Bien vieillir en ville : les villes anticipent et innovent

Le Havre, Arras, Rennes... France urbaine explore les bonnes pratiques en matière d'adaptation de nos villes au vieillissement et au handicap.
Le nouveau dispositif, « Ma Prime Adapt’ » devrait être mis en place au 1er janvier 2024, préfiguré par le dispositif « Habiter mieux », attendu pour janvier 2023. En parallèle, la conférence nationale du handicap prévue en mars 2023 donne lieu à une phase d'évaluation de la mise en accessibilité du cadre bâti : un groupe de travail dédié est lancé. Qu'en est-il de l'adaptation réelle de nos villes au vieillissement et plus largement de leur capacité à mettre en place une accessibilité universelle aux services et aux équipements ? France urbaine a souhaité, en réunissant un réseau de cadres territoriaux, le 21 octobre 2022, mettre en avant les bonnes pratiques, freins et leviers que connaissent nos territoires en engageant une réflexion sur la question des parcours résidentiels et de l'adaptation de l'habitat au vieillissement de notre société, avec en ligne de mire l’objectif de faire émerger un service public dédié et accessible à tous.
Le vieillissement, un levier vers une démarche d'accessibilité universelle ?
Luc Broussy, expert en matière de vieillissement, auteur du rapport « Nous vieillirons ensemble » animateur aux côtés de Florence Thibaudeau-Rainot, adjointe au maire du Havre et co-présidente de la commission « Solidarités, lutte contre les inégalités et la pauvreté » de France urbaine du volet adaptation des villes au vieillissement dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR), le rappelait en février auprès des élus de France urbaine : « Dans la décennie qui s’ouvre, le nombre des personnes âgées de 85 ans et plus va stagner alors qu’il est prévu une augmentation de 2 millions du nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans pour atteindre 6 millions en 2030. En 2030, le défi sera inverse. Les deux mandats municipaux en cours et à venir sont donc ceux de l’adaptation des territoires à ces changements, sur le volet de l’accès au logement en particulier ».
Cette donnée n'est pas nouvelle. De nouveaux dispositifs ont été ouverts par la loi d'adaptation de la société au vieillissement favorisant l'intervention des bailleurs sociaux. Depuis 2021, l'observatoire de l'habitat inclusif réunit les partenaires du dispositif en vue de faciliter son déploiement. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a mis en avant dans le cadre des appels à projets ouverts en 2021 et au premier semestre 2022, l'axe de la rénovation de l'offre à destination des personnes âgées comme un axe prioritaire : ouverture de l'EHPAD sur la cité, rénovation des résidences autonomie.
Une articulation des programmations à renforcer, une planification à consolider
Du diagnostic à la programmation, le parcours est semé d'embûches. L'analyse des besoins sociaux (ABS) dans le parc privé, diffus peut parfois être rendue complexe. La planification exige une articulation fine des niveaux d'acteurs : communaux, intercommunaux, départementaux, en vue de faire le lien entre l'octroi des permis de construire, la coopération avec les bailleurs publics et privés et les éléments de planification intégrés dans les Plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI), les Plans locaux de l’habitat (PLH) mais aussi les Plans de déplacement urbains (PDU) et les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).
Penser de nouveaux outils pour favoriser une approche cohérente
Gestionnaires d'équipements vieillissants, de nombreux territoires s'interrogent sur le modèle financier et bâtimentaire des résidences autonomie. Si les acteurs du secteur sont pleinement conscients du caractère clé de cette offre à taille humaine et financièrement accessible, son modèle économique et son modèle architectural sont questionnés. L'intercommunalité et la commune n'ont pas la maîtrise directe des conditions d'agrément et de mise en place de certains établissements. Toutefois, la compétence d'octroi des permis, le financement des CLIC, les partenariats financiers sur certains projets, le pilotage direct de certains équipements ou encore les compétences en matière de planification du logement via les programmes locaux de l’habitat (PLH) des EPCI et métropoles délégataires des aides à la pierre conduisent de fait à les poser en acteurs majeurs du parcours des personnes. Or la capacité des territoires urbains, villes et intercommunalités à se montrer garants de la planification d'une offre cohérente sur un territoire se heurte à la multiplicité et la diversité des offres.
L'information et l'accès aux aides : penser la proximité et l'articulation des dispositifs
Une récente interpellation de la Défenseure des droits alerte sur la complexité d'accès au dispositif MaPrimeRénov’ en particulier pour les foyers les plus vulnérables et les moins connectés. Le caractère faiblement incitatif des rénovations globales et les restes à charge parfois prohibitifs pour de petits budgets sont également régulièrement pointés, au risque d'impacts réduits sur la performance énergétique réelle du bâti. France urbaine plaide depuis le lancement du dispositif pour une délégation de tout ou partie des crédits aux intercommunalités en vue de garantir une démarche au plus près des personnes et de leurs besoins. Plusieurs intercommunalités et villes ont, ces dernières années, déployé des guichets spécifiques, sous forme de maisons de l’habitat durable ou de la transition écologique et énergétique, en vue de favoriser cet accès et mettent en place des aides financières complémentaires, pour encourager à des travaux d’ampleur, au-delà de la seule chaudière à bois.
Dans le cadre de « Ma Prime Adapt’ », il s'agira de tirer les enseignements de telles démarches afin de pousser une délégation élargie de crédits en proximité et mieux articuler les aides et les démarches existantes.
Bien vieillir en ville : les villes anticipent et innovent
Au Havre, une démarche globale a été lancée par la Ville, regroupant l'ensemble des partenaires du territoire. Lancée en 2022, cette stratégie fortement portée par le maire Edouard Philippe s'appuie sur un diagnostic fin des besoins mené par l'agence d'urbanisme et un bilan des actions déjà menées. Un plan d'action est en cours de finalisation comprenant un axe structurant sur l'aspect logement. Ce dernier souligne l'importance de la bonne communication autour des dispositifs et vise à simplifier fortement les démarches d'adaptation en pensant le cas échéant un guichet unique.
A Rennes, une démarche fine de diagnostic est conduite en lien avec les bailleurs. Un travail fin de recensement en classant en logement adapté, adaptable, non adaptable a ains été mené prenant en compte l'ensemble du bâti. En vue de penser la localisation de futurs habitats, le territoire est sectorisé en repérant des secteurs favorables au vieillissement, veillant à identifier la présence dans un rayon de 200m, 300m, des services, des transports, des commerces.
Quant à la Communauté urbaine d'Arras, une observation partagée et la construction de nouveaux dispositifs pour mieux orienter les aides est en cours. La communauté urbaine a déployé des outils d'observation en lien étroit avec la CARSAT et peut s'appuyer sur une analyse des besoins sociaux à l'échelle des 46 communes. S'agissant des aides, un écart majeur est constaté entre le public éligible aux aides de l'ANAH et la programmation effective des travaux. De nouveaux dispositifs sont expérimentés. La Maison de l'habitat durable traite aussi bien de la rénovation énergétique que de l'adaptation. Une prime pour tous les propriétaires bailleurs du parc privé qui feraient des travaux d'adaptation vient d'être mise en place depuis un an à hauteur de 5000€. Un dispositif de viager social est à l'étude : le bailleur social prendrait en charge les travaux d'adaptation énergétique et d'adaptation, le bien retomberait ensuite soit dans le giron de l’organisme HLM soit en accession aidée.