UNIVERSITÉS, GRANDES ÉCOLES, TERRITOIRES URBAINS ET VILLES MOYENNES : FACE AUX TRANSITIONS, NOUVEAUX PROJETS, NOUVEAUX CONTRATS
Plusieurs associations, dont France urbaine, ont organisé, les 5 et 6 avril 2023, un séminaire sur les coopérations entre universités et territoires à l’aune de la transition écologique.
Depuis une dizaine d’années, l’autonomie croissante des universités et la montée en compétences des grandes intercommunalités urbaines ont modifié en profondeur leurs relations : considérées au départ comme simples co-financeurs des projets d’investissement des établissements, les EPCI sont progressivement devenus des partenaires « de plein exercice », étendant le champ des coopérations à l’aménagement des campus, au logement, aux mobilités, à l’offre de formation et, plus récemment, à la vie étudiante. De façon pragmatique et différenciée, de nouveaux cadres stratégiques et contractuels ont émergé et montent en puissance : schémas directeurs, feuilles de route stratégiques, pactes locaux…définissent cette nouvelle ère des interactions entre enseignement supérieur et dynamiques locales. Des relations « plus sereines » a indiqué Catherine Vautrin, présidente de la Métropole de Reims et de l’Association des Villes Universitaires de France (AVUF).
Réunis en 2022 à Clermont-Ferrand, les membres du réseau des associations d’élus en charge de l’ESR, associés aux représentants de France Universités et de la Conférence des Grandes Ecoles, avaient appréhendé ce nouveau cadre sous l’angle des relations aux entreprises : la triangulation entre les acteurs économiques, les établissements d’enseignement supérieur et la métropole devient dès lors l’opportunité, sur les métiers industriels par exemple, d’améliorer l’adéquation entre les attentes et les propositions des uns et des autres.
Quelle réponse locale à une problématique globale ?
Cependant, face aux bouleversements provoqués par le changement climatique, ce nouveau cadre partenarial, adapté à des réalités locales très hétérogènes, est-il suffisant et adapté ? Comment ces écosystèmes territoriaux émergents peuvent-ils apporter une réponse locale à une problématique systémique et globale ? Comment des organisations dont les missions, les financements, les histoires et les compétences sont si différentes peuvent-elles éviter le repli et consolider leurs partenariats en construction sous l’angle de l’atténuation et de l’adaptation ?
L’édition 2023 du séminaire des acteurs locaux de l’ESR a tenté d’apporter quelques réponses à ces interrogations majeures, autour d’un défi, proposé par la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, dès l’ouverture : se mettre collectivement en responsabilité. Sous cet angle, le travail mené depuis plus de cinq ans par la Métropole et l’Université de Rouen au sein d’un GIEC local est apparu comme exemplaire de la construction d’un socle de connaissances communes et d’une « construction réciproque » des deux partenaires, comme l’a évoquée Benoît Laignel, président du GIEC rouennais et vice-président de l’Université de Rouen : engagée depuis une quinzaine d’années dans le développement durable, l’Université, au contact des réalités territoriales, repense son projet stratégique et son offre de formation en créant un Institut dédié aux transitions (TURN) ; mobilisés par la démarche du GIEC territorial, les élus et les services de la métropole de Rouen Normandie se décloisonnent, travaillent à la qualité des données qu’ils rendent publiques et repensent leurs appels à projets de recherche autour des priorités climatiques.
Universitariser le territoire et territorialiser l’université : les réponses au changement climatique supposent de mener de front les deux transformations. Avec un premier leitmotiv partagé par tous les intervenants : produire de l’information territorialisée, partager la connaissance, établir les faits, valoriser la pédagogie et la formation. Et sur ce socle, des engagements opérationnels adaptés aux priorités territoriales : une mutualisation de l’achat public entre l’Université, le CHU et la Métropole (Grand Poitiers) ; une réinvention des dispositifs financiers en faveur de la rénovation énergétique du bâti universitaire ; la mobilisation locale, dans l’agglomération du Cotentin, pour proposer une offre de formation tournée vers les métiers du nucléaire et des énergies marines renouvelables (David Margueritte, président de l’agglomération de Cherbourg) ; une politique publique forte en faveur des étudiants, à Rouen, visant à leur « confier les clefs de la ville » (Abdelkrim Marchiani, vice-président de la métropole) ; un nouveau campus pour Néoma à Reims, pensé avec les habitants du quartier (Delphine Manceau, DG de Neoma BS et représentant de la CGE).
Pour Catherine Vautrin comme pour Guillaume Gellé, président de France Universités, la meilleure connaissance des élus par les universitaires (et vice-versa…) permet de démultiplier les réponses aux inquiétudes et aux aspirations des étudiants. La « citoyenneté étudiante », le travail sur la place des étudiants dans l’université et dans la ville, la réponse à leur demande d’engagement sont les nouveaux horizons de cette coopération croissante entre collectivités et acteurs de l’enseignement supérieur. C’est une part désormais essentielle des réponses au changement climatique.