Actualité Politique de la ville

CIRCULAIRE RELATIVE À LA MIXITÉ SOCIALE DANS LES QUARTIERS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE : LES TERRITOIRES MIS LOURDEMENT À CONTRIBUTION ?

Le 18 décembre 2023 une circulaire a été publiée afin de cadrer les modalités d’une meilleure mise en œuvre de la mixité sociale dans les quartiers de la politique de la ville (QPV).

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Cette circulaire faisait notamment suite au comité interministériel de la ville du 27 octobre 2023 lors duquel l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne avait réaffirmé l’absolue priorité d’une meilleure mixité sociale dans les quartiers.

Cet objectif s’était notamment traduit par la volonté affichée de ne plus attribuer de logement sociaux au ménage relevant du Droit au logement opposable (DALO) dans les QPV, et de les orienter prioritairement hors des quartiers.

Mobilier les dispositifs face au constat d’échec

La circulaire fait un bilan objectif des facteurs qui ont contribué à “l’échec” de la mixité sociale : déplacement faible des ménages, portage politique complexe, dispositif d’attribution contre-productif, répartition inégalitaire des loyers dans le parc social, etc.

L’ensemble des dispositifs législatifs et expérimentaux est rappelé afin d’être mieux mobilisé par les préfets et les territoires : exemption du Supplément de loyer de solidarité (SLS) dans les quartiers, dispositif d’adaptation des loyers dans la pratique du conventionnement APL (clause de mixité sociale, interchangeabilité de l’occupation des logements financés en PLAI et en PLUS, politique des loyers dérogatoires avec fin d’expérimentation à mai 2024).
Point notable : le dispositif de “Nouvelle politique des loyers” (NPL) qui permet de redistribuer l’ensemble des loyers au sein du patrimoine d’un même bailleur sur un territoire en et hors QPV – et donc d’améliorer la compatibilité entre les ressources des ménages modestes, voire très modestes, et un logement hors quartier – est mis en avant.

La volonté est donc de recourir à l’ensemble des moyens disponibles pour rendre plus attractif le patrimoine des bailleurs sociaux en QPV auprès des ménages éligibles au PLUS, voire au PLS. Sans qu’elles soient nécessairement adaptées à tous les territoires, ces actions se mettent en œuvre sur des temps longs et que leur évaluation ne peut être que progressive et au fil de l’eau.

Une mixité sociale à la carte des territoires… Les EPCI en tête de pont ?

La circulaire prône la mise en place sur demande du maire d’une commission de coordination spécifique aux QPV tel que le prévoir l’article L 441-1-5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), dans le respect des modalités définies par la Convention intercommunale d’attribution (CIA) afin de désigner les candidats pour l’attribution des logements disponibles.

Si le dispositif peut en première approche paraître adapté aux configurations spécifiques des QPV, il n’en demeure pas moins qu’il pourrait être confusant vis-à-vis des Commissions d’attribution des logements et examen de l’occupation des logements (CALEOL) et de l’indispensable réflexion sur les attributions à l’échelle de l’intercommunalitéa fortiori dans le cadre de la mise en place de la gestion en flux depuis fin novembre 2023, qui vise notamment à ouvrir les propositions d’attributions dans un cadre plus souple et agile, tant pour les réservataires que pour les demandeurs.

La mixité sociale dans les QPV ne peut s’envisager dans un cadre territorial et partenarial restrictif

Le DALO géré de facto par les territoires et les bailleurs ? La circulaire demande aux préfets de ne plus désigner de candidats éligibles au DALO en situation de précarité sociale ou professionnel dans les quartiers (hors contingent fonctionnaires).

L’État est donc encouragé à prioriser le logement des ménages DALO modestes et/ou en situation d’emploi dans les QPV.

Concomitamment, les territoires, les bailleurs sociaux (dont Action Logement) qui participent également via leurs contingents au traitement des dossiers DALO, sont incités à “augmenter la part de logements attribués à des publics fragiles en dehors des QPV” sur les territoires les moins défavorisés.

Si l’intention originelle est louable – ce qu’ont pointé les élus et les membres de France urbaine lors du comité interministériel de la ville – ce double effet d’injonction au préfet et d’incitation pour les autres partenaires porte le risque que ce soient in fine les collectivités locales et les bailleurs qui y détiennent du patrimoine qui se voient dans l’obligation de traiter une part substantielle des dossiers DALO, notamment pour les ménages les plus modestes, les cas d’espèces avec impossibilité de reloger les ménages hors quartier risquant de se multiplier dans le contexte actuel de paupérisation des publics et de crise du logement social lié notamment à un turn-over et une production très faibles. 

Il convient donc de porter une vigilance tout à fait particulière sur le traitement des DALO, qui doit pouvoir rester une prérogative de l’État. 

À cet effet, la circulaire évoque une possible délégation de la gestion du contingent préfectoral auprès des bailleurs sociaux. Cette éventualité doit toutefois être envisagée dans le cadre de territoires menant, dès à présent, des politiques ambitieuses en matière de répartition des loyers et des plafonds de ressources sur l’ensemble du territoire intercommunal. Au demeurant, on pourrait imaginer que cette délégation de la gestion du contingent préfectoral se fasse également en direction des territoires compétents en matière d’habitat…

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