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Stratégies alimentaires territoriales

Audrey Pulvar : « Utiliser le levier de la commande publique pour changer le paysage agricole est une tendance de fond »

12/12/2022

Transition agricole, exception alimentaire... la présidente de la commission « Stratégies alimentaires territoriales » de France urbaine a accordé un entretien à La Gazette des communes.

Audrey Pulvar, présidente de la commission « Stratégies alimentaires territoriales » de France urbaine, témoigne pour La Gazette des communes sur la manière dont les métropoles incitent à la transition agricole, via la fourniture des cantines. L’adjointe à la maire de Paris, en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts se fait l’écho d’un besoin d’exception alimentaire dans les marchés publics pour changer d’échelle. Entretien.


LA GAZETTE DES COMMUNES : Avec l’inflation, la hausse des tarifs des cantines scolaires est-elle inéluctable ?

AUDREY PULVAR : Les villes de France urbaine, qui, comme Paris, ont une politique alimentaire, gardent en tête l’enjeu de préserver le pouvoir d’achat des convives. Au sein de la commission Stratégies alimentaires territoriales, les villes membres ont fait voter des subventions supplémentaires pour boucler leur budget. Nous agissons aussi sur le gaspillage de la nourriture, qui permet de faire beaucoup d’économies.
 

Les cuisiniers et gestionnaires de cantines doivent adapter les menus pour respecter des tarifs contraints et parer aux pénuries. Ces difficultés pourraient-elles ralentir les efforts déjà nombreux pour se conformer à « Egalim » (bio, circuits courts, sans plastique…) ?

A. P : Les membres de France urbaine sont en avance ou en chemin par rapport à la loi Egalim. Ce serait un mauvais prétexte d’utiliser l’inflation pour ralentir le soutien aux producteurs et diminuer la qualité des denrées. France urbaine représente les villes de plus de 100 000 habitants et les agglomérations à partir de de 250 000 habitants, soit près de 30 millions de français sur 108 territoires. Ce ne sont pas ces villes qui ont le plus de facilité à s’approvisionner en circuits courts et en bio, à cause des volumes dont elles ont besoin. Et pourtant, nous sommes un certain nombre, très volontaristes, à ne pas baisser la part du bio, comme Paris, Dijon, Grenoble, Strasbourg, Montpellier, Nantes… À Paris, nous avons voté en juin notre plan alimentation durable, fixant la part du bio ou durable à 100 % en 2026-2027 (fin du mandat) dont 75 % de bio (contre 54 % aujourd’hui). Ces denrées bio devront venir à 50 % de moins de 250 km de la capitale.
 

Pour ce faire, vous faites partie des organisations de collectivités qui demandez une exception alimentaire dans les règles de marchés publics…

A. P : Oui, car aujourd’hui on peut se fournir localement à condition de mettre des contraintes fortes dans nos marchés. Par exemple : les convives doivent pouvoir se rendre sur l’exploitation qui les fournit en légumes. Il y a encore le critère des gaz à effet de serre mais ils restent difficiles à mesurer… Nous devons user de ficelles, de pirouettes, or il s’agit de défendre l’intérêt général ; en amont pour défendre le revenu des agriculteurs et en aval pour la qualité des repas et la protection de l’environnement. L’exception pourrait concerner au moins une partie de nos appels d’offres. La France peut se saisir de ce sujet pour le défendre au niveau européen. Ce n’est pour l’instant pas à l’agenda de l’État même si certains députés commencent à s’en emparer – de tous bords d’ailleurs.

Propos reccueillis par Hélène Huteau/ La Gazette des communes