L'Europe doit reconnaître l'alimentation comme secteur stratégique

Les territoires jouent un rôle central dans la transition et la résilience alimentaires. Leur capacité d’action doit être renforcée par une révision des approches de l’Etat et de l’Europe.
Transition, résilience, souveraineté alimentaire : les difficultés rencontrées par les chaînes logistiques traditionnelles pendant le confinement ont attribué une place centrale à ces notions dans le cadre des politiques publiques de l'ère Covid. France urbaine promeut depuis des années une alimentation territoriale plus durable, et compte renforcer son action dans ce domaine. Son conseiller en charge des stratégies alimentaires territoriales, Kader Makhlouf, a expliqué à La Tribune les principaux enjeux des mois à venir pour les territoires.
La crise liée au Covid a remis l'accent sur la nécessité de renforcer la souveraineté alimentaire nationale. Quel rôle peuvent jouer les territoires ?
KADER MAKHLOUF - La crise l'a prouvé : les grandes villes occupent une place essentielle dans le système alimentaire, qui doit être confortée davantage. Elles sont les premiers pôles de consommation. Elles ont donc une vision globale de l'alimentation, dans toutes ses étapes, de la production au recyclage des déchets, en passant par l'approvisionnement et, justement, par la consommation. Elles représentent également un acteur central dans la lutte contre la précarité alimentaire, qui est en train de s'aggraver, puisque c'est dans les territoires urbains que vivent deux tiers des personnes les plus pauvres en France. Et elles constituent un maillon central de la relation entre espaces urbains, péri-urbains et ruraux. La transition alimentaire ne peut donc pas se faire sans les villes.
De nombreux facteurs de la résilience locale dépendent néanmoins de réglementations en discussion au niveau national, voire européen. Quels sont les principaux rendez-vous que les instances locales doivent avoir à l'esprit ?
Beaucoup de leviers peuvent être mobilisés et sont déjà utilisés à l'échelle locale : en matière de restauration scolaire, de foncier agricole, d'actions d'éducation et de sensibilisation, de lutte contre la précarité… Mais si on veut aller plus loin et accélérer le mouvement, c'est vrai que l'action locale dépend aussi de ce qui peut être fait, ou par l'Etat, voire par l'Union européenne. Au niveau national, les échéances à suivre avec attention sont nombreuses : la traduction législative des nombreuses mesures en matière d'alimentation de la Convention européenne pour le climat ; la redéfinition de certains financements publics, très importants pour soutenir les stratégies alimentaires territoriales ; l'affinement du plan de relance français ; la négociation en cours entre l'Union européenne, l'Etat et les régions sur les fonds structurels européens pour la période 2021-2027 ; ainsi que le débat sur la nouvelle Politique agricole commune (PAC).