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Finances et Fiscalité
Activité parlementaire

PLF : Un texte frileux face à l’urgence écologique et la place que doivent y prendre les grandes villes et agglomérations

28/09/2022

Le débat parlementaire doit être l’occasion de rectifier le tir.

Le projet de loi de finances pour 2023 et le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 ont été présentés en Conseil des ministres le 26 septembre 2022. Pour France urbaine, si la planification écologique est entendue comme l’enjeu majeur à l’horizon du quinquennat, cela ne se reflète pas dans ce premier budget, ni dans les intentions affichées, ni dans les montants proposés. L’association regrette que le Projet de loi de finances ne soit pas plus volontariste et appelle à ce que l’ambition de la France soit à la hauteur de celle fixée par l’Europe. Le débat parlementaire doit être l’occasion de rectifier le tir. Les élus de France urbaine ont eu l’occasion de le dire à la Première ministre lors d’une rencontre le 27 septembre dernier.

Dépenses de fonctionnement : attention à ne pas sanctionner les collectivités les plus engagées

Dans les projets de loi de finances, plusieurs mesures concernent les collectivités : la stabilité en valeur des dotations de l’Etat, qui ne sont donc pas indexées sur l’inflation ou les nouvelles mesures d’encadrement des dépenses de fonctionnement, qui prennent la suite des contrats de Cahors. Les collectivités devront veiller collectivement à ce que leurs dépenses de fonctionnement exécutées en 2023 ne progressent pas plus que l’inflation diminuée de 0.5% . Si la cible est collectivement dépassée (la mesure se fera en 2024), alors des réductions individuelles de subventions d’investissement seront faites. Le projet de loi prévoit que celles-ci ne s’appliquent qu’aux plus grandes collectivités (celles dont le budget de fonctionnement est supérieur à 40 millions d’euros), c’est à dire uniquement celles qui auront justement le plus d’investissement à faire pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.

Le « Fonds vert », une ambition louable aux contours à préciser

Il est également à noter la mise en place du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, aussi appelé « Fonds vert », d’un montant d’1,5 milliards d’euros. Ce « Fonds vert » viserait notamment à soutenir la performance environnementale des collectivités (rénovation des bâtiments publics des collectivités, modernisation de l’éclairage public, valorisation des biodéchets...), l’adaptation des territoires au changement climatique (risques naturels, renaturation) et l’amélioration du cadre de vie (reconversions des friches, mise en place de Zones à Faibles Emissions…).
 
Le PLF prévoit aussi que 25 % de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) soit dédiés à financer des « projets concourant à la transition écologique ».
 
France urbaine a indiqué à la Première ministre que si ce premier geste était à saluer, la façon dont ces fonds seront distribués devra être précisée. Le souhait des territoires urbains est :

  • d’accélérer et de massifier l’investissement collectif dans la transition écologique, sur un mode contractuel et autour d’objectifs partagés en donnant une réalité financière aux « contrats de transition écologique » par l’abondement par l’Etat d’une enveloppe globale, fongible et pluriannuelle ;
  • de globaliser les crédits déjà prévus, notamment le fonds verts et la DSIL (qui aujourd’hui n’irrigue que très faiblement les territoires urbains), sur l’ensemble des opérations y figurant et non opération par opération ;
  • de faire en sorte qu’à terme chaque ministère souhaitant contribuer à nos projets puisse participer sans de coûteux et inutiles processus d’appel à projet ;
  • d’inclure dans ces contrats un volet partenarial avec les territoires voisins, favorisant ainsi l’Alliance des territoires.

Suppression de la CVAE

Autre mesure majeure du Projet de loi de finances : la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) échelonnée sur 2023 et sur 2024, soit 4 milliards d’euros par an. Celle-ci serait compensée par l’attribution d’une fraction de TVA, y compris dans sa partie « dynamique ». Les échanges en amont auront au moins permis de partager les raisons pour lesquelles cette suppression est pour le moins anachronique, en effet :

  • La CVAE, qui n’est pas un impôt de production, est une ressource financière majeure pour les intercommunalités, leur permettant d’investir pour accueillir des entreprises et développer des services essentiels à leur attractivité ;
  • La critique de la fiscalité économique locale n’est pas portée localement par les chefs d’entreprises. Elle ne l’est que par certaines de leurs fédérations nationales. Dans nos grandes agglomérations, les chefs d’entreprises privilégient le lien fiscal pour fonder leurs attentes à l’égard des collectivités et leurs priorités portent sur l’accès aux services urbains en matière de mobilité, de parc de logement et notamment d’adaptation au réchauffement climatique ;

Et surtout, supprimer la CVAE représente une perte directe pour les finances de l’Etat de l’ordre de 7 à 8 milliards d’euros chaque année. C’est autant d’endettement supplémentaire et/ou de renoncement à des politiques publiques nationales et/ou d’encadrement de la dépense des collectivités locales. Ce sont surtout autant de ressources qui manqueront aux investissements nécessaires à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique au moment où les travaux en cours menés par I4CE estiment à 10 milliards chaque année les montants qui devront y être consacrés par les collectivités locales pour tenir nos engagement climatiques.
 

Crédit photo : Eric Tschaen/ REA