France urbaine entend faire de la médiation numérique un marqueur politique fort des prochaines années

France urbaine, Intercommunalités de France et Les Interconnectés ont rencontré le ministre délégué au numérique sous fond d’interrogations sur le financement de l’inclusion numérique.
Les co-présidents de la commission « Numérique et innovation » commune à France urbaine, Intercommunalités de France et Les Interconnectés ont rencontré, le 10 octobre 2022, le ministre délégué au numérique, Jean-Noël Barrot. A cette occasion, Jacques Oberti, président du SICOVAL, et Bertrand Serp, Vice-président de Toulouse Métropole en charge de la transition digitale, ont rappelé la feuille de route et le positionnement de la commission, portant sur des contributions en matière de médiation numérique, comme le Manifeste « Agir face à l’urgence de l’illectronisme » - et plus largement de numérique responsable, avec le Manifeste « pour des territoires numériques responsables ».
Numérique : des élus actifs et force de propositions
L’association Les Interconnectés avait donné à voir, à l’occasion du Forum des Interconnectés, en mars 2022 à Nantes, la mobilisation des associations d’élus du bloc local sous la bannière « La Belle Alliance », déclinant un ensemble de propositions « Pour réussir la transformation du numérique responsable dans les territoires ». Le 13 septembre 2022, La Belle Alliance récidivait par la publication d’une tribune dans Le Monde, qui précise derechef l’enveloppe sociale et citoyenne qui doit être celle du numérique, avec une dématérialisation à assortir de ressources physiques et de proximité, dans la logique d’égalité d’accès aux services publics. « Il est urgent de penser un numérique sobre et de garantir une alternative humaine au numérique pour tous les services publics, de sanctuariser des espaces physiques d’accueil, de rétablir les plates-formes téléphoniques. La dématérialisation se fait au service du citoyen dès lors qu’elle est raisonnée », argue-t-elle.
La commission « Numérique et innovation » avait justement préparé ces éléments en conviant en juin 2022 la commission « Solidarités, lutte contre les inégalités et la pauvreté » de France urbaine, co-présidée par Mathieu Klein, Maire de Nancy, président de la Métropole du Grand Nancy et Florence Thibaudeau-Rainot, Adjointe au Maire du Havre, en associant Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la Défenseure des Droits, et Michel Lansard, référent numérique d’ATD Quart Monde. Des échanges et une convergence de fond qui appelaient à un nouvel élan politique et social en matière d’exclusions numériques, dans le prolongement du rapport de la Défenseure des droits, Claire Hédon, qui évoque une « maltraitance institutionnelle », tandis que les 35 propositions du think tank « Le Sens du service public » publiées ces derniers jours appuient l’urgence sociale de l’illectronisme.
Lutter contre le non-recours et l’accès aux droits : des choix décisifs ces prochaines semaines
Ces interpellations concordent avec une séquence décisive pour le fonctionnement et la coordination de la médiation numérique, avec en toile de fond des logiques de gouvernance et de financement à arbitrer : les décisions de l’exécutif ces prochaines semaines traduiront le choix de société afférent à l’accès aux services publics et aux démarches administratives, dans un contexte de lourdes précarités.
Les enjeux sont connus : préciser la gouvernance de la médiation numérique et l’articulation des acteurs mobilisés, tout en dégageant une visibilité financière à long terme, en mesure de sécuriser les financements dédiés, en partie aux médiateurs numériques. Une enveloppe de 250 millions du Plan de relance a permis le recrutement de 4 000 « Conseillers numériques France Services » (CnFS) pour deux ans, avec des marges de progression désormais identifiées (délimitation des périmètres d’actions, formation, précarisation du statut…), mais dont la logique épousait bien l’urgence de mailler de pallier au manque important de moyens humains et de financement de l'inclusion numérique, constaté uniformément sur l’ensemble des territoires.
Et maintenant ?
L’illectronisme est plus que jamais d’actualité, conséquence de la dématérialisation rapide des démarches administratives et des services publics sans plan d’accompagnement d’ensemble. C’est avant tout à une coordination et une gouvernance locale qu’il faut rapidement travailler, en lien avec l’expérimentation portée par Les Interconnectés des « Coordinations territoriales de l’inclusion numérique » (CTIN) qui porte ses fruits : Maisons France Services, CCAS, mairies sont autant de structures d’accueil qui dialoguent et participent à la lisibilité territoriale visant à affermir le « qui fait quoi ». Ce modèle induit une mobilisation forte des collectivités, en tant que chef de file de cette structuration territoriale qui associe les acteurs de la solidarités, tissu associatif compris.
France urbaine alerte justement sur la tentation d’externalisation des compétences et des champs d’actions des collectivités locales, d’autant plus sur le champ de la solidarité. En matière de médiation numérique, il revient en effet à la puissance publique de piloter la coordination et la mise en œuvre des politiques afférentes : la mise en place de « structures employeuses » traduirait une nouvelle externalisation au bénéfice de structures associatives ou privées, essentielles à l’effort de médiation numérique mais à positionner en appui et en lien direct avec un projet de territoire porté par la collectivité. En outre, il y a la nécessité d’outiller les collectivités, de leur fournir de l’ingénierie pour les accompagner dans la définition et l’organisation d’une stratégie locale d’inclusion numérique consolidée.
Le financement est également au cœur des préoccupations : les annonces de l’exécutif convergent vers un engagement financier de l'État à hauteur de 72 millions d'euros l'an prochain pour les conseillers numériques, entre les contrats engagés et ceux à venir. Une somme insuffisante, qui pose la question de la reconduction des 4.000 médiateurs numériques, alors que le ministre chargé de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guérini, a exprimé le 27 septembre 2022 à Lens, dans le cadre de l’événement « Numérique en commun » (NEC), le souhait « d’atteindre les 20.000 aidants numériques durant ce quinquennat ». La question du désengagement financier de l’Etat se pose, alors que le reste à charge ne saurait être porté par les collectivités locales, dont les latitudes budgétaires et fiscales sont plus que jamais contraintes.
Ces enjeux figureront au cœur des échanges du Conseil nation de la refondation (CNR) dédié au numérique, annoncé pour ces prochains jours.