Actualité Culture

RELATION AUX ARTS ET AUX ARTISTES : VERS UN NOUVEAU PACTE TERRITORIAL ?

Accueilli à la Villa Perrusson, lieu patrimonial témoin de la Belle Époque et de la riche tradition industrielle du Creusot-Montceau, l’atelier Culture des Journées nationales de France urbaine a poursuivi les réflexions sur la relation aux arts et aux artistes dans les territoires, sur fond de débats budgétaires et de questionnements relatifs aux compétences culturelles.  

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Instabilité budgétaire : rappeler le rôle des collectivités territoriales dans le soutien aux politiques artistiques et culturelles  

Comment un territoire se raconte et se construit à travers les arts, les artistes et, plus largement, la culture ? Cette interrogation était l’un des fils conducteurs de l’atelier dédié aux arts et aux artistes, mis en perspective avec la configuration du Creusot-Montceau, dont l’histoire industrielle et la distribution territoriale interrogent la place de la culture. 

Pour Jérémy Pinto, adjoint en charge de la culture et des finances au Creusot, un consensus politique sur la priorité donnée localement à la culture se justifie par la place qui lui échoit dans la définition et les mutations du territoire. 


L’augmentation de 15 à 20 % du budget de fonctionnement de la collectivité consacré à la culture et au patrimoine s’inscrit dans une volonté de souscrire davantage aux politiques de création, de lien artistique avec les habitants ou encore à la place de la culture scientifique. 
Avec la Villa Perrusson ou encore l’Écomusée du Creusot, la culture scientifique a permis de construire un consensus politique sur les priorités culturelles du territoire. 

Elle prévaut par ailleurs sur les financements croisés et l’importance du soutien des collectivités territoriales. A cet égard, comme l’a rappelé Dimitri Boutleux, adjoint au maire de Bordeaux en charge de la création et des expressions culturelles, les financements et interventions croisés sont l’une des principales incarnations de la décentralisation culturelle en France. Sous couvert d’un dialogue territorial consolidé et d’une impulsion politique forte, ce montage reste un point important pour d’une part, inscrire la culture à l’agenda politique et aux attributions des collectivités territoriales et d’autres part, en faire un bien commun. Alors que plusieurs enjeux en matière de libertés d’expression, de création ou de programmation reviennent sur le devant de la scène, comment les financements croisés peuvent éviter toute collusion ? Cette réflexion innerve la contribution actuelle de France urbaine en matière de décentralisation, sans qu’aucune prise de compétences ni attributions « en propre » ne soient mises en perspective des demandes.  

Spectacle vivant, lieux artistiques et relations aux artistes, enseignement supérieur artistique : comment les syndicats et associations représentatives se positionnent à l’égard des exécutifs locaux ?  

De quelle manière les arbitrages budgétaires et l’évolution des politiques artistiques et culturelles concourent-ils à une évolution des rapports – et des demandes – entre les professionnels de la culture et les élus locaux ? Comment déstabilisent-ils les écosystèmes artistiques et culturels ?
Bernhard Rüdiger, artiste, professeur à l’ENSBA Lyon et vice-président de l’ANDEA (Association nationale des écoles supérieures d’art), a rappelé la place majeure de l’enseignement supérieur artistique et des écoles d’art dans les territoires. Les 33 écoles d’art territoriales (statut EPCC) entretiennent un rapport intime à l’histoire locale, souvent créées en lien avec l’artisanat local (industrie de la soie à Lyon), initialement dédiées à promouvoir les « beaux-arts », alors regroupés en quatre disciplines (gravure, sculpture, peinture, architecture), et à accroître la qualité des produits d’une industrie en pleine expansion, par la formation des ouvriers et leur perfectionnement dans ces disciplines. 

En l’état, des regroupements d’écoles (comme pour Grenoble-Valence) permettent de faire face aux crises budgétaires et de maintenir un tissu d’enseignement artistique sur le territoire, mais les variations sont telles qu’elles contraignent désormais à certaines fermetures, comme récemment à Valenciennes. Le financement de l’enseignement supérieur artistique reste fragile, très exposé au contexte financier du bloc local, et repose très majoritairement sur les villes ou les métropoles qui financent les écoles d’art, souvent à hauteur de 80 à 90 %. 

Que peuvent les artistes et les arts ?  

Dès lors, comment le contexte budgétaire et l’instabilité politique obligent à rappeler constamment le rôle et la place des arts et des artistes, notamment dans les territoires ? Entre défi environnemental, épreuve budgétaire, attribution élargie des lieux artistiques et diffusion territoriale de la production, faut-il aller vers plus de “contractualisation” et de coopération ciblée ? Comment mieux incarner et nourrir cette notion de “pacte territorial” ? Alors que le risque de repli territorial est latent, comment les artistes, les arts et l’ensemble du tissu culturel peuvent permettre une plus grande coopération territoriale, et pour quelles illustrations ? 

Pour Aurélie Foucher, directrice déléguée de Scène Ensemble, le croisement des financements peut exposer en situation de crise budgétaire les équipements et équipes artistiques, dont beaucoup sont en situation de précarité voire de disparitions désormais très nettes. Le tissu artistique pâtit d’une dilution des responsabilités et du désengagement financier, en premier lieu au niveau de l’Etat qui, sans être le financeur majoritaire des politiques culturelles en France, a un effet levier indispensable pour maintenir les financements et les aides. A cet égard, la déstabilisation des crédits du soutien à la création ou encore la fragilité financière des crédits dédiés au Fonpeps (Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle) déstabilisent de manière structurelle le secteur. Si une vision politique et territoriale de l’arts, des artistes et de la culture est prochainement attendue, plusieurs associations et syndicats du spectacle vivant ont partagé l’été dernier à l’occasion d’Accord majeur à Aix-en-Provence la place de l’art dans la relation aux autres, dans la propension au dialogue et à faire société.  

La tonalité est partagée par La Maison des Artistes, représentée par Stefano Vendramin, responsable du développement et Loïc Volat, responsable accompagnement et formation. Récemment, la Journée des Artistes a permis, dans sa première édition les 13 et 14 septembre derniers, de valoriser pendant deux jours les artistes dans les territoires, sous toute forme et tout soutien. Il s’agissait en outre de sensibiliser les collectivités aux dispositifs de soutien et aux obligations réglementaires et financiers (droit d’exposition), en mesure d’accueillir des artistes pour des résidences ou expositions dans des lieux parfois assez hybrides. La Maison des Artistes accompagne également les porteurs de projets au quotidien dans les dispositifs de soutien adaptés aux besoins des collectivités locales.  

Cet accompagnement, alors qu’une nouvelle séquence municipale et communautaire s’ouvrira l’année prochaine, est d’autant plus indispensable pour permettre de sensibiliser et outiller les communes et EPCI dans leur champ d’intervention culturel, en rappelant la place éminente des arts et des artistes dans les politiques d’éducation artistique et culturelle (EAC), de droits culturels ou encore aux initiatives en matière de lien social, d’actions environnementales ou encore de considérations économiques et d’attractivité locale.  

 

 

Sébastien Tison
s.tison@franceurbaine.org
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