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DE L’ASPHALTE À LA CANOPÉE : LES VILLES FACE AU DÉFI DU RAFRAÎCHISSEMENT URBAIN

L’atelier consacré à la végétalisation et au rafraîchissement urbain a réuni des élus et experts autour d’un constat commun : la hausse des températures n’est plus un phénomène ponctuel mais un défi structurel. Les villes doivent repenser en profondeur leur manière de concevoir les espaces publics, les bâtiments et la place de la nature en ville.

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Un cadre d’urgence climatique et d’action locale

En ouverture, Évelyne Couillerot, première adjointe au maire du Creusot, a rappelé que « les villes se trouvent en première ligne du changement climatique », soulignant les efforts engagés localement pour transformer les espaces publics : la place Schneider, visitée en amont de l’atelier, incarne ce passage symbolique « d’un parking minéral à un lieu de vie arboré, plus frais et plus convivial ». Elle a replacé cette mutation dans le contexte d’une urgence climatique accrue : « L’été 2025 a été marqué par deux vagues de chaleur en France totalisant 27 jours caniculaires. Nous devons apprendre à rendre nos territoires habitables malgré la hausse des températures ». Cette adaptation doit aller de pair avec la transition énergétique : rénovation des bâtiments publics, recours aux matériaux biosourcés, développement du photovoltaïque… autant d’actions qui « traduisent concrètement le passage d’une prise de conscience à une stratégie d’action locale ».

Des stratégies territoriales pour rafraîchir la ville

Première collectivité à témoigner, Toulouse Métropole a exposé la démarche engagée à travers son plan « Toulouse + fraîche », fondé sur les projections climatiques élaborées avec Météo-France. Pour Clément Riquet, conseiller municipal référent de la démarche, « l’adaptation au changement climatique suppose un portage politique fort et durable. On ne parle pas d’un mandat, mais d’une trajectoire sur trente ans ». Le plan agit à plusieurs niveaux : désimperméabilisation, végétalisation, augmentation de l’albédo des revêtements, sélection d’essences végétales adaptées à la sécheresse. Mais les contraintes sont nombreuses : « On ne peut pas planter partout : les réseaux souterrains, les coûts d’entretien et la mortalité des jeunes arbres sont des défis quotidiens » a-t-il rappelé, dans un contexte de ressource en eau sous tension.

À Grenoble, selon le maire Éric Piolle, la stratégie repose sur la connaissance fine des vulnérabilités locales sociales et écologiques, dans une ville « cuvette alpine qui se réchauffe plus vite que la moyenne ». Cette exposition, aggravée par une urbanisation dense héritée de l’après-guerre, conduit la municipalité à repenser en profondeur son action. Le maire a souligné l’importance d’agir simultanément sur la réduction de la minéralité, la place de l’eau en ville et la transformation des usages, notamment par la création d’espaces de baignade et l’ouverture des rivières aux habitants. Mais il pointe aussi les freins persistants comme une culture du risque encore balbutiante, des arbitrages patrimoniaux parfois incompatibles avec l’urgence climatique et des besoins massifs d’investissement. « Mais au-delà de l’investissement, c’est le manque de moyens en fonctionnement qui freine l’action », a-t-il souligné.

L’appui des experts : mesurer, planifier, accompagner

Pascal Bertaud, directeur général du Cerema, a apporté un éclairage méthodologique. Le Cerema accompagne les collectivités à travers des outils de diagnostic et d’aide à la décision, notamment la cartographie des zones climatiques locales (LCZ), le programme Adaptation +4°C, ou encore l’outil Sésame, qui aide à choisir les essences d’arbres selon les conditions locales.

« Le phénomène d’îlot de chaleur urbain est désormais mesurable et cartographiable. L’enjeu n’est plus de le constater, mais de hiérarchiser les interventions et mutualiser les retours d’expérience », a expliqué Pascal Bertaud, insistant sur le rôle du Cerema au sein de la Mission Adaptation pour accompagner les villes dans la mise en œuvre opérationnelle de leurs plans climat.

L’habitat social, un enjeu de santé publique

Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), a élargi la réflexion à la question du logement qui est un facteur important d’exposition des individus à la chaleur quand il s’agit de ‘bouilloire thermique’, et a reconnu que « le défi du confort d’été est immense. » Elle a rappelé que le parc social concentre une part importante des populations les plus exposées. Les chiffres de l’étude menée par la Fédération des Offices Publics de l’Habitat (FOPH) avec la Banque des Territoires ont été mentionnés : 64 % du parc (1,44 million de logements) sont déjà exposés aux fortes chaleurs, et 94 % pourraient l’être en 2100. Pour y répondre, l’USH travaille à intégrer systématiquement l’adaptation climatique dans les projets de réhabilitation : « Il ne s’agit plus seulement d’isoler contre le froid, mais de protéger contre la chaleur. Cela suppose de repenser les matériaux, les toitures, les espaces extérieurs, et surtout de coopérer avec les maires », a-t-elle précisé. La présidente a également souligné le rôle clé du personnel de proximité : « Le gardien est souvent la première personne qui constate la détresse des habitants en période de canicule. C’est un maillon essentiel de la résilience urbaine ».

Plus largement, le maire de Grenoble, également second vice-président de France urbaine, a rappelé que la rénovation énergétique constitue un des leviers les plus évidents – et pourtant encore largement sous-exploité – de l’adaptation climatique. Eric Piolle a souligné qu’elle offre un « tout bénéfice » rare : confort accru en été comme en hiver, baisse des charges, dynamisation de l’emploi local et réduction des émissions. Il déplore toutefois que le manque de moyens, bien que certain, masque de véritables obstacles structurels : pénurie de matériaux, manque de main-d’œuvre formée, filière encore incapable d’absorber une montée en puissance massive, contraintes sur les modèles de construction bas-carbone (ex. bois). S’y ajoute une faiblesse plus politique que France urbaine déplore : l’absence de stratégie nationale stable, affectée par des « stop and go » comme ceux de MaPrimeRénov’, qui empêchent d’installer un cap durable pour l’ensemble de la filière.

De la canopée au vivre-ensemble : une fabrique urbaine partagée 

En conclusion, les échanges ont convergé vers une idée commune : la lutte contre la chaleur urbaine est à la fois un enjeu environnemental, social et démocratique. Pour Éric Piolle, « L’adaptation sera collective ou ne sera pas : les habitants doivent être partie prenante des choix d’aménagement ». De son côté, Clément Riquet a souligné que « la concertation avec les habitants et les acteurs économiques permet d’assurer l’acceptabilité et la durabilité des transformations ». Tous s’accordent sur la nécessité d’une approche intégrée, articulant planification urbaine, adaptation du bâti, gestion de l’eau et lien social.

Jean-Sebastien SAUVOUREL
js.sauvourel@franceurbaine.org
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