Finances et fiscalité

VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX PROFESSIONNELS : DE L’ACTUALISATION SEXENNALE À L’ACTUALISATION DÉCENNALE ?

« En raison du contexte législatif instable en 2024 » (pour reprendre les termes de l’administration), la mise en œuvre des dispositions prévoyant l’intégration des bases d’imposition actualisées dans les rôles de l’automne 2026 ne sera pas possible. Un nouveau décalage d’un an devrait faire l’objet d’un article ad-hoc dans le PLF 2026.  

 Retour sur un scénario que les membres de la Commission Finances de France urbaine ont pu découvrir lors d’un dialogue avec la DGFIP (direction générale des finances publiques) et la DLF (direction de la législation fiscale). 

Design sans titre (4)

Le cycle complet d’actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels : lorsque six années en deviennent dix 

 Depuis 2017, les redevables au titre de locaux professionnels acquittent leurs impôts fonciers sur des bases dites rénovées. L’objectif du législateur était non seulement de mettre en œuvre les travaux de révisions cadastrales tant attendus mais également de prévoir une méthode d’actualisation qui puisse être pérenne. A cet effet, au-delà de la mise à jour annuelle des tarifs et biannuelle des coefficients de localisation, une actualisation globale de l’ensemble des paramètres était prévue tous les six ans. Ces actualisations se fondent sur une collecte de données auprès des propriétaires. Les tarifs devraient donc, selon cette méthodologie, évoluer de la même manière que les loyers qu’ils pratiquent et donc suivre le marché immobilier.  

Cependant, l’échéance initiale de mise à jour fixée à 2023 a été décalée à plusieurs reprises. La dernière date de la loi de finances pour 2024 par son article 152, lequel fixe à 2026 l’intégration des paramètres actualisés dans les bases de fiscalité directe locale. Cet agenda ne sera pas non plus respecté. L’arbitrage, nécessaire en 2024, qui aurait permis aux services de Bercy de procéder aux adaptations informatiques indispensables n’est jamais venu.  

Par conséquent, un article ad-hoc dans le PLF 2026 a d’ores et déjà été annoncé : il devrait venir entériner un nouveau décalage supplémentaire d’un an. En d’autres termes, l’actualisation sexennale deviendra une actualisation décennale. 

 Une nouvelle approche du lissage, précisée et simulée 

 Selon le code général des impôts « La valeur locative est la valeur d’usage réelle actuelle des biens dont le contribuable dispose ». Or l’écart se creuse entre le marché immobilier et les bases d’imposition du fait de l’absence d’actualisation et éloigne l’impôt de l’image fidèle nécessaire au respect du principe d’égalité entre contribuables. A cette problématique s’ajoute le souci, compréhensible, des pouvoirs publics d’éviter les sursauts d’imposition, la solution semble être trouvée dans un enchaînement complexe de dispositifs de transition.  

 Concrètement, l’administration fiscale envisage de proposer au législateur des mécanismes afin d’atténuer les variations de cotisation qui pourraient résulter d’une actualisation des paramètres. A savoir : pour 2026, la prolongation pour un an du planchonnement existant depuis 2017 et, pour 2027, un nouveau lissage de base sur 6 ans et le recalcul des coefficients de neutralisation (visant quant à eux à garantir pour chaque collectivité le maintien de la part respective des locaux professionnels et des locaux d’habitation au sein de l’assiette des impôts locaux). 

 Ce scénario a fait l’objet de simulations précises et partagées, tant avec les représentants des contribuables qu’avec les associations d’élus. Il en ressort que l’impact des nouvelles bases sur les « magasins de centre-ville » (catégorie de locaux la plus représentée) n’augmentera en moyenne que d’un montant de 17€ (+1,1%). Plus précisément avec ces nouveaux mécanismes atténuateurs, seuls 3% des établissements assujettis verront leur cotisation évoluer de plus (ou moins) 10%. Clairement, dans la recherche d’une ligne de crête entre la « vision redevable » et la « vision optimisation budgétaire », le souci du contribuable semble priorisé.  

Une perspective qui n’apparaît pas pleinement séduisante 

 Un tel scénario apparaît bien huilé et techniquement convaincant. L’est-il pour autant politiquement ? Si l’on en croit les réactions des élus parties prenantes de la dernière réunion de la Commission Finances de France urbaine, la réponse est mitigée. 

En fait, le bas blesse sur un point particulier. A savoir que l’établissement des bases actualisées va être fondé sur des déclarations de baux remontant à 2021. En d’autres termes, l’administration envisage de travailler sur une collecte ancienne de loyers et, qui plus est, était déjà éloignée de l’image fidèle à l’époque du fait d’un taux de déclaration des propriétaires insuffisant.  

 Une première conséquence sera que les travaux de comitologie qui ont occupé en 2022 les commissions communales ou intercommunales des impôts directs et, surtout, les commissions départementales des valeurs locatives, vont être repris tels quels. Pour les 27 départements dans lesquels ces travaux n’avaient alors pas pu être conclusifs, le préfet arrêtera les paramètres d’évaluation. 

 Cette perspective peu satisfaisante trouve une explication : le lancement d’une nouvelle campagne de collecte retarderait encore le calendrier global. On pourrait estimer qu’il est cependant plus pertinent de bénéficier de bases solides au bout de 11 ans que d’une version imparfaite au bout de 10 ans, si ce n’est l’avis du Conseil d’Etat. Lequel considère qu’il ne serait acceptable de proroger au-delà d’un an le planchonnement (et donc qu’il ne peut être envisagé une date ultérieure à 2027), non sans argument puisque le planchonnement entraîne une inégalité peu justifiable entre contribuables historiques et nouveaux assujettis. 

 Un dialogue à poursuivre 

 En conclusion de la séance dédiée de la Commission Finances de France urbaine, les participants ont conclu que, si possible d’ici l’examen parlementaire du PLF 2026, le dialogue avec l’administration fiscale devait se poursuivre prioritairement autour de deux axes : 

  • La méthode d’actualisation annuelle : en effet, si le ressaut à l’issue d’une actualisation décennale est si élevé qu’il nécessite d’enchaîner les lissages, c’est parce que la mise en œuvre de filtres réglementaires appliqués chaque année lors de la prise en considération des renouvellements de baux doit être revue.  
  • La comitologie : les propositions de simplification envisagées et présentées par l’administration sont apparues insuffisamment réalistes au regard du fonctionnement des exécutifs locaux.  
Louise Cornillère
Conseillère Finances publiques locales l.cornillere@franceurbaine.org
Franck Claeys
Délégué adjoint f.claeys@franceurbaine.org
Aller au contenu principal