Actualité Numérique

RETOUR DU SMART CITIES EXPO WORLD CONGRESS 2025 DE BARCELONE : LES MÉTROPOLES FACE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE, ENTRE CRAINTES ET FASCINATION

France urbaine a participé au SCEWC aux côtés de plusieurs métropoles françaises. Accueillant près de 25000 exposants et visiteurs venus du monde entier, le SCEWC est un événement regroupant les acteurs publics et privés de la transformation des villes par l’innovation. 

Lionel Séb article

La numérisation des villes au cœur de l’offre marketing “smart city” 

De retour de Barcelone, salon qui tente de juxtaposer la présentation de nouvelles technologies par des entreprises privées, la valorisation par des métropoles et des Etats d’entreprises et start-ups innovantes qu’elles incubent parfois, et enfin les espaces de plaidoyer pour innerver davantage la dimension politique et sociétale du numérique, un premier constat s’impose : il n’y a jamais eu autant de capteurs, de données, d’hyperviseurs dans les villes. Tous les champs d’intervention des grandes agglomérations et métropoles sont aujourd’hui digitalisés et “monitorés” : la collecte des corbeilles sur l’espace public ou la gestion de l’arrosage des espaces verts peuvent être mesurés, pilotés, anticipés. La start up allemande Hula Earth va jusqu’à mesurer la quantité et la qualité de la biodiversité sur un territoire. L’IA “dope”, accélère et amplifie cette tendance majeure. La mise au point de “jumeaux numériques” des villes et de leurs composants (jusqu’à l’intérieur des bâtiments…) permet de les “piloter” de façon performante. L’intégration des données urbaines dans des plateformes de plus en plus puissantes (les métropoles d’Angers ou Dijon sont parmi les plus engagées en France…) incite les services techniques des collectivités à travailler plus en transversalité : tous les métiers et compétences des agents publics sont plus ou moins fortement impactés. Sous cet angle, la coopération est plus indispensable que jamais. 

Cette transformation pose la question de l’innovation technologique, de sa place dans la parole et l’action politique. Les technologies apparaissent autant comme un risque que comme une menace. Elles évoluent parfois plus vite que les usages et les mentalités, certains craignent qu’elles complexifient la gestion publique. Face aux inquiétudes et méfiances, les grandes intercommunalités urbaines sont plus distantes que durant les années 2000 / 2010 face aux innovations. Mais, les témoignages de grandes villes européennes pionnières dans l’appropriation publique des outils numérique (Bruxelles, Reykjavik, Porto…) proposent une approche différente : tourner le dos aux questions technologiques, c’est laisser le champ libre aux prédateurs (Etats ou grandes entreprises) et à des formes agressives de privatisation. 

Poursuivre le plaidoyer sur les dynamiques publiques, démocratiques et citoyennes du numérique  

Mieux vaut travailler les droits digitaux, l’acceptabilité des outils numériques, leur contrôle citoyen. Le cadre européen (RGPD notamment), comparé à l’absence d’encadrement sur les autres continents, apparaît mature et protecteur. Les pouvoirs locaux peuvent et doivent se l’approprier et le décliner en fonction de leurs caractéristiques. Pour Eric Peters, en charge de la mise en œuvre de la stratégie européenne en matière de politique du numérique « la décennie numérique 2030 » au sein de la Commission Européenne, la compétitivité ne doit pas être opposée aux valeurs.  

La confiance des citoyens à l’égard des élus locaux est un capital à préserver et à utiliser sur la question numérique. La transparence sur les données (et les algorithmes) est un point clef. A Bruxelles, chaque capteur est équipé d’un panneau informant de sa fonction et des usages qu’il peut impacter. À Rouen, la mise à disposition de l’application https://www.uzer.eu/, proposant des “gratifications” aux citoyens engagés dans l’amélioration du tri de leurs déchets transforme positivement le geste de tri et permet d’étendre les bonnes pratiques à d’autres gestes environnementaux. Cette inflexion prolonge les débats sur l’IA que France urbaine a investi en lien avec Les Interconnectés, visant à générer du débat citoyen, dialogue et rapport d’étonnement sur le déploiement de l’IA, et plus globalement des nouvelles technologies. Sur le salon, les conférences organisées par Bordeaux Métropole, en lien avec Eurocities ou encore la Coalition des villes pour les droits digitaux, martelaient l’importance des villes pour lutter contre la désinformation en ligne et favoriser l’appropriation numérique pour tous.  

Plusieurs élus présents invitent à trouver l’équilibre entre digitalisation et innovation sociale, qui peut mobiliser les communautés et régénérer le lien social : https://www.partage.club/ par exemple participe d’un mouvement visant à faire des citoyens des acteurs de la transformation écologique de leur mode de vie et de leur territoire. 

Une nouvelle forme de partenariats publics / privés 

Les solutions présentées dans les champs d’intervention des collectivités (déchets, sécurité, gestion de l’eau, du bruit, des mobilités, etc.) sont essentiellement présentées sous l’angle de leur efficience et des économies qu’elles vont permettre de faire. Pour les collectivités locales, mieux vaut penser design : un territoire doit se doter d’une stratégie d’innovation par et pour les usages afin de pouvoir piocher dans le catalogue des innovations technologiques qui répondent aux attentes des citoyens et des élus. 

Et mieux vaut penser low tech : en lien avec la Ville de Paris, l’entreprise Vertuo développe “Bocage urbain”, dispositif de captage, stockage et infiltration des eaux pluviales qui permet d’atténuer le risque d’inondation et d’améliorer l’irrigation souterraine des espaces verts. Une dimension que portent la Métropole du Grand Paris et Grenoble Alpes Métropole, engagée sur la simulation d’impacts de la construction, de la rénovation et de plus globalement de l’aménagement d’un quartier sur les îlots de chaleur, les variations de température, la biodiversité… A cet égard, les nouvelles technologies doivent avant tout constituer un outil d’aide à la décision, en réponse à une demande.  

Lionel Delbos
Conseiller économie territoriale & enseignement supérieur l.delbos@franceurbaine.org
Sébastien Tison
Conseiller culture, numérique, participation citoyenne & sport s.tison@franceurbaine.org
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