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AUDITION D’ÉRIC WOERTH À L’ASSEMBLÉE NATIONALE : DES AMBITIONS RÉELLES MAIS DES DOUTES À LEVER

Éric Woerth était auditionné devant la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale mercredi 27 mars dernier. L’occasion pour le député de l’Oise de présenter aux parlementaires, à défaut de résultats définitifs, les grandes orientations de la mission autour de la décentralisation. Éric Woerth rendra sa copie début mai au président de la République, avant une éventuelle traduction législative. Des pistes qui font écho aux propositions de France urbaine en matière de territorialisation de la planification écologique, mais qui invitent à la vigilance sur l’affirmation de l’action intercommunale comme Autorité organisatrice de la transition écologique solidaire (AOTES), défendue par l’Association. 

EricWoerth

Contractualisation et dotations unifiées : un pas vers une plus grande capacité d’investissement au service de la Transition écologique ? 

Éric Woerth a partagé devant les députés un constat cher à France urbaine : face au mythe du “jardin à la française”, il est important de rappeler que “ la table-rase et le chamboule tout, c’est bien pour les colloques ou pour les livres mais ce n’est pas pour la vraie vie […] la vraie vie [ce sont] des partages de compétences qui sont aussi des partages de vie”.  

Un constat qui impose donc de faire ensemble, et de faire vivre des lieux où se construit le projet partagé. Car au-delà d’une complexité souvent mise en avant et du débat récurrent sur la suppression de telle ou telle strate, la convergence des différents titulaires du mandat démocratique “peut se terminer sur un projet partagé, sur un tour de table financier, sur une vision de l’avenir parfois pendant 10 ans où on va investir sur tel ou tel type d’infrastructures”. 

C’est précisément cette philosophie qui guide les nombreuses propositions portées par France urbaine pour une réelle contractualisation, adossée à des engagements réciproques et des financements pluriannuels, qui doit permettre de relever les défis de la transition écologique.  

  • De l’opportunité à l’effet levier – France urbaine partage la volonté de circonscrire le recours aux appels à projets, qui non seulement mettent en concurrence mais ne provoquent que des décisions d’opportunité financière, sans jouer leur rôle d’effet-levier pour des projets ambitieux et structurants qui nécessitent une visibilité pluriannuelle, 
  • Approche globale, enveloppe globale – La volonté partagée de fusionner différentes sources de financement aujourd’hui en silos : France urbaine souscrit au principe d’une dotation unique pour la transition écologique, fusionnant les (trop) nombreux programmes de financement – Fonds vert, DSIL, FNADT… – dont l’architecture en silos ne répond pas au déploiement de stratégies urbaines intégrées. Et qui justifie l’attachement de France urbaine que le Fonds territorial climat, qui préfigure cette nouvelle modalité de territorialisation du Fonds vert, soit préservé et augmenté dans ses volumes, 
  • Accélérer l’Alliance des territoires par le contrat : le renforcement des contractualisations entre métropoles et territoires voisins est une ambition forte de France urbaine, qui l’avait porté dès 2016 dans le cadre du Pacte État-métropole : ce dernier prévoyait la conclusion systématique de contrats de coopération métropolitaine autour d’enjeux déterminés localement. France urbaine continuera de pousser, dans ce droit fil, pour des Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) dotées d’enveloppes globales et pluriannuelles, avec un volet obligatoire de coopération interterritoriale.


Systématiser le dialogue pour permettre la différenciation : faire primer le contrat sur le chef de filât
 

La différenciation, c’est la reconnaissance lucide des capacités et des apports de chacun à la trajectoire collective de transition écologique et solidaire. À ce titre, France urbaine ne peut que souscrire à la nécessité d’un dialogue renforcé entre métropoles et régions, qui portent chacune la responsabilité du développement économique de nos territoires. L’Association sera particulièrement vigilante aux analyses trop rapides qui verraient dans l’échelon régional le seul intervenant légitime en la matière.  

  • Non : la loi NOTRe n’a pas confié à la région l’exclusivité de la compétence économique mais elle a organisé et reconnu un binôme de fait entre agglomérations et région sur ce champ, et précisé des modalités de dialogue spécifiques en matière d’aides aux entreprises (qui ne constituent qu’une modalité très circonscrite de développement économique, l’enjeu premier étant de créer les conditions de l’accueil pour l’entreprise, ses salariés et leurs familles), 
  • Non : le chef de filât ne peut se substituer au dialogue et à la co-construction : à toute velléité de tutelle, à toute velléité de renforcer les capacités coercitives des régions (y compris en matière de SRADDET), France urbaine oppose la proposition d’Éric Woerth de s’assurer d’abord que le dialogue et la contractualisation, prévus par la loi, sont effectifs, visant à “faire participer les métropoles et les départements aux Contrats Plans État-Région (CPER)”.  

Comme l’a rappelé à juste titre le député, qui finance doit avoir son mot à dire : aujourd’hui, les territoires urbains sont surtout intégrés dans la discussion lorsqu’il faut compléter des lignes budgétaires ; demain, les modalités de co-construction avec les régions de stratégies d’investissement réellement collectives doit en effet être garantis.  

En toute logique, la participation des régions aux CRTE – qui doivent devenir de réels CPER métropolitains – en sera la contrepartie légitime. 

  • Une contractualisation utile avec les départements pour systématiser le dialogue sans imposer le contenu : le même raisonnement prévaut avec les départements, avec lesquels des synergies sont à renforcer et des stratégies différenciées à construire. 

Et plutôt que d’envisager un modèle unique qui ferait du département la collectivité des réseaux ou de la solidarité (ce que sont tout autant les grandes agglomérations et métropoles) – et ne manquerait pas de raviver des inquiétudes trop récurrentes sur le transfert aux intercommunalités de l’eau et de l’assainissement au 1er janvier 2026 – la piste avancée par Éric Woerth – l’obligation de contractualiser sur des intérêts partagés sans imposer le menu de la discussion – est une solution qui pourrait sembler plus adaptée et donc plus pertinente.   

A fortiori, et de manière particulièrement évidente, dans la perspective d’une “expérimentation jeunes” que France urbaine porte dans le cadre de la nouvelle génération de contractualisations métropolitaines de lutte contre la pauvreté.

Fait intercommunal et intégration métropolitaine : ne pas fragiliser l’intercommunalité à l’heure de la transition écologique et solidaire 

Si l’hypothèse d’une réduction du nombre de statuts de 4 à 2 – d’un côté communauté de commune et communauté d’agglomération ; de l’autre métropole et communauté urbaine – mérite réflexion, ce ne peut être que dans l’hypothèse où : 

  • elle n’est pas synonyme d’alignement par le bas, et de détricotage des intercommunalités dans leur degré actuel d’intégration : ce sera pour France urbaine une ligne rouge, et ce d’autant plus que les propos rassurants d’Éric Woerth sur la volonté de maintenir les niveaux d’intégration actuels restent entourées à ce stade de la mission d’un certain flou opérationnel,
  • elle contribue à systématiser et renforcer le dialogue nécessaire entre grandes agglomérations, régions et départements autour d’enjeux de cohésion sociale et de transition écologique (les métropoles se distinguant des communautés urbaines davantage par leur capacité de dialogue – même si cela n’est pas toujours respecté – que par leurs compétences stricto sensu). 

Ces pistes semblent ouvrir un espace de dialogue pour concrétiser la nouvelle responsabilité d’Autorité organisatrice de la transition écologique solidaire (AOTES) défendue par France urbaine. Cette philosophie vise à faire de tout acte de décentralisation à venir un acte de renforcement des capacités urbaines d’action face au réchauffement climatique et à ses conséquences sociales.

Parmi elles, l’enjeu des ressources propres pour mener à bien ces transitions reste majeure. À ce titre, la mission semble – à l’heure actuelle – s’éloigner des préconisations de la Cour des Comptes, qui priorisaient clairement la restauration d’une autonomie fiscale sur le bloc communal.

France urbaine sera attentive aux clarifications à venir sur ce champ, et dans un débat public qui a évolué : le postulat de départ du député, selon lequel toute innovation fiscale serait vouée à l’échec et qu’il faut donc “travailler dans l’enveloppe actuelle”, pourrait, à ce titre, être utilement nuancé par la teneur de nombreuses expressions publiques.

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