VIEILLISSEMENT DES QUARTIERS PRIORITAIRES : AGIR CONTRE L’ISOLEMENT ET LA PERTE D’AUTONOMIE
À l’occasion du lancement d’un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) en vue de mener des actions de prévention à destination des personnes âgées en quartier prioritaire de la politique de la ville, plusieurs territoires (Rennes, Alençon, Chambéry, Le Mans, CIAS du Blaisois…) se mobilisent en vue de constituer un continuum de repérage et d’accompagnement.

L’Appel à manifestation d’intérêt, récemment lancé par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), en partenariat avec l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires) et la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) reflète la préoccupation croissante des collectivités et leurs groupements face aux enjeux de vieillissement en quartier prioritaire de la politique de la ville. Parmi les lauréats, le territoire de La Rochelle comprend ainsi des quartiers prioritaires de la politique de la ville à forte densité de seniors. Des signes de précarité sont déjà observables chez les jeunes retraités, tandis que des signaux de pauvreté dans cette population sont également repérés à l’échelle nationale dans le récent baromètre du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Le quartier du Ronceray, ciblé par Le Mans, se caractérise également par une forte évolution de la population des seniors entre 2014 et 2020 et notamment une forte proportion de femmes seules. À Rennes s’observe depuis plusieurs années un vieillissement accéléré de certains quartiers.
La lutte contre l’isolement et les dynamiques de prévention requièrent une action territoriale globale
Les consortiums locaux mobilisés associent ainsi le plus régulièrement les principaux bailleurs du territoire, le centre social du quartier, les services d’aides à domicile et résidences autonomie présentes à proximité ou encore l’Espace France Services, ainsi que les grands acteurs institutionnels tels la CPAM ou la CAF. Rennes fait également le choix de mobiliser la communauté estudiantine et l’université, ainsi que le CHU disposant d’un laboratoire pluridisciplinaire qui étudie vieillissement et vulnérabilités au sens large. Les divers territoires mobilisés activent une approche à 360 degrés intégrant la formation des gardiens et l’articulation avec Territoire zéro non recours (CIAS du Blaisois), la mise en place de nouveaux modèles de repérage, le déploiement d’actions collectives, ainsi de groupes coordonnés par des ergothérapeutes pendant une durée longue en vue d’adapter les habitudes de vie (Rennes) et un travail de formation renforcée à l’évaluation (Alençon). Une telle approche fait écho aux alertes régulières des Petits frères des Pauvres invitant à construire des réponses d’aller vers plus structurantes : activer des systèmes d’alerte, renforcer les coordinations locales et le repérage ou développer les solidarités de voisinage.
L’isolement et l’accès aux droits, des causes et des effets complexes à appréhender étroitement dépendants des configurations locales
Une recherche engagée par l’ODENORE, un observatoire de l’Université de Grenoble-Alpes, en collaboration avec la CNSA et l’École nationale de sécurité sociale, examine cinq territoires aux caractéristiques différentes. Héléna Revil et Catherine Gucher donnent à voir la complexité du phénomène notamment s’agissant des questions d’isolement. La présence d’un tiers, famille, voisins, bénévole peut être le déclencheur d’une aide qui n’aurait pas été spontanément demandée du fait d’un manque de connaissance des dispositifs mais également de phénomènes plus intimes de repli et de déprise des personnes face à certains de leurs besoins. Le maintien du lien est parfois rendu complexe du fait de la rotation au sein des commerces et des appartements : “le renouvellement et/ou le déplacement des populations au sein de la ville a amoindri, voire fait disparaître, des dynamiques de voisinage et a parfois même induit une forme de défiance qui ne permet pas, ou de façon plus limitée, l’expression de solidarités de voisinage.” La seule présence de liens familiaux n’est en outre pas toujours garante d’une réponse adéquate aux besoins des personnes et peut aussi générer un retard de prise en charge : “Si dans certains cas, cette priorisation de l’aide familiale porte spécifiquement sur certaines tâches, dans d’autres elle peut générer un refus total d’aide extérieure“. Le rôle parfois structurant des services d’aide à domicile dans l’orientation vers des tiers est également souligné.
Une problématique globale d’accessibilité des territoires et des services
Le rapport précité revient sur les pratiques des personnes âgées. L’articulation entre des dynamiques de retrait et contraintes d’accessibilité des services est ainsi à rappeler : “Les transports collectifs n’apparaissent pas toujours adaptés aux déplacements des personnes très âgées qui mentionnent, lors des entretiens, l’inconfort, les risques de chute dans les bus, les arrêts parfois trop éloignés des lieux ressources. La marche apparaît comme le moyen de déplacement privilégié (…)“. Du bon fonctionnement des ascenseurs, à l’ergonomie des services, en passant par l’accessibilité au sens large des espaces public (luminosité, présence de bancs) ou le maintien d’un échange individualisé non médiatisé par l’outil informatique, les enjeux et solutions sont régulièrement rappelées et progressivement transcrits dans certaines politiques urbaines ainsi de l’approche globale déployée sur le territoire du Havre.
Un enjeu d’articulation des politiques publiques
L’Appel à manifestation d’intérêt, lancé par la CNSA, et les travaux de l’ODENORE présentent l’intérêt d’entrer au cœur de dynamiques de coopérations locales et de donner à voir par le bas les connexions à opérer entre les nombreuses expérimentations, évaluations et autres feuilles de route stratégiques parmi lesquelles on pourra citer à l’aube d’un prochain Comité interministériel des villes (CIV) : les débats autour du rapport sur le bilan de la loi ELAN sur l’habitat évolutif, les actualités autour des 20 ans de la loi du 11 février 2005, les enjeux de financement du vieillissement dans le parc social, le déploiement du plan national d’adaptation au changement climatique, la déclinaison de la stratégie de transformation de l’offre médico-sociale et le déploiement de Ma Prime Adapt, les débats autour du financement de la protection sociale, la généralisation du service public départemental de l’autonomie, le déploiement de Territoires zéro non recours dans 39 territoires ou encore l’ouverture des négociations avec la CPAM sur le financement des centres de santé non lucratifs, reconnus par un récent rapport de l’IGAS pour leur rôle notamment en quartier politique de la ville.
Au cœur de ce faisceau d’actions, France urbaine a régulièrement mis en avant une série de mesures
Alors que certaines avancées sont à saluer (déclinaison renforcée du programme ICOPE, mise en place de Ma Prime Adapt), France urbaine a régulièrement mis en avant différentes mesures à engager, ainsi que des stratégies de réduction des restes à charge et de diagnostic universel sur Ma Prime Adapt, la révision des modèles économiques de prise en charge de la dépendance, le soutien des centres de santé non lucratifs en quartier prioritaire de la politique de la ville, un soutien renforcé aux actions en santé mentale, la prise en compte de l’ensemble des vulnérabilités dans les politiques d’adaptation au changement climatique et plus globalement une approche cohérente du financement de la transition écologique par les collectivités locales.
Aux côtés d’Intercommunalités de France et de l’Union nationale des CCAS, France urbaine mettra en avant les leviers mobilisés par les collectivités pour faire face au vieillissement à l’échelle locale à l’occasion d’un webinaire le 3 juin de 9h30 à 11h30, sous la coanimation de Florence Thibaudeau-Rainot, adjointe à la Ville du Havre, 1ère vice-présidente de Seine Maritime, coprésidente de la commission Solidarité de France urbaine, Véronique Besse, conseillère municipale des Herbiers, députée, vice-présidente de l’UNCCAS chargée des seniors, Hugo Cavagnac, président de la Communauté de Communes du Frontonnais, engagé au sein d’Intercommunalités de France sur les questions du “Bien vieillir” et du Grand âge.