Les communes touristiques privées de leur taxe sur les logements vacants

France urbaine propose une simplification fiscale conduisant à créer une taxe unique sur la sous-occupation de logements.
Logements vacants : quelles taxes existent ?
Il existe actuellement deux taxes sur les logements vacants en France. L’une, la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) est une taxe locale, facultative, qui rapporte 80 millions d’euros par an aux communes ou intercommunalités de territoires considérés comme « non tendus » par l’Etat. L’autre, la taxe sur les logements vacants (TLV) est un impôt d’Etat en vigueur dans les communes qu’il considère tendues, historiquement affecté au budget de l’Agence nationale de l’habitat mais qui alimente le budget général de l’Etat à hauteur de 90 millions d'euros par an.
Pour une simplification fiscale
En amont de la présentation du projet de loi de finances pour 2023, France urbaine a longuement échangé avec l’Etat et plusieurs parlementaires sur une possible fusion de ces deux dispositifs, ainsi que de la taxe d’habitation résiduelle (résidences secondaires et autres locaux meublés affectés à l’usage d’habitation, hors résidences principales), à des fins de simplification et d’harmonisation fiscale. De nombreux arguments avaient été partagés, reprenant pour partie les conclusions de divers rapports récents sur la fiscalité locale qui formulaient la même proposition (Richard-Bur, Rebsamen, Conseil des prélèvements obligatoires).
Repoussant (sans convaincre) cette proposition, le gouvernement a néanmoins fait le choix d’intégrer à la version du projet de loi de finances sur laquelle il engage sa responsabilité deux amendements consacrés à la fiscalité des logements vacants et résidences secondaires. D’une part l’amendement 3158, devenu l’article 9 ter, qui vise à augmenter les taux de taxe sur les logements vacants de 25 à 34 % et d’autre part l’amendement 3324, devenu l’article 9 bis, qui vise à augmenter le périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants.
L’opportunisme de Bercy
Hélas, ces deux amendements donnent l’impression fâcheuse d’un certain opportunisme de la part de Bercy : avec le prétexte d’ouvrir aux communes touristiques la possibilité de majorer l’imposition des résidences secondaires sur leur territoire, l’article 9 bis n’entraîne ni plus ni moins que la nationalisation de la THLV sur les communes concernées. Ainsi, ce que les communes touristiques gagnent d’un côté en majorant les résidences secondaires, elles le perdent de l’autre en n’ayant plus de fiscalité sur les logements vacants. Pour une commune comme Le Gosier, en Guadeloupe, c’est ainsi 2,2 millions d’euros de recettes fiscales à rendre à l’Etat ; 1,4 million d’euros pour Rouen ; 1,3 million d’euros pour Nîmes ; 946 000 euros pour Reims ; 918 000 euros pour Avignon ; 755 000 euros pour Dijon.
Au demeurant, il n’est pas évident que ce que propose l’Etat, en donnant le choix entre le maintien de la taxe d’habitation sur les logements vacants et l’instauration de la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, soit financièrement très intéressant, comme en témoignent les comparatifs suivants :
- Nantes, 757 000 € de majoration THRS en 2021 (2,4 € par hab) vs Rennes, 695 000 € de THLV (3,1 € par hab)
- Arles, 206 000 € de majoration THRS en 2021 (4 € par hab) vs Valence, 244 000 € de THLV (3,7 € par hab)
- Toulouse, 1 000 000 € de majoration THRS en 2021 (2,1 € par hab) vs Montauban 209 000 € de THLV (3,3 € par hab)
- Montpellier, 987 000 € de majoration THRS en 2021 (3,4 € par hab) vs Narbonne 248 000 € de THLV (4,4 € par hab)
Par ailleurs, s’agissant des 29 EPCI et 63 Syndicats qui perçoivent la taxe d’habitation sur les logements vacants, il s’agira pour eux d’une perte sèche, dès lors que la majoration de taxe d'habitation sur les résidences secondaires ne s’applique que sur la part communale. C’est ainsi 280 000 euros qui disparaîtraient pour la communauté d’agglomération de Quimper ou la Métropole Rouen Normandie.
La décentralisation mise à mal
En augmentant le taux et le périmètre de la taxe sur les logements vacants, le gouvernement renationalise de fait un impôt local, à rebours de tout principe de décentralisation, et multiplie par deux le rendement de cette taxe, sans que cette dynamique ne contribue en rien à la lutte contre la vacance des logements, un phénomène qui grandit chaque année en dépit de la crise du logement et des efforts des élus locaux pour assurer à tous une résidence principale, notamment aux travailleuses et travailleurs modestes ou saisonniers.
Eu égard à ces développements post 49.3, France urbaine persiste à proposer une simplification fiscale conduisant à créer une taxe unique sur la sous-occupation de logements, portant sur tout logement qui n’est pas une résidence principale (vacant, résidence secondaire, meublé de tourisme...), dont le taux et, le cas échéant, la majoration, seraient à la main des élus, en responsabilité devant leurs administrés.