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Economie des territoires

« Dark stores » : France urbaine appelle à un véritable débat de société

12/06/2022

L'implantation anarchique des dark stores dans les grandes villes nécessite un véritable débat sur nos modes de consommation, de distribution et sur les outils de régulation des collectivités.

Depuis deux ans, le secteur de la livraison rapide voire « instantanée » se développe de manière rapide et anarchique dans les grandes villes françaises et européennes. L’expansion des « dark stores », appelés aussi « commerces fantômes », met en évidence l’absence de débat sociétal, au niveau national et local, sur les modalités et l’impact des formes installées et émergentes du e-commerce dans les grandes villes. Dans un courrier adressé le 1er juin 2022 au Ministre Bruno Le Maire, France urbaine sollicite l’appui du gouvernement pour mieux réguler et encadrer l’activité de ces entrepôts où sont préparées les commandes express passées sur Internet.

Les dark stores, une implantation non contrôlée

Plusieurs métropoles et agglomérations ont alerté France urbaine au second semestre 2021 sur l’apparition et l’implantation non contrôlées en centres-villes de surfaces d’entreposage destinées à la livraison à domicile, appelés « dark stores ». En 2022, 150 dark stores sont comptabilisés en France, dont les trois quarts sont installés en Ile-de-France. Ces premières interpellations ont principalement trait aux nuisances provoquées par ces implantations : livraisons en poids-lourds, stationnement sur les trottoirs, comportement des livreurs à vélo, gestion des déchets.
Les collectivités concernées pointent également la déqualification des linéaires commerciaux, la dévalorisation des surfaces commerciales riveraines et l’impact sur l’offre commerciale de proximité. Pour France urbaine, l’incomplétude des outils de régulation publique de la logistique urbaine est mise en évidence par ce phénomène.
Les métropoles concernées (Paris, Lyon, Lille, Nice, Nantes…) pointent également des implantations réalisées majoritairement sans déclaration et souvent en contradiction avec les dispositions du Code de l’Urbanisme ou du Plan local d’urbanisme (PLU). En effet, les opérateurs se qualifient de commerces pour échapper à certaines obligations alors que la destination majoritaire de leur activité reste l’entreposage (souvent interdit dans les pieds d’immeubles).

Quelles marges de manœuvre pour les collectivités ?

France urbaine rappelle que chaque changement de destination d’un local, notamment de commerce en entrepôt, suppose déclaration. Les Plans locaux d’urbanisme ont intégré ces dernières années de nouvelles dispositions (zones protégées, linéaires commerciaux, façades ouvertes, impact sur les mobilités, saisine de l’ABF…) qui doivent être respectées par tous.
Les collectivités disposent d’outils leur permettant de faire respecter le droit : PV, astreintes administratives, saisine du procureur pour les travaux non déclarés. Les territoires urbains disposent également de réglementations sur la vente d’alcool à emporter, sur les ouvertures dominicales, sur le stationnement, sur les occupations du domaine public, sur la gestion des déchets et qu’ils se dotent de dispositifs de gestion et d’encadrement de la logistique urbaine, auxquels les opérateurs de dark stores doivent eux aussi se plier.

Des arbitrages clairs attendus

France urbaine avait déjà fait part à l’Etat de la nécessité de se pencher sur la question. En décembre 2021, l’association évoquait l’enjeu dans sa contribution aux Assises du Commerce, lancées par le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire. Cette interpellation est restée sans suite. Seule la publication récente d’un guide technique à l’attention des collectivités a permis de lever quelques interrogations juridiques en confirmant la qualification de ces « dark stores » en entrepôts, sans toutefois lever certaines ambiguïtés qui permettent aux opérateurs de passer outre les prescriptions des documents d’urbanisme.
France urbaine souhaite que, sur la base des positions et propositions issues des Assises du Commerce, ce débat soit relancé et fasse l’objet d’arbitrages clairs par le gouvernement et les collectivités. L’association se rendra disponible, avec ses partenaires, pour participer à ce débat. Ce sera l’occasion de réitérer le soutien de France urbaine aux dispositions qui permettraient :

  • une meilleure information du consommateur sur son acte d’achat en ligne (propriété des données, empreinte carbone du clic d’achat, coût réel de la livraison, choix entre les modes de livraison, soutien aux points-relais…) ;
  • une plus grande équité fiscale entre les opérateurs physiques et digitaux du commerce ;
  • une attention accrue sur les conditions sociales proposées par les employeurs et leur impact sur la précarité des livreurs.

Aussi, France urbaine sollicite du Gouvernement son appui technique et juridique permettant aux territoires qui le souhaitent de mieux réguler et encadrer ces activités, via notamment les Plans locaux d’urbanisme. Il s’agit notamment d’actualiser le décret du 10 novembre 2016 recensant les différentes destinations et sous-destinations et qui n’intégrait pas les entrepôts et activités de type dark stores et dark kitchens. France urbaine veillera à ce qu’une clarification du droit ne génère pas de nouveaux blocages pour l’organisation de dispositifs raisonnés de logistique urbaine.

France urbaine appelle à un véritable débat de société

France urbaine souhaite que l’Etat se tienne aux côtés des collectivités et rappelle publiquement que la créativité économique ne suppose pas de s’affranchir du respect de la loi. Cela s’applique également aux « dark kitchens », dont le développement rapide ne va pas sans poser, en outre, un certain nombre de questions d’hygiène et de sécurité. L’association invite ses collectivités adhérentes à se prémunir contre les implantations « sauvages » ou contrevenant aux dispositions locales d’urbanisme.
Ces « dark stores » sont une nouvelle déclinaison des formes commerciales issues de la digitalisation et de la désintermédiation qu’elle provoque. L’expansion de ces « commerces fantômes » met en évidence l’absence de débat sociétal, au niveau national et local, sur les modalités et l’impact des formes installées et émergentes du e-commerce dans les grandes villes. Ces bouleversements sont subis par les territoires et nécessitent un véritable débat sur nos modes de consommation et de distribution ainsi que sur les outils de régulation à la disposition des collectivités.
Sur la base de ce débat national proposé à l’Etat par France urbaine, l’association proposera à ses collectivités adhérentes d’organiser des débats au niveau local afin de recueillir l’avis des acteurs locaux, des citoyens, et de rappeler le leadership des communes et intercommunalités sur ces questions.
 

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