Actualité Finances et fiscalité

UNE COMMISSION DES FINANCES CONSACRÉE AUX PERSPECTIVES DE DIALOGUE FINANCIER ÉTAT/COLLECTIVITÉS

Les membres de la Commission Finances de France urbaine, réunie le 17 avril dernier, sous la co-présidence de François Rebsamen, maire de Dijon et président de Dijon Métropole et d’Arnaud Robinet, maire de Reims et du Grand Reims, ont priorisé leurs travaux sur le contexte de dégradation des finances publiques globales et ses conséquences potentielles pour les grandes villes, grandes communautés et métropoles. Un débat qui a bénéficié de la participation de Jean-François Husson, sénateur de Meurthe-et-Moselle et rapporteur général du budget.

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C’est un constat d’étonnement, et même d’incompréhension qu’ont partagé les participants : comment se fait-il que 2 mois seulement après la promulgation de la Loi de finances pour 2024 (LFI 24) et de la Loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2023-2027 (LPFP 2023-2027)  les finances de l’État s’éloignent à ce point du cap fixé qu’un décret d’annulation de 10 Md€ de crédit (en date du 21 février dernier) ait été nécessaire ? Comment s’expliquer alors que ce contexte justifie un débat démocratique que seul l’examen d’un projet de loi de finances rectificatif pourrait satisfaire, le Gouvernement ait confirmé qu’il procèderait au moyen de “gels et surgels de crédits”, lesquels se matérialisent par de simples instructions écrites de Bercy ne faisant pas l’objet de publication au Journal officiel (J0) ?

Pour autant, le sénateur Jean-François Husson a rappelé que les légitimes critiques sur la méthode ne devaient pas masquer le sujet de fond, à savoir une détérioration alarmante des grands équilibres. Et qu’étant donné les imbrications de flux budgétaires entre l’État et les collectivités, ces dernières ne pouvaient s’autoexclure de l’effort de rétablissement.

Mais être partie prenante d’un effort ne saurait signifier être considéré comme des boucs émissaires, ni conduire à devoir supporter une charge non proportionnée.

Rappel des faits

À cet égard, le rapporteur général du budget a rappelé qu’il était essentiel de discuter sur le fondement de données factuelles et de chiffres indiscutables, parmi lesquels :

  • s’agissant du déficit tout d’abord. Certes les collectivités affichent un besoin de financement de 5,5 Md€. Mais les raisons de ce solde légèrement négatif pour 2023 (-0,2 % du PIB) sont plus conjoncturelles que structurelles. Il s’explique (du côté des recettes) par un recul du produit des DMTO (- 23 %), encore plus fort que ce qui était craint, une dynamique du produit de TVA (+ 1,8 %) inférieure à l’augmentation nominale du PIB et, du côté des dépenses, par une bonne exécution des budgets d’investissement (+ 7,8 % pour le bloc communal), ce dont il y a tout lieu de se féliciter par ailleurs. De surcroît, ce besoin fait suite à 4 années au cours desquelles les collectivités ont dégagé une capacité de financement (notamment + 3 Md€ en 2022 et + 4,5 Md€ en 2021),
  • s’agissant de la dette ensuite. Fin 2023, la dette locale s’élevait à 2 076 Md€, soit 7,4 % contre 205,3 Md€, soit 7,8 % du PIB un an plus tôt (quand on déduit le solde excédentaire du compte au Trésor, l’endettement local ne représente que 5,4 % fin 2023, contre 6,3 % fin 2017). Surtout on ne rappellera jamais assez que l’agrégation de la dette des collectivités à la dette de l’État (dans le Programme de stabilité, dans la LPFP, etc.) est un non-sens absolu : la première concourt à préparer l’avenir, la seconde vient combler un déficit de fonctionnement,
  • s’agissant des dépenses enfin. Rapportées au PIB, les dépenses des collectivités locales sont, dans un contexte d’accroissement de l’offre de services publics locaux, restées stables au cours des 10 dernières années : 11,5 % en 2010 et 11,2 % en 2022. Et les premiers éléments pour 2023 montrent que, s’agissant des grandes villes et des grands EPCI, le procès en incapacité à respecter la trajectoire de la loi de programmation est a minima prématuré.

Les collectivités, en première ligne pour accélérer les investissements en faveur de la transition écologique

Aussi, si les collectivités font partie d’un même ensemble que l’État et se doivent, à ce titre, de participer à la solidarité nationale, il s’agit de ne pas leur faire porter la charge d’une mauvaise gestion de la séquence par le gouvernement. D’autant que, Jean-François Husson l’a également rappelé, elles sont en première ligne pour accélérer les investissements en faveur de la transition écologique.

Les membres de la Commission ont, par ailleurs, appelé de leurs vœux le fait qu’il soit mis un terme à la communication simpliste, selon laquelle les dépenses d’investissements étaient, par essence, vertueuses et les dépenses de fonctionnement toujours surdimensionnées : l’effort d’investissement se répercute nécessairement sur les dépenses locales de fonctionnement et rend caduc tout débat concluant à les opposer. De plus, les dépenses de fonctionnement intègrent notamment des charges qui sont au cœur du “contrat social”, et qui sont rendues, d’autant plus nécessaires, que s’accroit la détresse sociale au cœur des agglomérations.

Un consensus s’est dégagé du débat : il faut passer d’une logique d’addition de mesures ponctuelles à la co-production d’une vision d’ensemble. Or, à cet égard, il subsiste “un double problème de cadre et de méthode”. Autrement dit, à la crise des finances publiques, s’ajoute le problème d’une gouvernance archaïque des relations financières entre l’État et les collectivités (les cadres dits de concertation sont des espaces où l’information reste très descendante et non pas des espaces de négociations entre les parties).

Pour les membres de la commission, ce n’est pas tant la légitimité d’une association des collectivités au redressement des comptes publics qui doit être interrogé mais l’absence de véritable cadre de négociation. Car il ne serait être question d’engagements à sens unique : il peut s’agir d’effort, mais il doit tout autant s’agir de délier les mains des grandes villes et agglomérations.

Vers une pratique de donnant/donnant entre l’État et les collectivités

Passer d’une pratique de diminution unilatérale de ressources qui infantilise les collectivités et déresponsabilise l’État à une pratique de donnant/donnant, de “deal entre majeurs” : telles est l’ambition. Pourquoi s’interdire de penser que la perspective de contrainte (budgétaire) ne soit pas aussi une perspective d’avancées sur des dossiers tels que, par exemple :

  • le déplafonnement du versement mobilité,
  • la fusion des taxes existantes concernant la sous-occupation du logement au bénéfice des exécutifs locaux,
  • la pleine transparence et le partage intégral des données mises en œuvre pour la révision des valeurs locatives, etc.

Pour un accès à la donnée

L’accès à la donnée reste une demande constante de France urbaine. Dans un contexte de tension budgétaire, la rigidification du dialogue entre État et collectivités porte atteinte à l’efficacité de l’action publique.

Dans un contexte de multiples crises et de lutte contre le réchauffement climatique, on observe une montée en charge des missions portées par les collectivités : le logement (lutte contre la raréfaction du logement de longue durée), les déplacements (mise en place des ZFE), l’urbanisme (ZAN), etc. Cette montée en compétence ne s’accompagne pas toujours par le partage de la donnée, alors que c’est pourtant nécessaire pour mener les politiques afférentes en toute responsabilité. Il s’agit désormais de s’atteler plus efficacement à limiter la rétention d’information de la part de l’État vers les collectivités.

France urbaine défend de longue date un partage de l’effort en responsabilité : la mise en œuvre d’une action publique commune doit s’accompagner de la transmission de l’information.

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