Coûts de l'énergie : pourra-t-on faire du sport cet hiver dans les grandes villes ?

France urbaine a sondé ses collectivités adhérentes pour mesurer les répercussions de la crise énergétique sur l’ouverture des équipements et la gestion des budgets sportifs.
Fermeture d’équipements sportifs : les territoires urbains alertent
La crise énergétique aura-t-elle bientôt raison de l’ouverture des équipements sportifs ? France urbaine a lancé une enquête auprès de ses collectivités adhérentes afin de mesurer les répercussions de la crise énergétique sur les équipements et budgets sportifs, alors que planent des risques de fermeture temporaire d’équipements sportifs reconnus parmi les plus énergivores.
En l’état, la crise énergétique a-t-elle des conséquences sur la fermeture partielle des équipements sportifs sur les territoires ? A chaque territoire sa configuration : 2 collectivités sur trois enquêtées conviennent du maintien de l’ouverture des équipements sportifs du territoire, en alertant néanmoins du caractère précaire et fragile des décisions, tributaires de l’évolution de la crise énergétique et des mesures prises aux niveaux national et européen. Si la plupart des équipements sportifs restent pour le moment ouverts, la perspective d’une fermeture doit néanmoins être prise au sérieux par les pouvoirs publics.
Les piscines, premières concernées
Ces fermetures, totales ou partielles, concernent prioritairement les piscines. Cette logique se joue en réseau, sur une maille métropolitaine et selon des configurations qui impactent le moins possible les usagers : la collectivité peut décider de la fermeture d’une piscine, tout en donnant de la visibilité aux usagers sur les alternatives possibles, dans une logique de bassin de vie.
Les réflexions sur la diminution des périodes d’ouverture des piscines communautaires s’appréhendent également dans une configuration globale et propre à l’ensemble des équipements d’un territoire donné. Il s’agit, là encore, d’éviter tout rupture d’égalité d’accès aux équipements sportifs. La baisse de 1 ou 2 degrés des températures de l’eau et de l’air demeure le principal levier d’actions, commun à l’ensemble des collectivités sondées. D’autres mesures ont été prises ou sont en cours de discussion dans une majorité de grandes villes, agglomérations et métropoles, comme la restriction des créneaux horaires pour les gymnases et les terrains de plein air ou la réduction des éclairages. La plupart de ces mesures émane directement des recommandations du ministère des Sports, exprimé dans le cadre du « Comité de suivi – Plan sobriété énergétique » où siège France urbaine.
Sauvegarder les activités physiques et sportives, une priorité
France urbaine s’est largement engagée sur ce dossier depuis la rentrée afin de préserver la continuité du service public sportif. Une première réunion, organisée le 18 octobre dernier, associant 60 représentants du mouvement sportif et des collectivités, a permis de répertorier les premières initiatives des collectivités en réaction à l’explosion des coûts des fluides des équipements sportifs. Elle a précédé une entrevue entre la ministre des Sports, des jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castera, et Johanna Rolland, présidente de France urbaine, Maire de Nantes, présidente de Nantes Métropole. La présidente avait déjà alerté la Ministre sur les risques que la crise énergétique faisait peser sur la continuité du service public sportif.
France urbaine souhaite notamment que les deux milliards d’euros du « Fonds Vert » soient fléchés de manière prioritaire vers les territoires urbains, afin d’éviter tout effet de saupoudrage. De fait, 70% des grands équipements sportifs des villes et métropoles ont été construits dans les années 1970 et sont les équipements les plus consommateurs d’énergie, à l’instar des stades, piscines ou patinoires.
La facture énergétique devient salée
France urbaine, en sondant ses adhérents, a tenté d’évaluer le seuil de déclenchement de fermeture des équipements sportifs en général, et des piscines en particulier. Pour l’heure, si aucun seuil global et commun ne ressort, les collectivités invoquent deux principaux baromètres : celui du taux d’occupation et celui de l’équilibre financier.
Pour l’heure, les restrictions des horaires d’ouvertures des équipements sportifs ont très peu de répercussions avérées, à court terme, sur le taux de fréquentation. Celle-ci est néanmoins scrutée de près, pour ne pas perdre les bénéfices de politiques sportives locales et nationales impulsées en matière d’accès à la pratique physique et sportive pour toutes et tous.
Si l’impact sportif est à ce jour relatif, les collectivités s’ajustent pour faire face au mieux aux répercussions financières et économiques de la crise énergétique. Quels sont les montants estimés des surcoûts liés à l’augmentation des fluides sur les budgets sport ? A Dijon, ils sont de l’ordre de 1,5 million d’euros, soit 20% des surcoûts de la crise énergétique portés par la collectivité, montant sensiblement équivalent à Rouen. Bourges estime le surcoût à 700 000 euros, la communauté d’agglomération du Pays-Basque à 355 000 euros (6,5% des surcoûts). La Métropole du Grand Nancy avance une augmentation des coûts des fluides pour le sport de l’ordre de 69%, soit un coût supplémentaire de 2,5 millions d’euros, tandis qu’à Angers, la patinoire a généré un surcoût d’un million d’euros.
Quelles conséquences sur les projets d’investissement ?
L’absence de prévisibilité des surcoûts énergétiques, préjudiciables pour les budgets des collectivités, va-t-elle avoir des effets sur leurs capacités d’investissement ? Quels effets-rebonds de la crise énergétique sur la rénovation des équipements sportifs ? De l’avis des collectivités, la crise énergétique a mis en lumière le caractère énergivore des équipements sportifs, considérés comme « passoires thermiques ». Elle a permis d’amplifier le message visant à un besoin d’investissements massifs et pluriannuels, étant entendu que les rénovations énergétiques des bâtiments sont au cœur des priorités des Plans pluriannuels d’investissement des grandes villes, agglomérations et métropoles.
L’Eurométropole de Strasbourg entend maintenir à l’identique ses efforts concernant la rénovation des gymnases (chauffage, isolation…), de l’ordre de deux millions par an. A Strasbourg, les équipements sportifs représentent 14% des surfaces du patrimoine de la ville et 14% de ses consommations énergétiques, tandis qu’à l’échelle de l'Eurométropole, le patrimoine sportif recouvre 20% des surfaces du patrimoine et 50% des consommations (principalement piscines et patinoire).
Les collectivités répondantes oscillent ainsi entre maintien et report des investissements : elles sont de l’ordre des deux tiers à souhaiter un maintien voire une requalification à la marge des investissements sportifs. Les priorités sont clairement indiquées : rénovations énergétiques, passage en LED (gymnases, stades) et sécurité des bâtiments. Reims entend mobiliser 10 millions d’euros pour les équipements sportifs dans son Plan pluriannuel d’investissement, tandis que d’autres collectivités attendent encore des arbitrages budgétaires pour avancer, étant entendu que plusieurs projets devraient finalement être reportés en 2024 ou au-delà.
Quant aux projections en matière de budget de fonctionnement et d’aides aux associations sportives, les réponses sont diverses : plus de la moitié des collectivités répondantes déclarent que les budgets de fonctionnement seront sanctuarisés en 2023, tandis que, pour d’autres, ils devraient subir une baisse, de l’ordre de 3 à 5%, parfois 10%, selon les lettres de cadrage budgétaire transmises aux directions, lesquelles appellent à des économies substantielles pour les prochains mois, a fortiori dans un contexte qui resterait inflationniste.