Actualité Alliance des territoires

RÉINVENTER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL

Les transformations de l’économie bouleversent les outils, méthodes et métiers du développement économique local. Forts de ce constat, plusieurs acteurs (Ademe, France urbaine, Intercommunalités de France, Cerema, Fondation de France) et une douzaine de territoires se sont engagés en 2023 pour un travail de recherche-action coordonné par la 27ème Région et accompagné par le laboratoire PACTE de l’Université de Grenoble.

L’objectif : renouveler en profondeur la “boîte à outils” des développeurs économiques territoriaux en partant de leurs préoccupations, attentes et expériences.

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À mi-parcours (le programme s’étale sur deux années), la 27ème Région met en ligne un document d’étape reprenant plusieurs contributions, synthèses, exemples et problématiques travaillés durant cette première année d’échanges.
C’est l’occasion pour France urbaine de partager une première série d’enseignements autour du constat suivant : il n’y a ni norme ni obligation dans la conception et la mise en œuvre des stratégies territoriales de développement économique. Chaque intercommunalité s’appuie sur les caractéristiques de son tissu entrepreneurial, sur son histoire commerciale, universitaire ou industrielle et sur le projet et les orientations de la collectivité.
Il n’y a pas d’obligation ou presque, il n’y a pas de modèle(s) mais une double constante émerge depuis quelques années : comment proposer un projet de développement économique territorial qui concilie la création de valeur (emplois, entreprises, étudiants, touristes…) et la préservation des ressources (sol, matériaux, air, biodiversité…) ? Et, par conséquent, quelle organisation (services, agences, gouvernance…) réinventer pour construire les coalitions, le récit et le projet partagé localement ?
Les travaux du programme Rebonds permettent d’esquisser des premières orientations :

La mécanique originelle du développement local (attirer des talents et développer les entreprises du territoire, créer ainsi de nouvelles ressources fiscales, les investir dans les services rendus à toute la population et dans la régénération environnementale du territoire) se heurte à un double écueil : la perte de l’autonomie fiscale territoriale (les collectivités ne sont plus directement « intéressées » au développement économique local) ; l’épuisement des ressources et les frictions provoquées par le logiciel de l’attractivité (saturation de certains espaces urbains, surtourisme, crise du logement, accès à certains services dont la santé…),

Face à la tension provoquée par ces deux obstacles, l’autonomie voire l’indépendance revendiquées des équipes en charge du développement économique ne tiennent plus. D’une approche « surplombante », bras armé de la mondialisation voire de la désintermédiation de l’économie, les organisations engagent leur mue en devenant progressivement parties prenantes de démarches territoriales plus transversales ; elles s’impliquent dans l’écriture des documents d’urbanisme, s’intéressent aux stratégies de mobilités ou se plongent, via l’économie circulaire notamment, dans les politiques locales de collecte et traitement des matériaux et dans les modalités d’approvisionnement des entreprises,

À ce titre, l’emprise des problématiques de logement symbolise cette nouvelle empathie territoriale des acteurs du développement économique ; les attractivités croisées d’un employeur (ou d’une université) et d’un territoire sont intimement liées à la capacité à proposer une offre de logement en phase avec les caractéristiques du bassin d’emploi ; les entrepreneurs eux-mêmes se mobilisent sur ce sujet,

Au-delà, la « question sociale » ou, plus positivement, la « responsabilité territoriale des entreprises » deviennent des sujets structurants dont les collectivités ne peuvent se tenir éloignées : l’engagement territorial de l’entreprise redevient un marqueur fort de la marque employeur, les intercommunalités doivent être en capacité d’accompagner les entrepreneurs et des salariés qui veulent jouer cette carte,

Concomitamment à la crise du logement, les tensions récentes sur le marché de l’emploi mettent les DRH au cœur des stratégies économiques locales : la capacité à former, attirer et retenir les talents est devenue une thématique à part entière des stratégies locales de développement ; travailler au quotidien avec les acteurs de la formation caractérise les équipes les plus engagées dans les mutations du métier de développeur économique territorial ; plus globalement, le continuum insertion – formation – emploi – relations entreprises est l’un des plus puissants vecteurs de transformation de l’action publique locale économique,

Face à un contexte géopolitique et climatique présentant durablement un fort niveau d’incertitude, la collectivité doit pouvoir rassurer les entrepreneurs ; les territoires en capacité de travailler au « dérisquage » des activités qu’ils hébergent (approvisionnement en eau, gestion raisonnée des déchets, prévention contre les risques climatiques…) et à organiser une gestion partagée des crises (écologiques, climatiques mais aussi sociétales) devraient pouvoir bénéficier des formes émergentes d’attractivité.

Enfin, et c’est essentiel voire central, la grande mutation actuelle du développement économique territorial réside dans sa capacité à s’affranchir des périmètres institutionnels (synergies et coalitions à bâtir avec les autres échelons de collectivités, les régions notamment) et géographiques : la mise progressive en circularité des économies (production, alimentation, gestion des ressources…) rend encore plus indispensables les coopérations inter-territoriales où les espaces urbains et les espaces ruraux travaillent à égalité à la construction d’écosystèmes économiques résilients. C’est aussi un enjeu sociétal.
L’appropriation de cette évolution du développement économique territorial passera aussi par les élus, et leur capacité à mieux la faire partager en interne, dans le coeur du réacteur politico-administratif.  Un temps de travail en marge des Journées Nationales de France urbaine permettra d’ailleurs de mettre l’accent sur les transformations du métier d’élu au développement économique.
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