigeante. Ainsi la mise en place d’équipements sportifs au sein de quartiers en difficulté permet à des jeunes hommes en butte à une forme de discrimination dans d’autres quartiers ou équipements du fait de la combinaison de certaines caractéristiques (origine réelle ou supposée, adresse, situation sociale, âge, genre…), de retrouver un accès équilibré.  

 

De l’observation à l’action locale – quels leviers aux mains des employeurs ? 
  • L’observatoire de la ville de Paris, une démarche d’amélioration continue : Marie Lahaye, Responsable de la Mission Égalité professionnelle et Inclusion, Ville de Paris. rappelle que l’employeur public n’est pas hermétique aux discriminations en dépit de l’accès par concours pour certains agents. A Paris, l’enquête sur le ressenti discriminatoire a conduit à une prise de conscience renouvelée. D’autres initiatives sont en cours de déploiement au sein des collectivités prenant en compte le critère de l’origine réelle ou supposée : Villeurbanne, Rennes, Lyon. Ces démarches s’appuient sur le cadre juridique en vigueur, l’usage de statistiques dites « ethniques » – le terme étant lui-même impropre – n’étant pas interdit mais encadré. 
  • L’action du groupe Siemens, leviers et obstacles pour une action locale coordonnée : Catherine Petrovic, Directrice Diversité Équité Inclusion et Qualité de vie et conditions de travail, met en avant les actions menées par cet acteur économique face aux besoins de recrutement. Le groupe est mobilisé dans le dispositif « un jeune une solution », dans le collectif « les entreprises s’engagent » et en lien avec les missions locales. Le recrutement fait l’objet de salons ainsi du hub de l’alternance mis en place avec la région et « Nos quartiers ont du talent » depuis 2019. L’inclusion de personnes en situation de handicap psychique constitue aussi un axe déployé en Seine-Saint-Denis avec les partenaires de l’économie sociale et solidaire, l’AGEFIPH et France travail. La féminisation des métiers par le déploiement des marraines en collèges et lycées est un autre axe. La coopération avec le secteur public nécessite de répondre à trois contraintes : l’articulation des temps (celui de l’acteur économique, celui de l’acteur administratif), la fragmentation des dispositifs, et le renforcement des coordinations au sein collectivités pour favoriser la rencontre entre aménagement et insertion. 

 

Vers de nouveaux dispositifs de mesure : retour sur le plaidoyer de France urbaine et le projet de baromètre national 
  • Une charte en cours d’élaboration à France urbaine : poursuivant son approche pluridisciplinaire, France urbaine a mis au travail un projet de charte rappelant les outils mobilisables et certains freins récurrents en matière de lutte contre les discriminations. Sont ainsi avancées l’indépendance et la stabilité dans le temps des outils d’observation, la nécessité de soutenir de manière régulière les réseaux d’information ainsi que la formation auprès des acteurs privés et publics. Une autre action vise à interroger les mécanismes de scoring utilisés par les banques, les bailleurs, la CAF, en vue d’éviter la discrimination algorithmique. 
  • Un nouvel outil à l’étude sous le pilotage de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) : en vue de soutenir la mesure qui constitue un enjeu clé pour élaborer et suivre des plans de lutte nationaux et locaux, Hadrien Bureau, Conseiller lutte contre les discriminations au sein de la DILCRAH rappelle qu’un nouveau baromètre est en cours d’élaboration. Une meilleure mobilisation des CORAHD est en effet conditionnée à la qualité des données : les participants déplorent une action des Comités opérationnels de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la haine anti-LGBT et les discriminations (CORAHD) centrée sur les actes de haine. Pourtant, l’absence de violence ne signifie pas l’égalité : les discriminations persistent dans l’emploi, le logement et d’autres domaines. Hadrien Bureau souligne qu’une telle approche est corrélée à la forte augmentation des actes antisémites et anti-musulmans et à la difficulté de quantifier les discriminations faute de données. Seules 2% des victimes d’actes de haine portent plainte et la difficulté à obtenir des chiffres fiables est encore plus marqué pour les discriminations. Le recueil de données territorialisées permettra via le baromètre de mieux quantifier ces phénomènes et d’orienter les débats au niveau local.  
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