PLAIDOYER COMMANDE PUBLIQUE ET ALIMENTATION : OÙ EN EST-ON ?
Le 9 février dernier, France urbaine lançait à Liège un manifeste en vue de construire un cadre rénové pour la commande publique en matière d’alimentation. Fruit d’un travail partenarial mobilisant les réseaux Agores, Eating City, le Centre Lascaux pour les Transitions, la cellule wallonne Manger Demain, les villes de Mouans Sartoux et Bruxelles, cette nouvelle approche se diffuse progressivement et gagne en profondeur au gré des nouvelles signatures : Sustainable Gastro, Max Havelaar, Lille, Bordeaux métropole, Rouen métropole, communauté d’agglomération Pays Basque…
Un enjeu de soutien des productions durables et locales qui s’étend au-delà des territoires français et belges
Très étroitement dépendant de la place de la restauration collective publique dans les modèles locaux et nationaux, ce plaidoyer s’inscrit dans une dynamique européenne plus globale qui articule approvisionnement local, santé humaine, santé environnementale et approche citoyenne de l’alimentation.
La mise en place de règles volontaristes à l’image de la loi française EGALIM est un levier, mais ce dernier ne suffit pas. Il y a une volonté de viser une double évolution : transformer les pratiques à droit constant et faire évoluer le droit en retour en ouvrant des pistes nouvelles.
Cet enjeu européen a été largement rappelé par Audrey Pulvar, adjointe à la Maire de Paris, chargée de l’Agriculture, de l’Alimentation Durable et des Circuits Courts de Proximité à l’occasion de l’événement des 17 et 18 juin tenu à Copenhague en partenariat avec la ville et le Pacte de Milan : “Le pouvoir de la commande publique”.
La présentation du manifeste à l’Urbact City lab le 30 mai à Liège sur la commande publique en matière d’alimentation a également fait écho aux pratiques mises en avant par les participants : ainsi du territoire de Liège qui a rejoint le manifeste ou de la ville de Linköping en Suède.
À Liège, la volonté des élus de faire de la commande publique un levier de promotion des filières locales et durables a amené à un réexamen en profondeur des pratiques d’approvisionnement et de production (cf. description du modèle liégeois). La Ville de Linköping (Suède) s’est également fixée des objectifs ambitieux : 50 % de produits locaux et 80% de produits nationaux (voir présentation de l’Urbac City lab).
Même dynamique en Estonie. Le territoire de Võru (34 000 habitants), dont le centre de développement a récemment rejoint notre plaidoyer, s’engage dès 2018 dans une démarche de mutation de ces approvisionnements (cf. présentation). Selon un schéma bien connu en France, ce territoire s’est d’abord fixé un objectif de 20 % d’approvisionnement en produits bruts et durables pour les cantines scolaires. Un tel objectif fédérateur a ensuite donné lieu à la mise en place progressives d’outils : mise en lien, cartographie, structuration de la fonction achat.
Appel à impasses et à solutions : les choix ingénieux d’Avignon pour valoriser les produits locaux dans les cantines scolaires
France urbaine lançait il y a quelques semaines un appel à impasses et à solutions auprès du réseau et de ses partenaires pour consolider l’argumentaire sur la nécessité d’avancer à droit constant tout en revendiquant une mutation du cadre juridique. Certaines pratiques remarquables peuvent être mises en avant. Comment notamment mieux valoriser la viande locale dans un cadre juridique contraint ?
Si une réflexion est engagée sous l’égide de l’interprofession (Interbev) pour valoriser le produit dans sa globalité (achat de la carcasse), la question se pose de la faculté des cantines à entrer dans une telle démarche. À Avignon, un partenariat est mis en place entre un éleveur bovin local (race à viande limousine bio), le CFA des métiers d’Avignon (apprentissage boucherie) et la cuisine centrale d’Avignon. La cuisine centrale achète via la plateforme d’achat Agrilocal des carcasses de jeunes bovins, auprès de l’agriculteur – des spécifications et critères exigeant des carcasses en circuits courts conduisent de fait à ne sélectionner que des producteurs locaux, les approvisionnements longue distance comprenant des mécaniques de préparation et conditionnement différentes. Les carcasses sont découpées à façon par les élèves du CFA dans le cadre d’un partenariat dédié. L’équipe logistique de la cuisine centrale récupère l’ensemble des découpes pour la production.
Un manifeste qui s’ouvre à des enjeux plus larges : ingénierie et financement des services publics locaux et juste rémunération des producteurs
Sustainable Gastro assume une fonction de mise en réseau en vue de promouvoir une approche circulaire des systèmes alimentaires dans les territoires autour de la Baltique. Cet organisme s’est engagé au sein du plaidoyer présenté à l’occasion des Dynamic Food Procurement Days courant mai. Les enjeux sont les mêmes dans ces territoires où le souhait de redynamiser l’approvisionnement local se heurte à une réduction forte du nombre d’exploitants au vu de nombreux départs en retraite.
Dans de nombreux territoires baltes et ailleurs en Europe, une mutation en profondeur du métier d’acheteur est à l’œuvre. Autrefois, centré sur la procédure, ce dernier intègre désormais une connaissance fine de la chaîne de valeur et des externalités sociales et environnementales.
Montée en puissance des équipes d’acheteurs, renforcement des moyens alloués à la restauration collective publique : avec quels moyens ?
En France comme ailleurs, ce qui se joue ainsi est aussi la possible revendication d’une approche européenne en matière de services publics locaux et du choix d’un certain niveau de socialisation de la dépense au sein de véritables “welfare cities” nées des défis posés par la transition écologique et ses effets sur la population.
Environnement, juste rémunération des producteurs et approche citoyenne de l’alimentation ont également suscité l’intérêt de Max Havelaar France qui rejoint le plaidoyer. L’ONG impliquée sur le renforcement des produits du commerce équitable dans la restauration collective – en témoignent les trophées FairTile” – a aussi ouvert un travail de diagnostic de la notion de ”juste rémunération” dans un contexte où les signaux prix et la structuration de la chaîne de valeur peuvent parfois apparaître brouillés y compris pour les producteurs.
L’engagement de Max Havelaar à nos côtés est révélateur du caractère systémique des politiques alimentaires et du potentiel d’alliance et de renouvellement des pratiques que porte le manifeste. Parce que local ne signifie pas nécessairement durable ni juste rémunération comme en témoigne l’analyse menée sur certaines politiques alimentaires (cf. analyse menée en 2021), c’est par une approche fine et négociée que doivent se bâtir de nouveaux modèles.
La suite : une communication à venir aux parlementaires européens
Le manifeste et une première liste de signataires seront prochainement communiqués aux parlementaires européens et aux services de la Commission. Le dialogue se poursuit avec les réseaux européens. La date limite du 30 juin a été prolongée à la demande de plusieurs villes intéressées. De nouvelles présentations sont aujourd’hui en préparation.
Point sur les signataires au 25 juillet 2024
Collectivités et groupements
Liège / Liège métropole
Bruxelles
Plouguerneau
Communauté d’Agglomération Pays Basque
Clermont-Ferrand et Clermont Auvergne Métropole
Saint-Etienne métropole
Communauté d’agglomération La Rochelle
Rennes / Rennes métropole
Rouen métropole
Brest / Brest métropole
Nancy / Grand Nancy
Lyon / Grand Lyon
Nantes / Nantes métropole
Poitiers / Grand Poitiers
Strasbourg / Eurométropole de Strasbourg
Grenoble / Grenoble Alpes métropole
Dijon / Dijon Métropole
EPT Est Ensemble
Lille
Métropole de Bordeaux
Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole
Villeurbanne
Montpellier
Saint-Denis
Fontenay-sous-Bois
Toulouse Métropole
Angers
Besançon
Harfleur
Paris
Plaine Commune
Grand Paris Sud
Allonnes
Bègles
Conseil départemental de Loire-Atlantique
Communauté de communes du Grand Cubzaguais
Marcoussis
Mouans Sartoux
Autres structures publiques et réseaux de collectivités
AGORES
Fédération des EPL
ANPP (Association Nationale des Pôles territoriaux et des Pays)
PETR Pays de Sarrebourg
GIP – GPV Rive Droite (territoires de Bassens, Lormont, Cenon et Floirac)
SPL Restauration du Blaisois (41)
SPL Erdre Cens Chezine Restauration Durable
PETR Nord Yonne
Lycée des métiers entre Meurthe et Sanon
Centre hospitalier de Dax
Centre de Développement de Võru (Estonie)
Structures associatives ou assimilées / ONG
Agores
La cellule wallone Manger Demain
Eating City
Ceinture Alimentaire Namuroise
Max Havelaar France
Terralim
Centre Lascaux sur les transitions
Mensa Civica (Espagne, association pilote nationale du programme SchoolFood4Change)
Acteurs économiques
Chambre d’Agriculture de Gironde
Groupementt d’agriculture biologique (GAB) Ile de France
Sustainable Gastro (organisme assurant le pilotage de projets européens dans la région baltique)
Réseau des GASAP (Belgique)
Solidaris Mutualité (Belgique)
SCOP Carte Blanche