D’UNE LOI DE FINANCES A L’AUTRE : COUP DE PROJECTEUR SUR LES CONVERGENCES AVEC LA DELEGATION AUX COLLECTIVITES DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
L’encre de la loi de finances initiale pour 2025 est à peine sèche que la préparation du projet de loi de finances pour 2026 est déjà sur les rails (après un marathon d’une longueur inégalée, une anticipation notable …). C’est dans ce contexte qu’il est opportun de partager le fruit du travail de ceux qui sont en première ligne dans la production des textes, à savoir les députés membres de la Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation. Dans un rapport (Rapport d’information, n° 727 – 17e législature – Assemblée nationale) sur le projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025 passé relativement inaperçu (car rendu public le 18 décembre dernier), Tristan Lahais (député de l’Ille-et-Vilaine) et Nicolas Ray (député de l’Allier) livrent des enseignements d’autant plus précieux … qu’ils font directement écho aux analyses de France urbaine.
Des injonctions brouillonnes … et non assumées
C’est désormais établi, la trop fameuse « accélération des dépenses locales » de 2024 résulte de la dynamique des dépenses contraintes (tout particulièrement des dépenses sociales, pour les départements, mais pas que) et, surtout, reflète un effort d’investissement local en forte hausse (+8,5% pour le bloc communal). D’où l’importance de rappeler que « La volonté des élus locaux d’accroître leurs investissements, notamment dans le domaine de la transition écologique (… s’effectue) conformément aux souhaits exprimés par l’État lui-même tout au long de l’année 2023 ».
Cela dit, l’État a, dans le même temps, tout à la fois décidé d’alourdir les charges de fonctionnement des collectivités au travers d’un relèvement de plusieurs points des taux de cotisation des employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et exigé des budgets locaux un niveau d’effort d’ampleur inégalée. D’où l’interrogation : « Comment, dans ces conditions, parvenir à dégager une capacité d’autofinancement suffisante pour lancer de nouveaux projets ? ». Et les auteurs du rapport de formuler explicitement la (bonne) réponse : « Derrière ce paradoxe apparent, on peut voir la volonté de l’État, non entièrement assumée, de ralentir les dépenses d’investissement du secteur public local ».
Des dispositions contre productives
Par ailleurs, c’est, semble-t-il un peu rapidement, que Bercy s’est persuadé que, dix ans plus tard, le principal levier qu’allait actionner les gestionnaires locaux pour faire face à l’exacerbation des contraintes budgétaires et s’acquitter de la facture de la loi de finances consisterait à donner un coup de frein sur l’effort d’investissement. C’est ignorer que si, effectivement en 2014-2015, la baisse de la DGF avait alors entraîné un recul de 25% de l’investissement des grandes villes, grandes communautés et métropoles, en 2025, ce n’est pas ce levier qui va être privilégié. Tout d’abord, parce que les exigences de la transition écologique imprègnent aujourd’hui les arbitrages locaux. Mais aussi parce que, si le choc de la baisse de la DGF était survenu en début de mandat municipal, le choc de la loi de finances 2025 survient en fin de mandat, c’est-à-dire quand les projets d’investissement sont déjà lancés.
Dès lors : « Face à la raréfaction de leur épargne, les collectivités soient contraintes de recourir davantage à l’emprunt. (…) Et visant plus précisément le dispositif de prélèvement dit « Dilico » : « Ce qui est présenté par l’État comme un ensemble de mesures destinées à rassurer nos partenaires européens sur la capacité de notre pays à respecter ses objectifs de maîtrise du solde des administrations publiques peut déboucher sur une nouvelle dégradation des finances publiques nationales ».
Pas de remise à l’agenda de l’effort des collectivités sans la reconquête de l’autonomie fiscale
La formulation retenue traduit la colère partagée par une majorité de parties prenantes auditionnées : « La stabilisation, envisagée dans le PLF pour 2025, des fractions de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) allouées aux régions, aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) apparaît d’autant plus comme une violation de la « parole donnée » que ces transferts avaient été mis en place, pour une large part, en compensation de réformes visant à réduire la fiscalité locale, telles que la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale en 2020 et la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2021 et en 2023 ».
Plus fondamentalement, les députés relèvent que « les difficultés rencontrées actuellement par les collectivités ne sont que le résultat du pilotage croissant des budgets locaux par le budget de l’État. Dépourvus de la plupart des leviers fiscaux qui leur permettaient, autrefois, de mener sur le long terme les politiques pour lesquelles ils avaient été élus, les décideurs locaux en sont réduits à solliciter de l’État le respect d’engagements pris au moment de la mise en place de « compensations » qu’il avait lui-même décidées ».
Dès lors, toute nouvelle demande de participation des collectivités au redressement des comptes publics, devra se faire « dans le dialogue, la concertation et l’incitation plutôt que par la coercition et la précipitation ». Surtout, elle devra s’inscrire « dans le cadre d’une réforme profonde de la fiscalité directe locale, pour redonner une autonomie fiscale aux collectivités, spécialiser une taxe principale par niveau de collectivité et garantir une contribution financière des citoyens au fonctionnement des services publics locaux ».
Il est précieux que les rapporteurs plaident pour « une fiscalité locale qui redonne un levier fiscal aux collectivités et associe les entreprises et les ménages au financement des services publics dont ils bénéficient sur leur territoire » ! C’est une ligne qu’il va falloir marteler auprès du Gouvernement.
A court terme, cela accrédite l’hypothèse d’un débat fructueux entre les membres du conseil d’administration de France urbaine et le président de la Délégation, Stéphane Delautrette, lequel sera l’invité de l’association le 4 mars prochain.