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COUP DE PROJECTEUR SUR LE RAPPORT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE DU SÉNAT SUR LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES

Initiés à la toute fin de l’hiver, les travaux de Commission d’enquête sur « La libre administration des collectivités territoriales, privées progressivement de leurs recettes propres, et sur les leviers à mobiliser demain face aux défis de l’investissement dans la transition écologique et les services publics de proximité » (présidée par Olivier Henno, sénateur du Nord et dont le rapporteur est Thomas Dossus, sénateur du Rhône) ont conduit juste, avant les vacances parlementaires, à la publication d’un rapport qui mérite d’être relayé. Un rapport (*) remarquable par la complétude de ses analyses et la pertinence de ses propositions. Un rapport qui révèle de profondes convergences avec les thèses défendues par France urbaine.

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Des interrogations d’actualité

A l’origine du contrôle un sentiment partagé de volonté de reprise en main de l’autonomie des collectivités. Avec des questions sous-jacentes : l’association des collectivités au redressement des comptes publics n’est-elle pas le cheval de Troie d’une volonté d’effacement des acquis de la décentralisation ? La loi de finances pour 2025 ne représente-t-elle pas une accélération d’une volonté étatique de « resserrer la bride » sur les gestionnaires locaux et de nationalisation des finances locales ?

Un sentiment doublé d’une inquiétude dès lors que les collectivités paraissent de plus en plus devenir des « opérateurs » de l’Etat, ainsi que l’exprime le rapport : « Chargées d’effectuer des dépenses qu’elles ne choisissent pas au moyen de recettes sur lesquelles elles n’ont pas de marge de manœuvre, comme un affront direct à notre République dont l’article premier de la constitution affirme le caractère décentralisé ». Inquiétude renforcée par les « stop and go » permanents et une prévisibilité qui n’a jamais été aussi faible : « Alors que les élus ont plus que jamais besoin de pouvoir se projeter et anticiper, à mesure que leur rôle d’investisseur public prend de l’ampleur, sous l’effet de besoins nouveaux comme le financement de la transition écologique ».

 

L’indispensable reconquête de l’autonomie, tout à fois en recettes et en dépenses

Les Assemblées convergent. A l’unissons des députés (**), les sénateurs confirment : dès lors que sont considérées comme des « ressources propres » des impositions à propos desquelles les exécutifs locaux n’ont pas leur mot à dire, l’autonomie financière, telle que figurant dans les textes actuels, est vidée de son sens. Cela conduit notamment le Conseil constitutionnel à systématiquement rendre des décisions reflétant le caractère inopérant de l’article 72-2 de la loi suprême. La thèse est claire : pour sortir de l’impasse actuelle, seule la consécration du principe constitutionnel d’autonomie fiscale des collectivités pourra conduire à préserver les marges de manœuvre des collectivités et à un mettre un terme au travail de sape mené à l’encontre des impôts locaux.

Quant à la seconde composante de l’autonomie, elle porte sur la capacité des collectivités à financer des dépenses librement décidées : « tant que les ressources locales serviront à financer des politiques décidées par l’Etat, il n’y aura pas de libre administration ». A ce titre, il est urgent d’évaluer la part contraintes des dépenses locale, et par là même de redéfinir la notion de dépenses obligatoires.

 

Pluriannualité : du constat partagé à une contractualisation qui engage

La situation d’imprévisibilité dans laquelle l’Etat met les collectivités, y compris, et même peut-être d’autant plus, lorsqu’il qu’il s’agit de politique publique partagées, est dévastatrice. Pour sortir de l’ornière et pour répondre à l’attente légitime des collectivités, c’est un engagement formalisé qui s’impose. D’où une proposition des sénateurs faisant directement écho à la demande de France urbaine : « Afin de sécuriser dans le temps les engagements figurant dans les contrats -tels que les CRTE-, il apparaît essentiel que ces contrats comportent désormais un volet financier suffisamment développé et contraignant pour apporter la visibilité nécessaire aux collectivités ».

Quant à l’idée, dont l’efficience financière est reconnue par la commission d’enquête, d’un basculement d’une partie des dotations d’investissement vers la section de fonctionnement, le rapport synthétise les arguments en faveur d’un tel scénario … tout en l’estimant souhaitable d’y procéder seulement lorsque, préalablement, l’architecture de la DGF aura été revu.

 

L’espoir d’une gouvernance mature des finances locales ?

A l’unissons de nombreux autres travaux qui, ces dernières années, les sénateurs de la commission d’enquête appellent à revoir la gouvernance des relations financières entre l’Etat et les collectivités (***).

La confiance ne se décrète pas, la condition première pour la rétablir est de mettre en place un cadre ad-hoc qui, enfin, puisse être pérenne (le rapport revient sur la longue liste de cadre éphémères, générateurs d’espoirs trop rapidement déçus).

Pour les auteurs du rapport, il n’y a pourtant pas de fatalité à l’immaturité de la relation financière entre l’Etat et les collectivités. C’est bien uniquement de volonté politique dont il s’agit. Et à l’appui de ce message d’espoir et d’invitation au volontarisme, le rapport apporte différents éclairages étrangers de cadre et de pratiques de dialogue structuré, pas seulement en Allemagne, mais également en Espagne, en Suède, en Belgique en Italie ou encore au Pays-Bas.

 

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