Actualité Enseignement supérieur & recherche

VIES ÉTUDIANTES, INÉGALITÉS ET TERRITOIRES : QUELLES CONTRIBUTIONS DES COLLECTIVITÉS ?

À l’initiative du réseau des collectivités locales pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche (France urbaine, Association des Villes Universitaires de France, Intercommunalités de France, Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme, Villes de France et, pour la première fois, Régions de France), deux jours d’ateliers, plénières, visites et rencontres, organisés à Strasbourg les 15 et 16 mai, ont permis à 180 représentants des universités, des associations étudiantes ou des collectivités de mieux saisir et comprendre ce qui se joue localement dans la structuration des nouveaux liens entre étudiants et territoires, autour de la question : comment faire projet autour de la vie étudiante ?

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Sur ce thème en effet, le long cheminement vers l’autonomie rapproche les établissements d’ESR de leurs territoires respectifs et dessine les contours d’une nouvelle politique publique. 

L’essentiel de l’actualité de l’enseignement supérieur des années 2000 et 2010 a été focalisé sur l’autonomie des universités, la montée en puissance des dispositifs du PIA (Programme d’investissement d’avenir) et un rapprochement fort entre les établissements et les intercommunalités.

La crise sanitaire de la Covid-19 a participé d’un retour de l’étudiant à une meilleure visibilité, au cœur des débats et projets sur l’enseignement supérieur. Les initiatives nationales ou locales se sont en effet multipliées ces dernières années en faveur des étudiants, qu’il s’agisse de l’amélioration de leurs conditions de vie, y compris dans des situations d’urgence, ou de l’accompagnement à leurs différents engagements. 

L’État a engagé plusieurs démarches : instauration de la CVEC (Contribution vie étudiante et campus), réforme des bourses, mise en place de schémas directeurs de la vie étudiante et de dialogues territoriaux, réforme de la santé étudiante, restauration très sociale, ou lutte contre les VSS (Violences sexuelles et sexistes). Ces initiatives modifient les rôles des acteurs locaux, notamment des communes et intercommunalités.

Au niveau local, les collectivités, déjà très actives avant la crise sanitaire 2020-21 (surtout en matière d’accueil, logement, mobilité, accès à la culture et vie associative) ont renforcé leurs actions sociales (aide alimentaire, prévention santé, etc.), pour faire face à différentes précarités amplifiées et/ou rendues plus visibles ces 4 dernières années. Les inégalités infra-territoriales restent en effet fortes, voire croissent. 

Certaines grandes collectivités, comme l’Eurométropole Strasbourg, affichent leurs ambitions de politique en faveur des étudiants dans le cadre de délibérations cadres, élargissant l’approche et les interventions au- delà de l’argument de l’attractivité qui avait longtemps justifié les politiques locales de vie étudiante. Dans les agglomérations et les villes moyennes, les collectivités font le pari d’offrir un cadre de vie et des services à la hauteur de ce que les étudiants peuvent trouver dans les métropoles, mais dans un cadre de proximité et personnalisé. 

Les établissements prennent conscience de leurs responsabilités autant sur les grands campus que sur les antennes. Ils développent des coopérations inédites avec les collectivités locales, interlocutrices privilégiées sur le cadre de vie étudiant. Les étudiants, individuellement ou collectivement, s’engagent eux aussi, marquant une nouvelle relation à leur territoire d’études et construisant localement leur parcours de citoyenneté. 

Quelques points clefs à retenir des 2 jours d’échanges

  • La “vie étudiante” n’est pas une compétence au sens strict du terme, encadrée par des textes. Chaque territoire s’approprie le thème selon ses caractéristiques, son histoire, le poids de l’enseignement supérieur, etc. D’où des portefeuilles d’actions très hétérogènes d’un territoire à l’autre et des offres de services dont la qualité et l’intégration varient fortement d’une agglomération à l’autre ; d’où l’intérêt d’un haut niveau d’échanges entre acteurs, au travers de gouvernances dédiées.
  • Les inégalités entre étudiants sont réelles, et ce dès l’amont : les enfants de cadres supérieurs sont sur-représentés à l’université, 28 % des étudiants sont inscrits dans une filière qui n’avait pas leur préférence ; plus d’un quart d’entre eux assure rencontrer des difficultés financières (enquête de l’Observatoire de la Vie Étudiante auprès de 50 000 étudiants). En outre, une partie notable des étudiants est soumise à d’importantes discriminations.
  • Pour faire face à ces sources de précarités, l’initiative de l’intercommunalité est décisive : “nous ne sommes pas prisonniers de nos compétences” a indiqué François Grosdidier, maire de Metz et président de l’Eurométropole de Metz. “Tout ne répond pas de la loi et l’innovation territoriale doit être le levier principal d’un service public permettant de se rapprocher de l’égalité réelle”. Sa collectivité est l’une des premières à avoir positionné la vie étudiante comme un axe à part entière de sa stratégie d’enseignement supérieur : https://lc.cx/gy2BGt
  • Pour construire ces offres de services locales dédiées aux étudiants, les territoires ont besoin de données. Or, à ce jour, les enquêtes menées par l’Observatoire de la Vie Étudiante, si elles permettent de dresser un portrait complet des conditions de vie et des inégalités à l’échelle nationale, ne sont pas déclinables territorialement. Une invitation forte aux acteurs locaux à se doter d’outils partenariaux permettant d’identifier les caractéristiques locales de la précarité étudiante, à l’image du travail engagé par exemple sur la métropole de Rennes.
  • Comme a pu le souligner Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, la construction d’une “culture” de la vie étudiante au sein de la collectivité a été essentielle, autant que l’allocation de moyens humains et financiers dédiés et le regroupement de ces actions sous une même marque, “Strasbourg aime ses étudiants ”. Les dispositifs et acteurs sont en effet nombreux, le “non-recours” est élevé chez les étudiants et il est impératif de repartir du point de vue des bénéficiaires de l’action publique et de concevoir l’offre de services via une approche usagers : trop d’acteurs, volontaristes et généreux, déploient leurs propres services et dispositifs, leur mutualisation est indispensable via l’outil numérique. Cette clarification de l’accès à l’information peut prendre la forme d’un “guichet unique” comme le souhaite Caroline Zorn, vice-présidente de l’Eurométropole, chargée de l’enseignement supérieur et comme le déploie dans “La Fabrique ” l’agglomération du Grand Paris Sud, représentée par son vice-président Medhy Zeghouf. Un guichet ne peut pas en effet être exclusivement numérique : “rien ne remplace le contact”. Sous cet angle, nombreux ont été les intervenants qui ont souligné l’efficacité des dispositifs “de pairs à pairs”, qui mettent les étudiants en situation de détecter et accompagner ceux d’entre eux qui sont en difficultés. L’action historiquement exemplaire (101 ans…) de la fédération d’associations étudiantes strasbourgeoises, l’AFGES, a été présentée et saluée et sa présidente, Alexa Foulon, a souligné l’importance de la “culture de l’engagement” insufflée localement.
  • “Il n’y a pas une mais des vies étudiantes” a souligné un participant : l’échelle de proximité proposée par la mobilisation mutualisée des compétences communales et intercommunales, relayant et agrégeant les dispositifs proposés par les autres échelons d’intervention publique, apparaît comme la plus pertinente. C’est aussi cette dimension qui permet d’appréhender les différents temps de la vie étudiante et leur nécessaire synchronisation avec les temps de la ville : horaires des cours et amplitude de l’offre en transports, offre de restauration et créneau affecté à la pause méridienne, compatibilité du temps de travail des étudiants salariés avec celui de leurs études, etc… Des pistes de travail pour les prochains échanges du réseau ESR ? 
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